Gaza : les dominicains évacuent en urgence un trésor archéologique des bombardements
Sous la menace des frappes israéliennes, un entrepôt archéologique de Gaza a été vidé en urgence. Le Frère Olivier Poquillon, directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (EBAF), raconte ce sauvetage inédit.
Le frère Olivier Poquillon est le directeur de l'École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem. DRLe 11 septembre, l’entrepôt qui conservait 30 ans de fouilles a été directement menacé par une frappe israélienne. « Ces fouilles, ce sont trente ans de travail, mais en réalité 5 000 ans d’histoire », raconte le frère Olivier Poquillon.
Des trésors vieux de plusieurs millénaires
"Dans la foulée des accords d'Oslo, qui étaient les accords de paix entre la partie palestinienne et la partie israélienne dans les années 90, nous avons pu relancer des fouilles qu'on avait déjà commencées au XIXe", raconte le directeur de l'Ecole Biblique de Jérusalem.
30 ans de fouilles, mais 5 000 ans d'histoire.
Pour le religieux dominicain, ces objets sont les témoins matériels de 5 000 ans d'histoire. "Ils sont les témoins d'une histoire qui montre la cohabitation de communautés, de religions, de cultures, de langues, de peuples différents", souligne-t-il. Quels étaient les objets stockés ? "On s'imagine souvent Indiana Jones, la réalité est un peu plus prosaïque", détaille-t-il. "Il s'agit surtout de tessons, de pierres, de choses comme ça, donc de poteries, qui vont nous permettre d'illustrer les connexions qui existaient justement entre ces peuples. Comment les phéniciens, par exemple, commerçaient, puisque Gaza a toujours été une voie de commerce et de mouvement entre les peuples", poursuit-il. Ce patrimoine est désormais en partie classé au patrimoine mondial en danger de l'UNESCO.
Un sauvetage en urgence
Ces objets étaient stockés dans un dépôt, situé au rez-de-chaussée d'un immeuble gazaouis de 13 étages, "une tour d'habitation qui avait déjà subi des dommages et des incursions des forces armées". "Les Nations unies n'étaient pas capables de nous fournir des moyens de transport et l'armée nous mettait la pression", raconte le frère Olivier Poquillon. Après négociation avec les autorités, les dominicains ont eu un peu plus de 24 heures pour organiser le sauvetage. "Finalement, c'est grâce à la toute petite paroisse catholique de la bande de Gaza qu'on a pu mobiliser 4, puis 6 camions et une équipe d'ouvriers qui, en un voyage - puisque repasser par le même endroit, nous auraient exposés à des risques d'attaques et de pillages - en un voyage, a permis de mettre l'essentiel à l'abri", détaille le religieux dominicain.
L'armée nous mettait la pression
Pour les dominicains de l'EBAF, tout s'est fait à distance, les expatriés n'ont plus la possibilité d'accéder à Gaza. "Nous avons sur place une trentaine de collaborateurs que nous continuons à payer, qui arrivent à nourrir la famille comme ça, qui sont pour la plupart des musulmans. Donc là, on a une coopération musulman pour nos employés et chrétiens venus de la paroisse qui ont travaillé ensemble pour sauver ce patrimoine commun, mais qui n'est pas seulement musulman et chrétien, qui est aussi un patrimoine juif, grec, romain, etc.", pointe le frère Olivier Poquillon.
L’entrepôt visé bénéficiait d’un statut particulier. « Le site sur lequel étaient stockés ces objets était ce qu’on appelle un site déconflicté, c’est-à-dire un site dont on donne les coordonnées aux forces armées », explique-t-il. Ce dispositif a permis de gagner un peu de temps : « Cela nous a valu d’avoir un préavis quand même d’une demi-heure avant la frappe, ce qui était déjà un bon départ. ».
Aujourd’hui, les collections ont été relocalisées « dans un autre site protégé au titre de différentes conventions internationales et du droit israélien ». Mais il s’agit d’une solution provisoire. « Ce n’est qu’un stockage temporaire, puisqu’il n’est pas possible de rejoindre le site de Saint-Hilarion, sur lequel nous souhaiterions à terme pouvoir entreposer les objets », détaille le directeur de l'EBAF. En attendant, les discussions se poursuivent. « En collaboration avec la France, avec le patriarcat latin, avec l’UNESCO, nous cherchons à stocker provisoirement cette histoire des peuples de la région », souligne-t-il.
Revenir en Terre Sainte pour soutenir les chrétiens d’Orient
A l'instar du cardinal Aveline, le directeur de l’École biblique et archéologique française appelle à maintenir au retour des pèlerinages en Terre sainte, malgré la guerre. « Non seulement les pèlerins, mais aussi les étudiants et les chercheurs », explique le frère Olivier Poquillon. Il rappelle que l’économie locale dépend largement de ces visites. « Les chrétiens de Palestine vivent essentiellement de l’accueil des pèlerins et parfois des touristes. C’est 20 % aussi de l’économie israélienne. Mais pour la Cisjordanie, par exemple, on est plus proche des 80 %. ». Un message clair pour les fidèles : « Si vous voulez soutenir les chrétiens d’Orient, venez, c’est un bon moyen de vous sanctifier. Et commencez à vous préparer en lisant la Bible de Jérusalem. »


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