Et si l’on chantait Boualem Sansal ?
Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, l’écrivain Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’intégrité du territoire ». La France n’a pas réussi à obtenir sa libération. Pourquoi une telle discrétion autour de son sort ? Analyses de Robert Redeker, philosophe et soutien de Boualem Sansal.
Boualem Sansal © FlickrIl y a 30 ans, au moment de la dictature chilienne, la gauche française soutenait des artistes persécutés comme Victor Jara ou Pablo Neruda. A travers des chansons, Bernard Lavillier ou Jean Ferrat participaient notamment à cette mobilisation. Aujourd’hui, face à l’emprisonnement de Boualem Sansal, ce soutien de la gauche se fait peu remarquer.
Boualem Sansal : un otage politique avant tout
Le contentieux entre l’Algérie et la France est profond, le gouvernement algérien fondant une partie de sa légitimité sur l’accusation de la France et du colonialisme. Boualem Sansal, avec sa liberté de ton, est devenu un symbole et une cible.
En outre, les tensions se sont ravivées entre la France et l’Algérie depuis que Paris a soutenu le 29 octobre 2024 le plan marocain pour le Sahara occidental. Boualem Sansal, en s’alignant sur cette position, est devenu une monnaie d’échange entre les généraux qui dirigent l’Algérie et le gouvernement français selon Robert Redeker.
Des prises de positions jugées provocatrices
Boualem Sansal est au monde musulman ce que Voltaire fut au monde chrétien, écrivait Robert Redeker. Ancien haut fonctionnaire, l’écrivain franco-algérien a dénoncé la corruption, l’autoritarisme en Algérie ainsi que la montée de l’islamisme.
Boualem Sansal est perçu comme un intellectuel à contre-courant, proche d’Israël et critique vis-à-vis de l’islamisme.
Certains ont jugé ses opinions provocatrices. En France, certains intellectuels de gauche affirment que ses positions politiques se rapprochent de Marine Le Pen et de l’extrême droite. « Boualem Sansal est perçu comme un intellectuel à contre-courant, proche d’Israël et critique vis-à-vis de l’islamisme », résume Robert Redeker.
Gauche française : une liberté d’expression sous conditions
Le mardi 26 mars 2025 au soir devant l’Assemblée nationale, les élus du Nouveau Front populaire étaient absents pour appeler à la libération de l’écrivain franco-algérien aux côtés du Rassemblement National et de la droite de Retailleau.
Il y a les bons intellectuels persécutés et les mauvais intellectuels persécutés.
L’écrivain franco-algérien ne correspond pas au profil de victime que la gauche soutient habituellement. Pour Robert Redeker, la France insoumise en particulier établit aujourd’hui le distinguo entre « les bons intellectuels persécutés et les mauvais intellectuels persécutés ». Ainsi, plutôt que de défendre l'universel, la gauche défend son propre bord politique selon le philosophe.




