Claire des Mesnards | Oh la vache !

L'actualité politique est chargée ; mais ce qui me marque dans la liste d'infos ahurissantes qui se sont accumulées en cette rentrée, c'est la perspective d'une pénurie de beurre. Oh la vache !
Sommes-nous devenus un pays du tiers-monde ou l’ère soviétique est-elle de retour ? Et moi, ballottée dans ces fluctuations géopolitiques, que deviendrai-je sans ma tartine du matin, qui
plus est, un matin privé de l’espérance de pouvoir mettre du beurre dans les épinards au soir ?

Le beurre va manquer

Vous savez, quand le grand classique de la "Tartine de beurre" a bercé votre foi au progrès dès l'heure du petit-déjeuner, et quand on s'est laissé dire, plus tard, que les compétences des Mozart de la finance seraient à même de remettre à flot la France, pareille nouvelle a quelque chose de cataclysmique, tant c'est emblématique du marasme généralisé. Voilà, fini de jouer : c'est que, les vaches sont tombées malades cet été. Elles ont souffert de la chaleur, en ce troisième été le plus chaud jamais enregistré. Alors forcément, elles ont moins bien travaillé. Eh oui, c'est comme nous, les vaches ! Ça tombe malade, ça traverse les canicules, et au bout du compte - dans le meilleur des cas, ça produit moins ; or, précisément pour ce travail, elles sont irremplaçables. Pas pour rien qu'elles sont considérées comme sacrées dans certaines spiritualités, au-delà du fleuve Indus !

Retour à la Genèse

Le livre de la Genèse évoque, à travers un rêve que fait le
pharaon, 7 vaches grasses et 7 vaches maigres. Le pharaon se réveilla précisément au moment où son rêve tournait au cauchemar, les vaches maigres dévorant les grasses ! Un certain Joseph, jadis vendu par ses frères, interpréta ce rêve comme la prémonition de sept années d’abondance, suivies de sept années de famine, à même de faire oublier jusqu’au bonheur de
l’abondance passée ; jusqu’au goût du bon beurre, en somme.
Aussi fut-il conseillé à pharaon de choisir sans tarder un homme avisé et sage pour le mettre à la tête du pays, afin que personne n’y meurt de faim. 

Qui sera nommé ?

Tandis que beaucoup d’entre nous se réveillent, peut-être encore dans l’anxiété d’une nuit troublée par l’intranquillité où nous laisse l’actualité politique, économique et sociale, je crois que la confiance n’a pas dit son dernier mot. Je crois que NOUS sommes les hommes et les femmes providentielles, qui pouvons nous réveiller AVANT que n’intervienne la terrible dévoration décrite dans le songe de pharaon. Se réveiller oui, des illusions, qu’elles soient douces ou au contraire vengeresses, dont on s’est laissé bercer peut-être ; se réveiller aussi, des fantasmes catastrophistes qui paralysent et privent de la possibilité d’une action ; se réveiller, enfin, pour ouvrir les yeux sur les plus chétifs d’entre nous ;
pour prendre soin les uns des autres, apaiser les angoisses de ceux qui avaient placé dans l'excès leur confiance, soulager les souffrances de ceux qui connaissent la morsure du manque ; sachant bien que les uns comme les autres ne sont pas toujours ceux qu’on pense.

Se réveiller, c’est l’un des termes que le Nouveau Testament emploiera pour parler de Résurrection ; où la Résurrection d’un seul aura pour conséquence celle de beaucoup d’autres. Puissions-nous, comme Joseph, agir en bons intendants de ce qu'il nous reste à reconnaître encore, sans doute, comme grâces de Dieu. Nous pourrons dire alors, comme y invitait Martin Luther : « Christ est
ressuscité. Et je suis ressuscité, tu es ressuscité avec lui ».