Le plan national d'adaptation au changement climatique, dans sa version finale, a été dévoilé lundi par la ministre de la Transition Agnès Pannier-Runnacher. Le Haut conseil pour le climat a de son coté émis un avis critique ce jeudi, déplorant un manque de moyens financiers.
Les canicules de 2022 ou les inondations de 2024 ont prouvé la nécessité de s'adapter rapidement au dérèglement climatique. Le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) était attendu depuis fin 2023.
Il avait été annoncé comme un des axes majeurs de la stratégie du gouvernement Borne, mais il a pris beaucoup de retard. Un délai qui a été accentué par la dissolution de l'Assemblée nationale. Le PNACC avait été présenté en octobre 2024 par l’ancien Premier ministre, Michel Barnier. Il a ensuite été soumis à une consultation publique pendant deux mois.
Après 6 000 contributions, ce dispositif valable pour cinq ans a donc été finalisé. Il contient une cinquantaine de mesures et recense 200 actions pour mieux anticiper les risques, adapter les activités humaines assurer la résilience des territoires et protéger les Français face à un réchauffement pouvant atteindre 4 °C d’ici la fin du siècle. Cette feuille de route a notamment été pensée pour faire face à l’aggravation des inondations, sécheresses, canicules, érosion côtière ou encore incendies de forêt.
Mais dans son avis rendu ce jeudi, le Haut conseil pour le climat (HCC) estime que les moyens annoncés "restent très insuffisants". Cette stratégie d’adaptation doit être dotée "d’un plan de financement complet" estime l’institution. La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runnacher avançait lundi que "l’adaptation au changement climatique bénéficierait de moyens financiers inédits".
Le fonds Barnier créé en 1995 a été augmenté de 75 millions d’euros pour atteindre 300 millions. Quelque 260 millions d’euros issus du Fonds vert (le dispositif de financement pour la transition écologique lancé par le gouvernement) seront consacrés à l’adaptation. Mais le HCC rappelle que ce fond "a récemment été réduit de 2,5 milliards d’euros en 2024 à 1,15 milliards en 2025".
"Dans le budget 2025, il y a eu des diminutions de crédits donc l'enveloppe totale diminue. S’il y a un maintien de l'argent via ces fonds qui va aller vers l'adaptation, cela veut dire que l’on rogne sur d'autres sujets", souligne Adèle Tanguy, chercheuse spécialiste des politiques d’adaptation au changement climatique à l’Institut du développement durable et des relations internationales. "Par ailleurs, le contexte politique actuel est quand même assez en défaveur des sujets de transition. Est-ce que les enveloppes allouées vont se maintenir ou non ?", s’interroge-t-elle.
D’autres financements apparaissent déjà insuffisants comme par exemple les 30 millions d’euros consacrés à la prévention du risque de retrait-gonflement des sols argileux. Cette problématique affecte déjà 10 millions de logements en France avec des maisons fissurées.
"Les prévisions envisagent 93 % de hausse des coûts des dégâts d'ici 2050, avec un réchauffement à 2,8 °C. Alors évidemment, avec + 4 °C d’ici 2100, on n'est même pas capable de le chiffrer. Il faut prévoir une indemnisation pérenne pour les gens qui seront impactés par les fissures", estime Yves Morliac de l’association Les oubliés de la canicule, qui accompagne les Français victimes de ce type de sinistre. Selon les estimations de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), les investissements publics nécessaires, pour permettre au pays de s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique, seraient de 2,3 milliards d’euros par an au minimum.
Pour autant, dans cette version finale du PNACC, il y a quelques points positifs. "Sur la plupart des mesures, il y a des indicateurs pour pouvoir mesurer la réalisation effective de ce plan-là", relève Adèle Tanguy. Le gouvernement veut que cette trajectoire de 4 °C devienne une référence dans les textes d’urbanisme à partir de 2027.
Une autre avancée concerne une meilleure intégration des acteurs locaux des territoires à enjeux climatique spécifiques comme la montagne, la forêt, les zones agricoles ou le bord de mer soumis à l'érosion. "Les problématiques du littoral apparaissent explicitement dans le plan. C'est une bonne chose, car ce seront les premiers territoires impactés", indique Florence Poirier, chercheure en sociologie des sciences du climat à l’université de Caen et spécialisée dans les risques littoraux.
Le plan va permettre d’organiser une gouvernance locale pour anticiper la montée des eaux liée au réchauffement climatique et envisager les meilleures options pour s’adapter. "Il ne s'agit pas seulement de trouver des solutions techniques ou en termes d'aménagement. C’est aussi tout un processus avec tous les acteurs impliqués ou concernés sur ces territoires pour explorer collectivement des solutions", conclut la chercheuse.
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