Regard sur l'actualité et la vie de l'Église
Chers frères et sœurs,
Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, nous avons entendu la stupéfaction, la colère, la tristesse, le découragement suscités par ce que nous apprenons au sujet de Mgr Michel Santier, ancien évêque de Luçon puis de Créteil, et maintenant au sujet de Mgr Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Montpellier puis de Bordeaux.
Nous sommes conscients que ces révélations affectent douloureusement les personnes victimes, en particulier celles qui avaient choisi de nous faire confiance. Nous constatons l’ébranlement de nombreux fidèles, de prêtres, de diacres, de personnes consacrées. Ces sentiments sont également les nôtres. Membres d’un même corps ecclésial, nous sommes nous aussi blessés, atteints en profondeur. (…)
Certains ont pu se demander si le droit de l’Eglise n’organisait pas une forme d’impunité ou de traitement particulier des évêques. (…) Nous le redisons avec force : il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, d’impunité des évêques. (…)
Certains s’interrogent : dans les circonstances présentes, quel crédit donner aux engagements pris il y a un an pour tirer les conséquences du rapport de la CIASE ? Nous pouvons en donner l’assurance : une transformation des pratiques est bel et bien en cours, avec l’aide de nombreux fidèles laïcs particulièrement qualifiés, dont des personnes victimes. Des décisions sont déjà prises et mises en œuvre. Diocèses et mouvements d’Eglise s’impliquent de manière plus construite dans la protection des mineurs. Les groupes de travail décidés il y a un an rendront leurs conclusions en mars 2023. Nous venons de faire un point d’étape avec eux au cours de cette Assemblée. Ce travail de fond commence à porter du fruit. Nous continuerons sur cette lancée. (…)
Frères et sœurs, humblement mais de tout cœur, nous continuons le travail entrepris pour que l’Eglise soit une maison plus sûre. Les personnes victimes demeurent plus que jamais au cœur de notre attention. Vos attentes et vos exigences sont légitimes et vraiment entendues. Nous les accueillons comme venant du Seigneur lui-même. C’est tous ensemble, nous en avons conscience, que nous pouvons contribuer à une fidélité renouvelée à l’Évangile. C’est notre prière et notre détermination modeste mais résolue.
Un pays sans majorité absolue à l’assemblée est réputé « ingouvernable ». Mais qu’on franchisse le Rhin, les Alpes ou les Pyrénées, on trouvera d’autres pays également sans majorité absolue et qui sont malgré tout gouvernés.
Sans faire de facile jeu de mots, on peut dire que « gouvernable » et « ingouvernable » sont des notions… relatives et non pas absolues. Elles dépendent de la culture politique du pays où l’on se trouve : culture de l’hégémonie chez les uns, culture du compromis chez les autres. Nous autres français souffrons peut-être d’une incapacité native à concevoir l’art de gouverner autrement que comme une quasi dictature de la majorité. Cela pourrait être à l’origine de la sacralisation typiquement française du scrutin majoritaire, dont la principale vertu est de gonfler les majorités, de les rendre monstrueuses jusqu’à ce que, comme la grenouille de la fable, elles finissent par crever de leur propre enflure en se fissurant au gré de l’apparition de frondeurs en leur sein.
Le moment si particulier que traverse la France est sans doute un des symptômes de la crise profonde de notre démocratie. Il invite à réfléchir à frais nouveaux sur les impasses de notre société individualiste et libertaire.
Dans ce contexte de crise, les politiques sont fréquemment confrontés aux sautes d’humeur des électeurs (par exemple quand ceux-ci leur refusent une majorité juste après les avoir reconduits dans leur charge) : ils peuvent alors méditer sur les mérites d’une culture du compromis. Mais il me semble qu’ils devraient aller plus loin et plus profond : se demander s’ils ont su respecter les bases non démocratiques sur lesquelles doit être établie la démocratie. Car les fondements les plus essentiels des sociétés humaines ne peuvent pas être démocratiques : la vérité n’est pas démocratique, ni la beauté, ni le bien et le mal – d’où l’absurdité de la phrase de Jacques Chirac : « pas de loi morale qui prime la loi civile ». Pour que perdure la démocratie, il faut nécessairement qu’il y ait en elle du non démocratique, reconnu et accepté par tous. Et c’est en référence à ce non démocratique – l’intérêt supérieur du pays et le bien commun par exemple – que des majorités de compromis pourront effectivement gouverner. Il n’est plus besoin alors de majorité absolue : il faut et il suffit que l’absolu soit reconnu là où il est vraiment : dans ce qui transcende les volontés et les caprices individuels et relie les hommes ensemble. C’est là que redevient possible ce qui, selon Aristote, constitue la base de la cité : la philia, l’amitié entre les personnes. Car la vie en commun est un fait de nature : de la famille au village et du village à la cité, les communautés naturelles s’emboîtent les unes dans les autres. Selon Rousseau, l’individu est « un tout parfait et solitaire » ; mais vingt et un siècles plus tôt, Aristote avait déjà réfuté cette affirmation en rappelant que l’homme est « incapable de se suffire à lui-même, il n’existe que comme partie d’un tout ».
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