5 mai 2023
Jérusalem et Antioche
Pendant le temps pascal on lit les Actes des Apôtres, cette épopée de l’Église naissante qui commence pour saint Luc par le don de l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte. La Pentecôte est un tournant majeur, l’acte de naissance de l’Église.
Mais de quelle Église s’agit-il ? Il s’agit de l’Église de Jérusalem, celle qui prend naissance parmi des Juifs et qui ne comprend que des Juifs. On oublie trop souvent que la foule rassemblée en ce jour à Jérusalem n’est constituée que de pèlerins venus, certes, d’une multitude de nations, mais qui appartiennent tous au peuple juif.
Il faudra attendre quelques chapitres pour que les choses changent. Il y aura d’abord, au chapitre 10, l’improbable visite de Pierre dans la maison du centurion Corneille, une visite qui est un véritable coup de force de l’Esprit Saint. Pierre sera d’ailleurs contraint de se lancer ensuite dans une longue explication pour se justifier : « Si Dieu a accordé [aux païens] le même don qu’à nous, pour avoir cru au Seigneur Jésus-Christ, qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu ? » (11, 17).
Tout de suite après cet épisode, nous trouvons celui de la fondation de l’Église d’Antioche, fruit de la grande dispersion qui avait suivi à Jérusalem la mise à mort d’Étienne, le premier martyr. Là aussi, c’est en quelque sorte contraints et forcés que les apôtres se tournent vers les païens pour leur annoncer la Bonne Nouvelle. Mais Barnabé et Paul viennent leur prêter main forte et ils restent sur place « toute une année durant » en « instruisant une foule considérable » (11, 26). Et tout s’achève par un nom nouveau donné aux disciples de Jésus, celui de « chrétiens » : nouveau nom inventé par des païens et qui est sans doute d’abord un sobriquet (« la bande à Chrestos »), mais qui pointe une caractéristique essentielle. Les chrétiens sont disciples de Celui que Dieu a marqué de l’Esprit Saint (le Christ), et sont eux-mêmes marqués de ce même Esprit.
Jérusalem et Antioche sont deux figures de l’Église. Mais la communauté de Jérusalem, centrée sur « l’enseignement des apôtres, la communion fraternelle, la fraction du pain et [les] prières » (2, 42) et dans laquelle les biens sont mis en commun, est plutôt une communauté monastique avant la lettre, attirant à elle d’abord par son mode de vie. La communauté d’Antioche sera bien davantage une communauté de plein vent, très présente sur la place publique, et particulièrement inventive pour faire en sorte qu’une « foule considérable s’adjoigne au Seigneur » (11, 24).
Il est clair que Jérusalem et Antioche sont tous deux essentiels à la vie de l’Église. La communauté de Jérusalem n’est pas dépassée lorsque naît celle d’Antioche : la vie de prière et de contemplation, dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, est le creuset de toute véritable évangélisation. L’une et l’autre sont suscitées par l’Esprit Saint. Dans notre diocèse comme partout ailleurs, l’une et l’autre seront toujours indispensables.
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