LA CHRONIQUE DES ENFANTS DU MEKONG - Antoine Besson vient cette semaine avec une lettre de Rona, jeune philippine aidée par Enfants du Mékong, à son parrain. Dedans, elle raconte sa détresse, visible aussi avec l'exposition photo Le cartable ou la rue.
« Ma maman, c’est la meilleure maman du monde. Si seulement elle ne nous avait pas quittés… Son absence, comme celle de mon petit frère mort à 3 ans, laisse un grand vide dans notre famille. »
Ces quelques lignes, ce sont les premiers mots de Rona, une petite fille de 12 ans, qui vit aux Philippines, dans une lettre adressée à son parrain. Une lettre traduite avec l’aide de Vianney, notre volontaire Bambou, qui nous confie : « Des mots d’enfant, simples et doux, mais chargés d’une peine immense. » À 12 ans, Rona est déjà une petite adulte : elle avance courageusement, le cœur serré, pour tenir sa famille debout malgré la douleur.
Au-delà du soutien matériel, le parrainage crée un vrai lien de cœur. Chaque mois, un parrain donne 32 euros pour permettre à un enfant d’aller à l’école. Mais bien souvent, une correspondance naît – précieuse, profonde – comme entre Rona et son parrain. Dans sa lettre, parsemée de dessins, elle raconte comment elle est devenue l’aînée du foyer, après que son grand frère s’est effondré sous le chagrin. Alors elle prend le relais : en rentrant de l’école, elle devient une petite maîtresse. Elle aide ses trois sœurs à faire leurs devoirs… à la lumière vacillante d’une bougie. Car chez eux, il n’y a pas d’électricité. Ses mots déchirent ce sourire pudique que les Philippins gardent souvent, même dans les épreuves.
Rona habite Molocaboc, une minuscule île de pêcheurs. Vianney a eu un véritable coup de cœur pour cette famille, et surtout pour le père, si loin des stéréotypes.
« Ce papa, c’est un koala au cœur de loup. Présent, tendre, combatif. Il plonge chaque jour, sans bateau, pour ramasser des coquillages ou pêcher au harpon. » Il refuse de partir pêcher la nuit, pour ne jamais laisser ses enfants seuls. Pour ce travail harassant, il gagne à peine trois euros par jour. L’été, il faut acheter l’eau potable et le riz sur le continent : un euro le kilo, trente centimes les 20 litres d’eau. Tout son maigre revenu y passe, mais il ne se plaint jamais.
Comme Rona, des millions d’enfants assument des responsabilités d’adulte : cuisiner, nettoyer, garder les plus petits ou des plus âgés… Ce travail domestique, souvent invisible, met en péril leur scolarité, leur santé, leur avenir. L’ONU le reconnaît d’ailleurs comme une forme de travail illégal des enfants.
En Rona, j’ai reconnu le visage de tant d’enfants croisés et photographiés avec Christophe Keip, pour notre exposition Le Cartable ou la Rue, visible jusqu’au 28 mai au Parc André-Citroën à Paris.
Pour tous ces enfants, le parrainage, c’est une bouffée d’air, une lumière qui s’allume dans l’obscurité. Quant à Vianney, il en est sûr : dans dix ans, Rona sera maîtresse d’école. Et ce jour-là, son père, les larmes aux yeux, sera là. Fier comme jamais.
Association de loi 1901, reconnue de bienfaisance et habilitée à recevoir dons et legs, Enfants du Mékong n’a cessé d’évoluer depuis 1958 pour s’adapter aux demandes du terrain. Voulue comme un lien d’amitié avec les peuples d’Asie du Sud-Est, elle est restée fidèle à sa vocation première : aimer et secourir les enfants pauvres et souffrants en leur offrant un avenir grâce à l’instruction.
Retrouvez la chronique Loin des yeux, près du cœur tous les lundis à 6h44 dans la Matinale.
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