À la découverte du Japon impérial du XIe siècle avec Sei Shônagon
La littérature japonaise est une source inépuisable d’étonnement et d’inspiration. Bien connue aujourd’hui grâce à des auteurs phares comme Haruki Murakami, elle a aussi une riche histoire qui la distingue des autres littératures internationales à bien des égards. Les Notes de chevet, de Sei Shônagon, œuvre du XIe siècle, illustre bien cette singularité. L’écrivaine et dame de cour japonaise s’inscrit dans une tradition littéraire féminine, à l’origine des plus grands chefs d'œuvres de la littérature du Japon.
©Toyohara Chikanobu - Poems after Snow at the Imperial Palace, 1886Sei Shônagon, tout comme Murasaki Shikibu et Izumi Shikibu, fait partie des écrivaines de la cour impériale japonaise qui ont écrit les plus grandes œuvres de la littérature japonaise entre le VIIIe et le XIIe siècle. Ses Notes de chevet restent aujourd’hui encore un classique incontournable au Japon et à travers le monde.
Les Notes de chevet de Sei Shônagon : journal intime à la japonaise
Traditionnellement, on considère que le contenu d’un journal intime n’a pas vocation à être révélé. Il retranscrit les émotions, les pensées et les remarques intimes de son auteur. Pourtant, le journal intime est un genre littéraire prisé au Japon à l'époque Heian (794-1192). D’abord rédigées pour elle-même, les Notes de chevet de Sei Shônagon vont ainsi rencontrer un grand succès dans le pays du soleil levant. Sei Shônagon est une dame d’honneur au service de la princesse Sadako à la cour impériale. Son ouvrage, les Notes de chevet, est une compilation de notes à la manière d’un journal intime, dans lequel l’écrivaine narre toute une série de choses. Son regard aiguisé s’attarde sur ce qui se passe à la cour, jusque dans les détails les plus insignifiants au premier abord.
Cette compilation de notes brèves et spontanées va des choses qui rendent heureux, en passant par les choses désolantes, les choses difficiles à dire, ou encore les choses savoureuses. Avec des pointes d’humour, une écriture délicate et dans une langue limpide, elle livre ses pensées dans un ouvrage que l’on peut aisément feuilleter de note en note. Les contemporains de Sei Shônagon sont décrits voire critiqués sans détour, et l'œuvre, bien que japonaise et ancrée dans son époque, revêt souvent une portée universelle.
Les classiques japonais : une littérature au féminin ?
Contrairement à notre littérature française de la même période, la littérature japonaise est très féminine. Les œuvres japonaises de l'époque Heian (794-1192) sont principalement écrites par des dames de la cour impériale. C’est l’un des principales singularités de la littérature japonaise, qui en cela ne ressemble à aucune autre. Ainsi, les femmes sont à l’origine des chefs-d’œuvre incontestés de la littérature classique du Japon. C’est le cas du célèbre Dit du Genji de l’écrivaine Murasaki Shikibu, mais aussi des Notes de chevet de la dame de cour Sei Shônagon ou encore du Journal d’Izumi Shikibu. Tandis que la littérature française du Moyen-Âge est plutôt composée de récits épiques comme la Chanson de Roland, ce sont les plumes féminines qui rédigent les plus grandes œuvres littéraires du pays du soleil levant.
Au cours de cette période, les hommes se concentrent sur des écrits historiques ou guerriers dans une langue complexe, tandis que les femmes investissent une prose japonaise proche de la langue orale. Les dames de cour ont ainsi retranscrit leurs vies de femmes, d’amantes et de mères à la cour impériale. Ces écrits sont à la fois un patrimoine littéraire et un témoignage historique essentiel. Ils permettent d’avoir une vision précise de la vie de cour au Japon entre le VIIIe et le XIIe siècle.
Découvrir la littérature féminine japonaise, c’est à la fois nourrir son imaginaire, rire, voyager, mais aussi découvrir des œuvres bien différentes de celles que l’on connaît en France à la même époque. Les Notes de chevet de Sei Shônagon donnent accès à un monde vu par les femmes dans une époque où elles ont peu de voix dans la société.


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