Murakami, le maître de la littérature japonaise continue de nous surprendre
Auteur de romans, de nouvelles, d’essais, traducteur des plus grands écrivains américains, Haruki Murakami est l’un des auteurs japonais les plus connus et reconnus. Couvert de prix, d’aucuns lui promettent un jour le Nobel de littérature. À 73 ans, le maître de la littérature nippone continue de surprendre, dans des textes qui interrogent et bousculent : "J'écris des histoires étranges. Je ne sais pas pourquoi j'aime autant l'étrangeté. Moi-même, je suis une personne très réaliste", a-t-il confié un jour. Un recueil de nouvelles et un récit sur son père : deux des livres les plus personnels qu'il ait pu écrire.
"Première personne du singulier", un recueil de nouvelles
Avec "Première personne du singulier" (éd. Belfond), on profite de huit nouvelles avec un narrateur qui nous conte une histoire étrange ou banale, à commencer par "Sur un oreiller de pierre", un amour fugace ainsi décrit : "Nous avions vécu un bref moment d’intimité, comme deux lignes droites qui se rencontrent en un point donné pour se séparer aussitôt."
Dans la suite de ces nouvelles, le narrateur n’a jamais le même âge. Est-ce lui qui écrit chacune des histoires ou un autre ? Est-ce l’auteur lui-même ou un personnage fictif ? Dans "La crème de la crème", il nous conte l’histoire d’un jeune homme invité à un récital de piano par une fille, récital qui n’aura jamais lieu parce que, là où il doit avoir lieu, il n’y a rien…
Dans cet univers de Murakami, toujours aux frontières du réel et de l’imaginaire, chacun cherche sa place : "Maintenant, je suis ici. Ici, en un sens, je suis quelqu’un qui existe à la première personne du singulier. Si je m’étais décidé pour une autre direction, je n’aurais pas été là." Quand je vous disais qu’il y avait de l’étrange, parfois de l’absurde dans l’œuvre de Murakami, laissez-le vous surprendre…
"Abandonner un chat, un récit autobiographique
Avec "Abandonner un chat" (éd. Belfond), on découvre un récit clairement biographique, cette fois-ci, alors même que Murakami rechigne toujours à parler de lui, si ce n’est derrière le masque de ses personnages. Ici, il s’agit d’évoquer son père, avec lequel il ne s’est guère entendu d’ailleurs, mais qui a laissé une trace que l’auteur raconte avec sobriété et un rien d’humour, en commençant par une expédition à vélo, quand il était gamin, assis sur le porte-bagages, pour aller perdre un chat à quelques kilomètres. Il arriva ce qui devait arriver : le chat était rentré au domicile avant même le retour du père et de son fils.
Au fil des pages superbement illustrées par Emiliano Ponzi, c’est l’histoire de son père, deuxième fils d’une famille de six, qu’il retrace par flash. Ainsi, le père de son père était prêtre d’un temple : qui, à sa mort, doit lui succéder ? Et encore, entraîné dans la guerre sino-japonaise le père de Murakami se mure dans le silence : « Mon père parlait très peu, voire jamais, de son expérience de la guerre. » Ces deux-là ont du mal à se parler, aussi faut-il reconstituer le passé paternel : "Je ne sais pas ce qu’il a fait ni où il était entre 23 et 28 ans. J’imagine qu’il a travaillé comme assistant dans le temple de la famille."
Si le père se réjouit du succès de l’écrivain, ils ne se rapprochent pas pour autant : "Nos rapports sont devenus inexistants. Nous ne nous sommes pas vus pendant plus de vingt ans." Cette distance se creuse inexorablement : "Mon père et moi avons grandi à des époques différentes, dans des environnements différents." Il en reste de traces, des souvenirs insignifiants et précis, précieux peut-être, comme le confesse Murakami : "C’est l’accumulation de ces choses minuscules qui m’a formé, qui a fait de moi l’homme que je suis à présent."
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