
Dernière chronique de Christophe Henning | La Matinale de Nolwenn Le Blevennec
En partenariat avec LA CROIX
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LE LIVRE DE LA SEMAINE - Cette semaine, Christophe Mory évoque la figure de Léon Gambetta. Connu surtout pour son évasion de Paris en ballon, l'homme est aussi un modèle républicain d'ascension sociale.
Avec Victor Hugo, Léon Gambetta tient le plus grand nombre de lieux : avenues, boulevards, rues, stations de métro… Tout le monde ou presque peut parler de Victor Hugo mais de Léon Gambetta ? Il fallait cet ouvrage d’Eric Anceau, universitaire à Metz, professeur d’Histoire contemporaine, pour faire revivre cette haute figure de la République française. Et c’est d’autant plus remarquable que, regardez, c’est un livre au format de poche de 160 pages (court donc) et d’une écriture fluide et sans bavardage. « Il n’est pas donné à tout le monde d’être à la fois un superbe symbole s’ascension par la République, un grand politicien et un homme d’État » rappelle l’auteur.
L’image ou le souvenir que nous gardons est sa fuite de Paris en ballon. C’est l’image d’Épinal ! En effet, Gambetta fuit en ballon le Paris assiégé par les Prussiens pour ensuite devenir l’infatigable commis voyageur pour vendre la République et ses idées dans les régions, ce qu’aucun politique n’avait fait avant lui. Nous sommes le 7 octobre 1870 et il est déjà ministre de l’Intérieur et de la guerre. Il a trente-deux ans.
Originaire d’une famille d’émigrés italiens qui vient de Ligurie pour s’installer à Cahors. Son grand père est épicier vendant huile d’l’Olive, mozzarella et olives. Son père épouse la fille du Pharmacien et ouvre un commerce place de la cathédrale. C’est un enfant turbulent. Vers se dix ans, il s’approche trop d’un artisan et reçoit un éclat de fer dans l’œil droit qu’il perd. Borgne to be alive ? Il portera un œil de verre et ne se fera photographier (entre autres par Nadar) que du côté gauche. Il se passionne pour les procès, assiste à ceux qu’il peut voir au Tribunal local, apprend le code civil par cœur, et restitue à ses petits camarades les plaidoiries et les réquisitoires, en prenant le ton.
Bac en poche, à 17 ans, malgré la volonté de son père qui voulait qu’il reprît l’épicerie, il monte à Paris pour étudier le droit. A 23 ans, il prête serment d’avocat et intègre le cabinet de Me Jouy, avocat d’affaires. Je vous ai parlé des procès qu’il restitue à ses copains mais il lit et apprend par cœur Démosthène dans le texte grec. Pour lui, l’éloquence est le fondement de la politique. C’est un tribun. Ses qualités : un bateleur extrêmement éloquent, une mémoire prodigieuse, un réel goût pour les arts, la peinture en particulier, et un infatigable lecteur des antiques comme des contemporains : Victor Hugo, Auguste Comte, Émile Littré. En plus un culot fou : ii va visiter Thiers dans son hôtel particulier place Saint Georges pour lui demander comment on établit un budget de l’État ; Ou encore, il va en Angleterre, lui, le Républicain, pour rencontrer le Comte de Paris et tenter de comprendre les rouages de la monarchie.
Gambetta, c’est un Républicain, fondamentalement. Pas à la gauche de la gauche comme Clémenceau, qu’il combat. Il veut l’élection des maires, la liberté de la presse, de réunion , d’association, la soumission des délits aux jurys populaires, la séparation des églises et de l’État, l’instruction primaire laïque et obligatoire, l’instauration de l’impôt sur le revenu, l’élection et les responsabilités directes des fonctionnaires et la suppression des armées permanentes qui sont trop chères pour le budget de l’État.
Gambetta fait flèche de tout bois, proclame à l’Assemblée la fin du Second Empire puis à l’Hôtel de Ville la nouvelle République. A l’Assemblée, « il parle fort, frappe les esprits par ses formules chocs qu’i appuie par des gestes emportés au point que de Broglie le surnomme « Gesticulata » mais il a trop tendance à privilégier la forme sur le fond, l’effet sur l’argument » écrit Eric Anceau. Opportunisme, conviction et génie, Gambetta fort de sa popularité sans précédent, devient Président de la Chambre des députés de 1879 à1881 : deux ans de perchoirs, ses meilleurs moments finalement. D’autant que la cuisine de l’Hôtel de Lasseau méritera sa réputation : il aime la bonne chère et chante Rabelais en fin de repas. Puis, il est nommé Président du Conseil le 14 novembre 1881 par le président de la République, Jules Grévy. Son gouvernement est mis en minorité deux mois plus tard sur un projet de réforme constitutionnelle.
Il meurt jeune. A 44 ans. Il se blesse avec une arme à feu, c’est ballot, vous en conviendrez. Léon Gambetta reste comme le fruit de la méritocratie : parti de Cahors et arrivé à la Présidence du Conseil avec une vision sur la place des femmes dans la société, l’impôt sur le revenu, l’élection des maires, la liberté de la presse et des associations, la séparation des biens des églises et de l’État… Autant de points qui sont inscrits dans notre histoire.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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