Les partisans de la proposition de loi Duplomb, du nom du sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, ont voté lundi la motion de rejet. Un dispositif qui permet d’éviter les débats à l’Assemblée. Une décision qui divise le secteur agricole.
“Il y a juste un déni de démocratie qui perdure”, affirme ce mardi matin Benoît Jaunet, agriculteur dans les Deux-Sèvres et porte-parole de la Confédération paysanne en Nouvelle-Aquitaine. De leur côté, les Jeunes Agriculteurs (JA) et la FNSEA ont publié un communiqué. Les deux syndicats agricoles “saluent la responsabilité des députés qui ont voté la motion de rejet”. La Coordination Rurale a mis ces derniers jours la pression sur les députés de leur circonscription. Du fumier a notamment été déposé devant la permanence de François Hollande, à Tulle, en Corrèze.
Cette proposition de loi Duplomb prévoit notamment de réintroduire sur le marché un pesticide, plus précisément l’acétamipride. L’utilisation de ce néonicotinoïde serait autorisée pour certaines cultures seulement. Cette solution chimique est interdite en France depuis 2018, même si des dérogations ont été accordées pour certaines productions. De son côté, l’Union Européenne a autorisé son utilisation de façon provisoire jusqu’en 2033.
Pour la FNSEA et son secrétaire général en Charente-Maritime, Jérôme Brisset, quelques filières ( celle de la noisette par exemple) se retrouvent en difficulté à cause de cette interdiction : “on se retrouve dans des impasses pour certaines cultures, où il n'y a vraiment plus aucun produit. Donc, on demande à ce qu'un ou deux produits soient réautorisés.” Selon lui, cette interdiction uniquement en France désavantage les agriculteurs français vis-à-vis de la concurrence européenne. Jérôme Brisset souligne également le fait qu’il s’agisse uniquement d’une dérogation. Cette mesure n’a pas vocation à s'éterniser.
Si la réintroduction de ce néonicotinoïde fait autant débat, c’est qu’il est dangereux pour la biodiversité et particulièrement les insectes pollinisateurs. Ce produit attaque leur système nerveux, leur fait perdre leurs repères et les tue. Pour le député écologiste de Charente-Maritime, Benoît Biteau, ces produits sont d’un autre temps : “ ils remettent en selle des logiques de développement agricole qui sont celles du XXe siècle. [...] On sait qu'elles nous éloignent d'une logique d'atténuation du dérèglement climatique dont les agriculteurs sont les premières victimes”.
Pour Benoît Jaunet, porte-parole de la Confédération paysanne, il n’est pas uniquement question de biodiversité, “La FNSEA, avec un taux très faible de participation, a gagné les élections MSA en Deux-Sèvres. C’est notre sécurité sociale. Leur programme c’est plus de pesticides contre la santé des paysans. Moi j’aimerais bien qu’il nous regarde [nous agriculteurs] droit dans les yeux et qu’ils nous disent : “ça ne pose pas de problème”.
Ce texte doit également permettre de fluidifier les démarches administratives. Question sur laquelle tous les syndicats se rejoignent. “On est avant tout agriculteurs, rappelle Jérôme Brisset de la FNSEA. “On remplit trop de papiers qui ne servent à rien”, confirme Benoît Jaunet de la Confédération paysanne.
Pourtant du côté de la FNSEA, on pointe du doigt les réglementations : “Les démarches, les normes sont très lourdes pour les agriculteurs, explique Jérôme Brisset. Les sur-transpositions des lois européennes qui sont réécrites au niveau de la France, ça devient impossible et invivable !” Des problématiques sur lesquelles la proposition de loi Duplomb doit agir.
De son côté, la Confédération paysanne plaide plutôt pour une désindustrialisation de l’agriculture. Dans les exploitations biologiques, la lourdeur administrative est moindre, explique Benoît Jaunet : “Pour un label d’agriculture biologique, on a quelqu’un qui vient pour vérifier qu’on est cohérent. C’est la même personne qui fait tous les contrôles. Les animaux dehors, c’est facile à vérifier. Alors que dans un bâtiment, il faut regarder la surface, il faut regarder la ventilation… C’est parce qu’on rentre dans des choses aberrantes que l’on doit remplir des documents.”
Autre objectif du texte: simplifier l’installation des méga-bassines. Au début du mois de mai, les associations et agriculteurs anti-bassines ont cru obtenir une victoire importante grâce à cette loi. Début mai, la France Insoumise avait ajouté un amendement ouvrant un moratoire de dix ans sur la question des réserves de substitution. Mais avec la motion de rejet, le texte va arriver en commission mixte paritaire sans cette question du moratoire. Ce dernier devrait donc permettre de favoriser l’avancée des projets de réserve de substitution, au grand désarroi de Benoît Jaunet : “Ce qu’ils [Les soutiens de la proposition de loi] veulent avec cette nouvelle loi, c’est de dire “Quoi qu’il arrive, nous avons décidé de faire ça, même si ce n’est pas sérieux on le ferra quand même”. Parce qu’en permanence, les grands stockages d’eau ne sont pas conformes.” C’est le cas notamment de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres et de trois autres projets et installations qui ont été mis à l’arrêt en décembre. Pour cause, les porteurs des projets n'ont pas eu les autorisations pour ces constructions.
La Confédération paysanne et Benoît Jaunet attendent toujours ce moratoire, demandé depuis plusieurs années : “Avec le dérèglement climatique, si on veut tous de l’eau pour faire du maïs, il n’y aura jamais assez d’eau. Si c’est la solutions les méga-bassines, dans ce cas là on met tous les agriculteurs raccordés. Là on verra bien qu’il manque d’eau et d’argent public. C’est bien la preuve que ça ne peut pas fonctionner leur projet.”
Les anti-bassines assurent rester mobilisés sur cette question des réserves de substitutions.
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