L'influence persistante du Saint-Simonisme sur l’industrie moderne
Fondateur du concept de société industrielle, Claude-Henri de Saint-Simon, disparu en 1825, reste au cœur des débats sur la technocratie et le développement économique français. Pierre Musso est philosophe, professeur honoraire des universités en sciences de l'information et de la communication à Télécom Paris ainsi qu'à l'université Rennes 2. Il est l’auteur de Saint-Simon, Philosophe de la société industrielle. À l’heure de la désindustrialisation et de la mondialisation numérique, il invite à redécouvrir la pensée Saint-Simonienne.
Pierre Musso © Mélanie NiemiecClaude-Henri de Saint-Simon rêvait d'un progrès moral et social appuyé sur la religion, l'humanité et le développement industriel. 200 ans après, sa pensée influence toujours les grands corps techniques français et les chefs d'entreprise.
Pierre Musso souligne la persistance d'une "idéologie" Saint-Simonienne dans la mentalité française. Le Saint-Simonisme, loin d'être obsolète, infuse les politiques économiques et technologiques contemporaines. Il inspire également une vision pacifiste de l'industrie, contrairement à son association fréquente à la pollution et à l'exploitation, héritée du XIXe siècle. Pour illustrer ce qu’est l’industrie, Pierre Musso cite François Perrault, qui dit que "l’industrie est une création collective". Cette vision pacifique et collectiviste a été éclipsée au XXe siècle par les guerres mondiales, rendant l'industrie synonyme de technologie et de guerre. Cependant, aujourd'hui, dans une économie mondialisée et numérisée, Pierre Musso affirme que "le champ industriel est très difficile à définir parce qu'il y a une très forte imbrication entre service et industrie."
La technocratie française, influencée par des figures comme Serge Tchuruk de l'entreprise Alcatel, a délaissé l'industrie au profit d'une "mondialisation excessive". Ce choix s'est révélé "désastreux pour l'économie française", en contraste avec l'approche industrielle de l'Allemagne ou de la Chine, qui ont su capitaliser sur une industrie forte.
Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que la France a désindustrialisé. Tous les industriels le regrettent.
Saint-Simon a pressenti le besoin d'une nouvelle structuration de la société post-révolutionnaire. Son concept de « nouveau christianisme » aspirait à démocratiser la prospérité industrielle pour le bien commun, contesté à la fois par les libéraux et les socialistes pour son approche universaliste. Avec l’informatisation, l’industrie redéfinit le monde du travail et la production collective. Pour Musso, la quête actuelle se situe dans la réconciliation de la technologie avec le sens humain, un défi que le Saint-Simonisme, par sa vision collective et pacifique, pourrait éclairer.


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