L’industrie franc-comtoise à la conquête du marché de la défense

Adapter l’industrie locale aux besoins de la défense : tel était l’objectif d’une journée de rencontres entre les grands noms de la défense française et les industriels franc-comtois désireux de se diversifier. Initiée par le Sénat et la région Bourgogne-Franche-Comté, cette journée, organisée le 5 juin 2025 au 1^er Régiment d’Artillerie de Bourogne, dans le Territoire de Belfort, a réuni près de 300 professionnels. Pour beaucoup, le marché de la défense représente une opportunité stratégique, dans un contexte où la filière automobile traverse une crise profonde. Ce sont aujourd’hui l’ensemble des sous-traitants qui se retrouvent fragilisés et en quête de nouveaux débouchés.

En face, des acteurs de la défense, confrontés à la montée des tensions, notamment face à la menace russe. Les besoins en équipements augmentent, mais les capacités de production actuelles peinent à suivre. Une situation aggravée par le désengagement de certains partenaires étrangers n’ayant pas honoré leurs engagements.

À l’origine de cette journée, le sénateur LR Cédric Perrin, président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées au Sénat, a tenu à rappeler que le nord de la région a déjà connu une reconversion industrielle marquante liée à un conflit. En 1915, les usines Japy de Beaucourt avaient adapté leurs lignes de production pour fabriquer quelque 3,5 millions de casques Adrian, destinés aux poilus. À la fin de la guerre, ces mêmes casques furent transformés… en passoires.

Historiquement, le secteur industriel franc-comtois s’est peu tourné vers l’armement, notamment en raison de sa proximité avec la frontière allemande. Mais aujourd’hui, rien ne s’oppose à ce que les entreprises locales investissent ce marché et s’inscrivent dans une dynamique nationale. Présente également ce jour-là, la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, a annoncé l’approbation d’une convention entre la Région et l’armée. Une initiative qui vise à accompagner la mutation industrielle et à conquérir de nouveaux marchés, tout en continuant à « se battre pour préserver la filière automobile ».

Entre opportunités industrielles et urgence stratégique

Si les opportunités sont réelles, il faut toutefois mesurer la complexité de ce marché exigeant. Les entreprises doivent offrir à leurs clients des garanties strictes et des certifications rigoureuses. Des démarches coûteuses que la Région entend soutenir.

Face à la menace croissante à l’Est, le sénateur a lancé un appel solennel devant l’assemblée de professionnels :

« Il est urgent d’entrer enfin dans la phase d’accélération industrielle que commande l’état des menaces. »

Cédric Perrin s’inquiète du manque de réactivité de l’appareil d’État et dénonce les contradictions budgétaires : malgré une hausse annoncée de 50 milliards d’euros par an pour les crédits militaires, Bercy continue de geler certains financements. Selon lui, la Russie pourrait tester les défenses de l’OTAN dans un avenir proche. Des actes de sabotage et de manipulation sont déjà en cours. Il est donc impératif d’accélérer le rythme.

Neuf géants du secteur – Airbus, Ariane, Arquus, Dassault Aviation, MBDA, Naval Group, Nexter, Safran et Thales – étaient présents, aux côtés du Directeur général de l’armement (DGA), pour échanger avec les entreprises locales. L’après-midi a été consacrée à des rendez-vous B2B ciblés. Les entreprises ont pu présenter leurs expertises – usinage de précision, logistique sécurisée, électronique embarquée – directement aux responsables achats de ces groupes. Une opportunité rare pour les PME et ETI de pénétrer un secteur généralement peu accessible.