Le livre de la semaine : "Savinien de Cyrano, sieur de Bergerac" de Gérard de Cortanze
Cyrano de Bergerac est la figure universelle du théâtre français, grâce au génie d’Edmond Rostand. On sait que le personnage fut une personne historique, poète, philosophe, prêteur, écrivain, dramaturge voire scientifique. Il fallait le talent, le métier et la sensibilité de Gérard de Cortanze pour livrer une biographie haletante comme un roman, et rigoureuse comme une biographie.
Couverture du livre "Savinien de Cyrano, sieur de Bergerac" ® DRL’une des réussites du livre est de traverser les grands mouvements du XVIIe siècle : Louis XIII, Richelieu, la fronde, l’extraordinaire naissance de Louis XIV, La fronde…
Savinien de Cyrano
Il est né le 6 mars 1619 et mourra le 28 juillet 1655 à 36 ans. Quatrième enfant d’une famille de six à des parents âgées Abel à environ 52 ans quand Espérance, la mère, est dans sa 34e année.
Tout enfant, Savinien a un secret qu’il mettra du temps à avouer à son père : quand il croise une personne, il voit une tête d’animal ainsi son père est-il un sanglier et les personnages sont veau marins, vautour, Milan royal, blanc noir, flamant, rose. Ce bestiaire de visages donne une couleur baroque au roman et permet de rentrer immédiatement dans la psychologie du personnage, sans forcément en avoir une description. Évidemment la tête d’animal est subjective puisqu’elle est vue par le regard du jeune Savinien. Le lecteur trouve immédiatement la psychologie et ce que ressent Savinien devant telle ou telle personne le fait passer pour un grand amoureux.
Lorsqu’il a 12 ans, Savinien, dans une voiture qui l’emporte vers Paris, rencontre une Angélique, « la petite tourterelle diamant ». C’est l’amour immédiat, le coup de foudre. Mais ils n’ont que 12 ans. Dix ans plus tard ils vont se retrouver à Paris, Rue princesse. Elle est devenue comédienne. Son père, Pierre Bouloire, l’enlève et l’enferme dans un couvent précisément à l’abbaye de Longchamp, « qui relève directement de Rome, et étroitement surveillé par le pouvoir royal ». Cela s’oppose-t-il à la vie ? Ah, la vie ! « la vie n’est faite que de cet embrouillamini d’évènements incongrus, incompréhensibles, sans liens logiques entre eux. Il n’y a que les imbéciles pour s'en émouvoir, eux, qui voudraient qu’elles soient un livre facile à lire, sans abrupte, sans écharde ; une forteresse, tombant sans combat ; une tisane tiède», écrit Gérard de Cortanze.
Un roman historique
Gérard de Constance est sévère avec Molière, je le cite : « des scènes entières, des répliques, presque mot pour mot viennent de son dernier monde, des essais qui l’a lu dans les salons, des histoires qu’il a raconté dans les soirées. L’étourdi, le dépit, amoureux, les précieuses, ridicule, même Sganarelle ou le cocu imaginaire sentent le plagiat. Et je ne te parle même pas d’Angélique qui essaye de me sauver des flammes de l’enfer alors qu’elle avait disparu de ma vie ! Dans cette affaire, c’est bien moi le cocu, dit Savinien, un cocu bien réel. » Gérard de Cortanze a un clin d’œil sympathique, à moins que je veuille tout tirer à moi, mais je le cite : « le combat, qui s’est déplacé à l’extérieur du cabaret, s’est déroulé sous les yeux d’un certain maréchal de Mory, qui assure connaître Poquelin. » Comme vous le voyez dans cette phrase tout est vrai et tout est faux. C’est le principe d’un bon roman historique. Un livre à déposer sous l’arbre de Noël dans les prochains jours.


Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.



