
Bretagne
La vérité est-elle toujours convaincante ? Notre avenir dépend t-il de la technique ? Avons-nous besoin d’art ? Voici les sujets du baccalauréat de philosophie 2025. En attendant les résultats des épreuves qui seront publiés le 4 juillet prochain, Julien Auriach et Laurent Payet Chevalier, tous deux philosophes et professeurs en classe de terminale, nous livrent leurs propositions de corrections.
Pour le professeur Laurent Payet Chevalier, une bonne copie est une copie qui fait penser. Néanmoins, il reste des impératifs quant à la qualification du sujet et à son interprétation. Les deux professeurs nous donnent ici les principales tensions des sujets du baccalauréat 2025 et leurs conseils et corrections pour une bonne copie.
Premier sujet traité par nos deux philosophes, “avons-nous besoin d’art ?”. Les deux professeurs commencent leur analyse par la mise en garde de la limitation des termes du sujet. Selon Laurent Payet Chevalier, il est important de ne pas entendre l’art uniquement comme “œuvre d’art” mais de le considérer dans sa globalité comme une construction artificielle, donc comme la technique en opposition au naturel. Pour Julien Auriach au contraire, la langue française a la spécificité de relier implicitement le mot d’art avec les beaux arts. Il rejoint son collègue sur le fait que l’art n’a pas de dimension utilitaire. La tension du sujet réside donc dans l’opposition entre naturel et artificiel, entre le besoin et l’envie. Du point de vue de la méthode, les deux professeurs s’accordent sur le fait que la copie doit répondre explicitement à la question posée. Le danger d’un plan “thèse/antithèse/synthèse” est de se contredire et de passer à côté du travail philosophique. L’autre piège à éviter selon Julien Auriach, est le relativisme, c’est à dire le fait de refuser une réponse claire pour affirmer qu’il n’existe pas de réponse en soit. Le professeur l’affirme, “c’est une thèse étrangère à la philosophie”.
Il faut tout d’abord, nous rappellent les deux professeurs, s’interroger sur les mots. Ici, la technique peut être vue comme un processus ou bien comme le produit de ce processus. Selon Julien Auriach, ce sujet nous pousse aussi à explorer le caractère indéterminé de l’avenir. Quant à la dépendance, Laurent Payet Chevalier la définit de trois manières. La première est la dépendance au sens de la discrétion, c'est -à -dire “ce que l’on assume nous même par nos propres moyens”. La question qui vient est alors celle de l’avenir qui serait laissé à la discrétion de la technique. Est-ce que la technique nous échappe ? La deuxième interprétation du mot dépendance est celle de la nécessité. Est-on dépendants de la technique ? Dans les débats sur l’intelligence artificielle, cette question revient souvent. Est-ce que l’Homme va devenir complètement dépendant à l’IA et ne saura plus travailler sans elle ? Enfin, la troisième interprétation du mot dépendre est celle de “prendre de”, c'est-à-dire de ce que la technique peut nous apporter. Que puis-je faire de la technique ? Cette dernière interprétation nous amène à reconsidérer notre liberté. C’est une note d’espoir qui allège le sujet et nous pose en dominateur de la technique pour savoir ce qu’elle a à nous apporter.
Pour nos deux philosophes, la vérité est avant tout une adéquation entre le discours prononcé et la réalité. Mais la réalité n’est pas toujours persuasive et donc elle n’est pas toujours tenue pour vraie. Julien Auriac va plus loin en affirmant que son appréciation dépend de la relation de confiance établie avec l’interlocuteur. Pour Laurent Payet Chevalier, la question de convaincre est avant tout à définir. “Convaincre c’est user de la raison certes, mais c’est aussi y lier des sentiments de celui qui est convaincu” , affirme-t-il. C’est l’inverse de la persuasion qui est un processus de séduction par la parole et qui fait jouer les émotions. Pour lui, c’est le mot “toujours” qui est douteux. “La vérité est toujours convaincante parce que c’est moi qui la construis” déclare t-il. Julien Auriac répond à cette affirmation par l’idée de sortir de cette vision cartésienne qui affirme que “je n’accepte pour vrai que ce que j’ai moi-même constaté”. Pourtant, le professeur affirme que c’est en partant du constat de Descartes, qu’il critique, que l’on peut trouver matière à traiter le sujet. Car c’est en sortant du faux que l’on trouve la voie du vrai. Et trouver la voie du vrai, voilà la vocation philosophique par excellence.
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