Mgr Jean-Paul Vesco, l'archevêque d'Alger, est l'un des deux cardinaux lyonnais qui ont participé au conclave avec Mgr Philippe Barbarin, archevêque émérite de Lyon. Au lendemain de l'élection du cardinal américain Robert Francis Prevost comme pape Léon XIV, le cardinal Vesco revient sur RCF sur les raisons du choix de ses pairs.
RCF Lyon (Jean-Baptiste Cocagne) : Pourquoi le cardinal américain Prevost a-t-il fait figure de candidat idéal pour devenir pape ?
Cardinal Jean-Paul Vesco : Il y a le temps des congrégations, on cherche, et puis tout d'un coup, effectivement, une fois qu'il est nommé, on se dit « mais c'était évident » ! Simplement, il y a quelque chose de mystérieux dans la désignation, parce qu'effectivement, tout d'un coup, on va se faire une unanimité presque un peu malgré nous. En revanche, humainement, on sentait qu'il y avait besoin d'un homme qui fasse consensus, qui fasse l'unité, et c'est un homme d'unité.
C'est un homme de gouvernement, qui a eu du gouvernement des hommes. D'abord, c'est un religieux, il a été supérieur général des Augustins, il a parcouru le monde en visitant ses frères, et donc en visitant aussi tout le monde "par le bas", depuis les communautés. Il a été évêque au Pérou, président de dicastère, notamment celui des évêques, donc il connaît la Curie, d'une certaine manière. Il remplissait toutes les cases.
Surtout, il s'agit d'un homme d'une grande humanité, d'une grande simplicité, qui est touchant. Il y avait une joie profonde après son élection. On sent un collège cardinalice qui est rassemblé, derrière lui et par lui.
RCF Lyon : Comment son premier discours de pape vous a touché ?
Mgr JPV : Ce qui est touchant, c'est de voir un homme qui, une heure avant, était en rouge parmi nous, et puis tout d'un coup, tout bascule. Son nom sort, sort, sort, sort, et puis voilà, il est élu, il accepte, il part par une petite porte, et puis un quart d'heure après, il revient en pape. Ensuite, on lui donne l'accolade, les uns après les autres, et après, il est sur la loggia, quoi ! C'est très impressionnant de voir le parcours d'un homme, et nous, on est derrière, on voit ça en coulisse, c'est extraordinairement touchant.
Il a parlé très simplement, il a parlé de la paix, je pense que c'est un homme de paix. Mais surtout, plus que ses paroles, c'est sa présence qui m'a marqué. Je crois que ses paroles sont importantes, mais elles sont portées par une attitude. Je pense que c'est la façon dont il s'est présenté au monde, à ses diocésains romains et au monde qui m'a touché, et c'est exactement lui, transcendé. Tout d'un coup, c'est lui et un autre, mais ça sera toujours bien lui.
RCF Lyon : Qu'avez-vous à dire sur le choix de son nom de pontificat, "Léon XIV" ?
Mgr JPV : C'est vrai que quand on lui a demandé son nom - puisque ça fait partie du rituel aussi - et qu'il a choisi Léo, ça m'a surpris. "Leone" XIV, ça sonne mieux en italien. On a vu que la foule savait déjà le scander. Alors, il n'a pas expliqué son choix, donc c'est sans doute une référence à Léon XIII, qui est quand même le pape de Rerum novarum, de la doctrine sociale de l'Église, donc c'est sans doute ça.
En tout cas, j'ai l'impression que ça passe très bien. Ça m'a un peu surpris sur le moment, parce qu'effectivement, il n'y a plus beaucoup de "Léon", on ne baptise plus beaucoup de petits Léon aujourd'hui. Peut-être que ça reviendra, on ne sait jamais.
RCF Lyon : Un mot sur vous, Mgr Vesco, comment avez-vous traversé ce conclave, votre premier ? Dans quel état d'esprit allez-vous repartir dans votre diocèse d'Alger ?
Mgr JPV : C'était mon premier conclave, ça peut être aussi mon dernier. Je souhaite longue vie au pape Léon. En tout cas, il sera unique, parce que ce sont des moments uniques. Vraiment, le moment que je vis, c'était ce moment de communion hier, ce qui s'est passé.
Pendant les congrégations, on entend des différences de sensibilité ecclésiale. Chacun dit ce qu'il porte. On a l'impression qu'on est très dispersés. Au début du conclave, on est très dispersés. Le vote du premier soir de conclave dessine forcément un paysage très vaste. Et tout d'un coup, arrive cette espèce de concentration sans qu'il n'y ait de mots. Je garde cette joie de tout un collège cardinalice, cette unité. Il y a quelque chose de surnaturel.
Toutes les clés de compréhension avec une logique politique ne fonctionnent pas, ne disent pas ce qu'est un conclave. Quand c'est une logique politique, tous les calculs, tout ce qu'on montre, on peut y penser. Et puis à un moment, il se passe tout à fait autre chose. Quand il y a une élection politique, il y a toujours un gagnant et un perdant, il y a ceux qui rient et ceux qui pleurent à la fin. Là, hier soir, on était tous gagnants. Tous, tous, tous grands gagnants.
On sent que quelque chose nous a dépassés. Moi, je pars avec cette idée-là. Je savais en arrivant que le Seigneur avait déjà choisi, et qu'il fallait trouver qui il avait choisi. Pour ça, il faut des critères humains, c'est ce que j'ai essayé d'évoquer. Et puis à un moment, il y a la grâce. La grâce qui passe, qui passe par nous aussi, par notre misère. Et ça, c'est bouleversant.
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