50 ans de scène par un pilier du théâtre français

Sympathique, volontiers cabotin dans ses pages, éternel curieux, Alain Sachs se livre ici à l’exercice des Mémoires c’est-à-dire dans le récit subjectif de 74 ans de vie racontée chronologiquement. Pas ou peu de souvenirs d’enfance pour cet éternel enfant. Comme tout mémoires d’homme de scène, s’arrête sur telle rencontre, un hommage, une personnalité. Ainsi la galerie de portraits : Geneviève Casile, Michel Legrand, Jean-Marie Bigard, Clémentine Celarié, Claude Berry, Michel Galabru, Didier Locwood. Souvenirs sans nostalgie mais racontés comme des premières rencontres.

Les succès d’Alain Sachs 

Il faudrait toute une émission pour les étaler. On pense au Quatuor, une complicité de 20 ans dont les concerts-spectacles ont fait le tour du monde et qui valurent récompense, ovations et Molières. Mais aussi en 1996, le Passe Muraille de Michel Legrand ou encore la Femme du Boulanger avec Michel Galabru. 
Alain Sachs revisite ces moments de l’intérieur livrant ses doutes, les ratés, les difficultés, les émotions et les joies.
Ce qu’il écrit sur les femmes au travail : « Il n’y a pas que dans vie que la compagnie des femmes est définitivement de loin la plus riche et la plus élévatrice. Au travail, c’est dans la majorité des cas la garantie de professionnalisme. Car on le sait bien, pour approcher les places initialement occupées par les hommes, les femmes sont contraintes de faire montre d’une compétence et d’une détermination à toute épreuve. Tout particulièrement dans le domaine de la technique, chasse gardée depuis des lustres de la gent masculine. Collaborer avec des femmes, c’est s’assurer d’une écoute, d’une force de propositions et d’une pertinence irremplaçables. C’est aussi le plaisir d’avancer et de créer ensemble dans un climat serein, d’où sera exclue toute forme de compétition, et encore moins de rivalité ». J’aime ce ton simple et ferme sans féminisme revendiqué.

Un livre à offrir pour Noël

Il recadre les critiques et la presse à juste raison : « Il convient de commenter les œuvres telles qu’elles sont proposées et non comme on aimerait qu’elles soient », écrit-il et plus loin : « La critique ? Pratiquer cette science relève d’une grande responsabilité intellectuelle. » Une science qui se perd aujourd’hui sous le nombre de clics et de posts sur les réseaux sociaux comme billetreduc. C’est pour Alain Sachs l’occasion de revenir sur cette singularité française du théâtre subventionné et du théâtre privé. « La vision selon laquelle le théâtre privé serait une affaire d’argent et le théâtre public une affaire d’art est une contre vérité absolue », écrit-il. 
Personnellement, je constate que dans le subventionné on est payé pour jouer et que dans le privé on joue pour être payé. Ce n’est donc pas le même esprit.  Mais le chapitre d’Alain Sachs sur la question et sur la photographie du théâtre parisien actuel est à méditer. Un livre à placer incontestablement sous le sapin parce qu’il fait rêver par la générosité de cet éternel artisan, ce rêveur qui ne cesse de faire rêver avec parfois juste une chaise pour tout décor.