L’écho des archives - La disparition de Joseph Cardijn et son héritage
Pour clôturer son cycle d’émissions consacrées à Joseph Cardijn et basées sur les archives de la Sonuma, Laurent Verpoorten s’intéresse à présent à l’héritage laissé par le cardinal. Décédé le 24 juillet 1967 à Louvain, le cardinal des travailleurs aura eu une influence à tous les niveaux de l’Église.
Joseph Cardijn, photo : cathobruxelles.beC’est avec ces mots que commence l’archive qui inaugure cette quatrième émission sur Joseph Cardijn. Ce sont ces mots de la RTCB en 1967 qui nous montrent à quel point la disparition du fondateur de la J.O.C. fut importante en Belgique, mais aussi à l’international.
L’influence sur les papes
Lorsque l’on s’intéresse aux travaux de Stefan Gigacz, chercheur au sein de l'Australian Cardijn Institute et invité de Laurent Verpoorten, on se rend compte que le cardinal des travailleurs aura été une source d’inspiration pour pas moins de six papes. Et si nous ne nous en rendons peut-être pas compte, c’est certainement parce que Cardijn était un théologien de pratique, mais n’écrivait pas.
« Pour trouver son influence, c'est à travers l'influence des évêques qu’il faut regarder », explique Stefan Gigacz. « À Vatican II, c'est surtout à travers les évêques que Cardijn a exercé son influence. »
Le pape Saint-Jean-Paul II
Parmi les évêques présents lors du concile de Vatican II, Karol Wojtyła, futur pape Saint-Jean-Paul II. Si celui-ci s’est intéressé à la J.O.C., Stefan Gigacz reste mitigé quant à l’influence que Cardijn aura eue sur le futur pape.
« Le jeune père Wojtyła est venu en Belgique, en 1947, pour voir comment fonctionnait la J.O.C. Il a aussi participé à la rédaction de Gaudium et Spes, qui a adopté la méthode de la J.O.C. Il est clair que Wojtyła était très proche de la méthodologie de Cardijn. »
Si les deux hommes étaient donc proches en ce qui concerne la méthodologie, c’est sur leur point de vue sur le monde qu’ils se sont opposés. Joseph Cardijn avait eu l’occasion de voyager à travers le monde pour rencontrer les membres de la J.O.C., Karol Wojtyła lui avait un point de vue d’Europe de l’Est. « Il a vu tout cela à travers une optique de l'Europe de l'Est, qui voyait une influence trop marxiste qui s’est développée en Amérique du Sud. »
Le pape François
Le pape François, bien qu’il n’ait jamais fréquenté les mouvements jocistes, a donné un écho particulier à la méthode de la J.O.C. : voir, juger, agir. En effet, Joseph Cardijn avait une grande influence en Amérique latine et en Argentine d’où était originaire Jorge Bergoglio. Comme nous l’avons vu précédemment, nombreux sont les évêques sud-américains présents à Vatican II qui ont lancé une branche de la J.O.C. dans leur région avant de devenir évêques.
François appliquait lui avec ferveur la théologie du peuple. « C’est un peu la théologie de François », commente Stefan Gigacz. Lucio Guerra était l’un des premiers prêtres à avoir développé cette théologie. Il est aujourd’hui enterré à la cathédrale de Buenos Aires à la demande de Bergoglio. « Il voulait que ce prêtre soit enterré là-bas pour montrer son estime pour son travail. »
Et puis il y a eu son lien avec Enrique Angelelli, mort assassiné en 1976, dont il est devenu proche lorsqu’il fut renvoyé par les Jésuites. Angelelli était, contrairement à Bergoglio, proche de la J.O.C. puisqu’il en avait fondé une branche dans son diocèse.
En 2007, lors de la session du Conseil épiscopal latino-américain (Célam) à Aparecida (Brésil), il prendra la responsabilité de rédiger le document final de la réunion. « Si on lit le document d’Aparecida, on sait déjà ce qu'il va devenir le pontificat du futur pape François. Et là encore, on retrouve les éléments de la méthodologie de Cardijn : voir, juger, agir. »
Le cardinal Suenens
Jusqu’à ce qu’il soit, lui-même fait cardinal, Cardijn aura eu des différends avec son supérieur : le cardinal Suenens. Sans être d’accord sur tout, les deux hommes se respectaient mutuellement. On peut se rendre compte de cela notamment à la réaction du cardinal Suenens dans un sujet de la RTBF diffusé lors du décès de Cardijn en 1967.
Ce qu’il reste de son œuvre
« D'abord, il faut dire que la J.O.C. existe toujours dans presque une centaine de pays », explique Stefan Gigacz. Bien que, modère-t-il, « ce n'est pas l'âge d'or des années 30. » Même si l’âge d’or des débuts n’est plus là aujourd’hui, « il ne faut pas oublier l'influence de la J.O.C. sur les autres mouvements ».
En effet, la méthode du « voir, juger, agir » est encore utilisée un peu partout dans le monde, comme a pu nous l’expliquer Stefan Gigacz. « Cela veut dire que les idées de Cardijn sont très loin d'être mortes. »
La nouvelle identité de la J.O.C.
Un siècle après sa création, la J.O.C. existe toujours en Belgique. Cependant, derrière cet acronyme, ce n’est plus Jeunesse Ouvrière Chrétienne qu’il faut entendre, mais bien Jeunesse Organisée et Combative. Une mise à distance donc de l’identité chrétienne du mouvement.
Face à cela, il semblerait que Joseph Cardijn ne se serait pas indigné. De son vivant, des J.O.C. ont, en effet, été créées à travers le monde pour des jeunes qui n’étaient pas chrétiens. En Angleterre, ce furent les Anglicans qui ont fondé la J.O.C., au Vietnam ou en Inde, rares étaient les catholiques au moment de la création des J.O.C. locales. Cardijn disait alors que « la J.O.C. est pour tous les jeunes travailleurs », explique Stefan Gigacz.
Le cardinal des travailleurs « ne voulait pas avoir un mouvement divisé entre les religions. Comment faire ça dans la réalité ? Ça, c'est la grande question », estime l’expert du travail de Cardijn.
« L’écho des archives » est une émission produite par Laurent Verpoorten (RCF Liège), en collaboration avec la Sonuma.


Depuis des décennies, radios et télévisions belges francophones ont produit des milliers d’heures d’émissions devenues de véritables témoins de l’histoire. Ce patrimoine audiovisuel, sauvegardé et numérisé par la SONUMA, constitue une mémoire vivante de notre identité culturelle.
Avec L’écho des archives, RCF Liège propose de redécouvrir ces trésors sonores en lien avec la vie de l’Église catholique et l’évolution de la société belge. L’émission, pilotée par Laurent Verpoorten, réunit chaque semaine des invités pour écouter, analyser et mettre en perspective ces documents.
Grâce à une approche dynamique et accessible, L’écho des archives crée des ponts entre le passé et le présent, invitant les auditeurs à réfléchir à l’actualité à la lumière de l’histoire.
Retrouvez tous les podcasts ci-dessous et plongez dans cette mémoire partagée.
Diffusion en radio (93.8 FM et DAB+) sur RCF Liège le lundi à 11h30 et le samedi à 13h ainsi qu'en streaming sur ce site (DIRECT)



