Joseph Cardijn – De la guerre à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.)
Dans ce second podcast de L'écho des archives, Laurent Verpoorten continue de retracer la vie de Joseph Cardijn avec son invité, Stefan Gigacz, expert de la vie du cardinal belge. Il y a 100 ans, en 1925, Joseph Cardijn fondait la J.O.C., la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Nous vous proposons aujourd’hui de nous intéresser en particulier à ce mouvement.
Joseph Cardijn, photo : cathobruxelles.beEnfance et vocation
En 1965, soit deux ans avant son décès, Joseph Cardijn confiait dans un reportage que c’est sa mère qui l’avait sensibilisé au sort des plus démunis, et ce, dès son plus jeune âge. Cette sensibilité est sans doute à la racine de sa vocation, qui trouvera son accomplissement dans la création, en 1925, de la J.O.C., un organisme de formation spirituelle et intellectuelle par et pour les ouvriers.
Son passage par la prison
Avant de fonder la J.O.C., Joseph Cardijn a vécu une expérience marquante : son incarcération lors de la Première Guerre mondiale. « Il a risqué la mort », rappelle Stefan Gigacz, tout comme d’autres prêtres proches des milieux résistants contre l’occupation allemande.
S’il a échappé à la mort lors de ses deux séjours en prison, il a mis à profit ces années pour étudier Karl Marx. « Non pas pour suivre Marx à tous les niveaux, mais pour voir comment Marx a évalué le problème de la classe ouvrière. »
Étudier, mais pas reprendre
Pour Stefan Gigacz, Cardijn n’était pas marxiste : « Il a pris certains éléments de Marx, notamment l’idée que la classe ouvrière a une mission. Mais il n’a pas repris la dialectique marxiste. »
Selon lui, Cardijn a préféré s’inspirer de l’ennemi intellectuel de Marx, Pierre-Joseph Proudhon, et de sa dialectique : idéal, réel, méthode.
En effet, si Cardijn partage avec Marx l’idée que la classe ouvrière a un rôle central dans la société, il s’oppose fermement à sa vision de la religion. Pour Marx, la religion est « l’opium du peuple », un moyen de maintenir les ouvriers dans la résignation.
Pour Cardijn, au contraire, le catholicisme appelle à agir dans cette vie. « Là où la plupart des théologiens parlaient de temporel et de spirituel, Cardijn parlait de temporel et d’éternel. Il mettait l’accent sur la continuité entre ce qu’on vit sur terre et la vie à venir », explique Stefan Gigacz.
Le Manuel de la J.O.C.
Un autre fruit de son incarcération fut la rédaction du Manuel de la J.O.C., publié en 1925. Ce texte marque le véritable lancement du mouvement, qui s’implantera bientôt bien au-delà de la Belgique.
Pie XI et l’Action catholique
En 1922, Pie XI devient le 259ᵉ pape de l’Église catholique. Son nom est régulièrement associé à l’Action catholique, un concept qui remonte déjà à Léon XIII (1878-1903) et Pie X (1903-1914).
Pour ce dernier, l’Action catholique signifiait que « les laïcs travaillaient avec les évêques et les prêtres, sous la direction de ceux-ci », en réaction à la montée de l’anticléricalisme, du fascisme et du communisme.
« Cardijn n’acceptait pas une action catholique purement défensive, ni un mouvement sous le seul contrôle de la hiérarchie. Il souhaitait créer un mouvement démocratique, dirigé par les laïcs eux-mêmes, tout en construisant un pont avec la hiérarchie », explique Stefan Gigacz.
C’est ainsi qu’il développera une « action catholique spécialisée ».
La création de la J.O.C.
Dans un reportage de 1972, Joseph Cardijn, cardinal des travailleurs, Cardijn et Gérard Thiry, président national de la J.O.C., rappelaient une notion clé du mouvement : partir du concret.
Les membres étaient encouragés à réfléchir sur leur vie quotidienne, dans tous ses aspects. De là naquit la célèbre méthode Cardijn : voir, juger, agir.
« La J.O.C. commence par observer la vie du jeune travailleur : à l’usine, en famille, dans la communauté », explique Stefan Gigacz. « On ne part pas d’une grande théorie, mais de l’expérience vécue. »
Il témoigne lui-même de son passage à la J.O.C. en Australie : « À l’époque, je travaillais dans une compagnie où un jeune homme indigène était isolé. Mon action de la semaine a été d’aller vers lui. Petit à petit, un lien s’est créé. Ça n’a pas changé mon entreprise, mais ça a changé ma vie. »
Victoire Cap et la place des femmes
La J.O.C. s’est distinguée par l’égalité donnée aux femmes. Parmi elles, la liégeoise Victoire Cap mérite une mention particulière. Elle travaillait avec Cardijn dès 1912 à Laeken, après avoir été formée à la méthode du Sillon. « Elle a beaucoup contribué au développement du ‘’voir, juger, agir’’ », souligne Gigacz.
Elle est décédée prématurément à l’âge de 41 ans.
La J.O.C. dans le monde
Si la J.O.C. naît en Belgique en 1925, le mouvement s’étend rapidement à l’international. En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, il est déjà présent dans 50 pays.
Cela s’explique notamment par le soutien des papes, en particulier Pie XI, que Cardijn rencontre en 1925. Ce dernier lui remet la médaille de sainte Thérèse de Lisieux, patronne des missionnaires.
« Ensuite, Cardijn a su inscrire la J.O.C. dans le concept de l’Action catholique », précise Stefan Gigacz.
Le développement mondial de la J.O.C. en a fait une véritable internationale catholique, en réponse à l’internationale communiste. Après la guerre, Cardijn parcourra le monde pour rencontrer les différentes délégations locales.
« L’écho des archives » est une émission produite par Laurent Verpoorten (RCF Liège), en collaboration avec la Sonuma.


Depuis des décennies, radios et télévisions belges francophones ont produit des milliers d’heures d’émissions devenues de véritables témoins de l’histoire. Ce patrimoine audiovisuel, sauvegardé et numérisé par la SONUMA, constitue une mémoire vivante de notre identité culturelle.
Avec L’écho des archives, RCF Liège propose de redécouvrir ces trésors sonores en lien avec la vie de l’Église catholique et l’évolution de la société belge. L’émission, pilotée par Laurent Verpoorten, réunit chaque semaine des invités pour écouter, analyser et mettre en perspective ces documents.
Grâce à une approche dynamique et accessible, L’écho des archives crée des ponts entre le passé et le présent, invitant les auditeurs à réfléchir à l’actualité à la lumière de l’histoire.
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