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La fête juive de Chavouot, quand les Hébreux ont reçu la Torah

La fête juive de Chavouot, quand les Hébreux ont reçu la Torah

Un article rédigé par Odile Riffaud - le 4 juin 2025 - Modifié le 4 juin 2025
Connaître le judaïsmeL'histoire de Chavouot : quand les Hébreux ont reçu la Torah (1/2)

On connaît tous cet épisode de la Bible où Dieu donne à Moïse les Dix commandements sur le mont Sinaï. Mais on ne peut pas comprendre le judaïsme si on ignore l'idée que c'est toute la Torah qui a été donnée à Moïse. La Torah écrite, de source divine, et la Torah orale, c'est-à-dire les commentaires qu'en font les Hommes.

Dans la tradition juive, "il est interdit d’étudier la Torah écrite sans l’aide de la Torah orale, parce qu’on part dans des dérives qui peuvent mener à des contresens, selon les rabbins." ©Quentin Top / Hans LucasDans la tradition juive, "il est interdit d’étudier la Torah écrite sans l’aide de la Torah orale, parce qu’on part dans des dérives qui peuvent mener à des contresens, selon les rabbins." ©Quentin Top / Hans Lucas

Du 1er au 3 juin, les juifs ont célébré Chavouot. Cinquante jours après Pessah, la Pâque juive, fête de la sortie d’Égypte, c’est le don de la Torah qui est cette fois célébré. Fête agricole devenue fête de pèlerinage, Chavouot a évolué au cours des siècles, après les destructions des Temples de Jérusalem. Son histoire permet de mieux comprendre ce qu'est le judaïsme.

Chavouot, cinquante jours après Pessah

La fête juive de Chavouot est "un peu éclipsée vu du dehors par la fête énorme de Pessah qui a tant d’importance depuis l’Antiquité, par Hanouka avant, par Kippour dans quelques mois", admet Stéphane Encel, historien des religions, enseignant, essayiste, auteur de "Dieu est-il barbu ? 33 idées reçues sur Dieu et les religions" (éd. Cerf, 2024) et "Géopolitique de la Bible" (éd. Puf, 2024).

Chavouot n’en reste pas moins "une fête extrêmement festive, extrêmement joyeuse". Il n’y pas autant de rites qu’à Pessah mais "il y a une incitation à l’étude", on lit le Livre de Ruth et il y a une liturgie à la synagogue. 

Dans le Livre du Lévitique, où elle est citée en tant que "fête des semaines", Chavouot (qui veut dire "semaines" en hébreu) est étroitement liée à Pessah, la Pâque juive. On dit que c'est la Pentecôte juive, car elle a lieu cinquante (pentekoste en grec) jours après la célébration de la sortie d’Égypte. Chavouot représente l'aboutissement après une période de maturation. 

 

"À partir du lendemain du sabbat, jour où vous aurez apporté votre gerbe avec le geste d’élévation, vous compterez sept semaines entières.

Le lendemain du septième sabbat, ce qui fera cinquante jours, vous présenterez au Seigneur une nouvelle offrande.

Vous apporterez de chez vous deux pains à offrir avec le geste d’élévation, chacun de deux dixièmes de fleur de farine cuits au levain, en prémices pour le Seigneur."

Lv 23, 15-17

(Source : AELF)

 

Chavouot, qu’est-ce qu’une fête de pèlerinage ?

"Le judaïsme se construit sur différentes strates en s’adaptant sans arrêt aux circonstances extérieures", explique l’historien Stéphane Encel. La fête de Chavouot en est un bel exemple. Elle "avait une grande importance dans l’Antiquité", où elle était d’abord une fête agricole. "Après l’installation et la sédentarisation sur la terre de Canaan, on se base sur un calendrier agricole, c’est archi classique", précise Stéphane Encel. Avec l’édification du Temple de Salomon, au Xe siècle avant notre ère, Chavouot est devenue une fête de pèlerinage, de même que Pessah et Souccot.

On montait au Temple de Jérusalem offrir les premières gerbes des récoltes. Ce qui était aussi "une façon aussi de faire allégeance à cette centralité, à la classe sacerdotale à Jérusalem". Mais lorsque le Temple de Jérusalem a été détruit en -587, Chavouot est devenue "hors sol", nous dit Stéphane Encel. "C’est à ce moment-là que les grands prophètes émergent et redéfinissent ce qu’est le judaïsme sur lequel on se base encore aujourd’hui, un judaïsme capable de s’épanouir en dehors de Jérusalem et en l’absence d’un Temple et même d’une souveraineté sur un territoire."

Le peuple hébreu n’a cependant pas attendu la destruction du Temple pour connaître l’exil et la diaspora. "C’est l’une des originalités du judaïsme d’avoir une diaspora très tôt, d’avoir un rapport extrêmement étroit entre le centre et la diaspora tout en permettant à la diaspora de s’épanouir énormément et d’avoir aussi une façon de vivre qui parfois différait de celle de Jérusalem et ses alentours."

 

Connaître le judaïsmeUne religion du livre : le Talmud et autres grands textes du judaïsme (1/2)

Torah orale, Torah écrite : de quoi s’agit-il ?

On connaît tous cet épisode de la Bible où Dieu donne à Moïse les Dix commandements, ou les Dix paroles gravées de sa main sur les Tables de la Loi. Dans la tradition juive, on attache beaucoup d’importance à l’idée que c’est toute la Torah qui a été donnée à Moïse sur le mont Sinaï. C’est-à-dire à la fois la Torah écrite de source divine - il s’agit du Tanakh qui comprend le Pentateuque (Torah), les Prophètes (Nevi'im) et les Hagiographes (Ketouvim) - mais aussi la Torah orale. Soit l’ensemble des commentaires écrits, auxquels il faut ajouter la Kabbale.

"On aura du mal à comprendre le judaïsme", prévient Stéphane Encel, si on passe à côté de cette idée. "Tout a été donné au mont Sinaï, ce qui donne aux commentaires la même force que la Torah écrite. D’ailleurs il est interdit d’étudier la Torah écrite sans l’aide de la Torah orale, parce qu’on part dans des dérives qui peuvent mener à des contresens, selon les rabbins."

Cela montre le souci "d’adaptation et de transmission" de la tradition juive. "Ce sont des textes très anciens : comment les appliquer au quotidien 500 ou mille ans après ? Il faut bien des commentaires, il faut bien attribuer une légitimité à ces commentaires et donc la solution, c’est de faire remonter cette légitimé à la source même, c’est-à-dire à la révélation."

Dans le judaïsme il y a vraiment ce rapport très particulier à Dieu, où on peut le questionner, le bousculer. Il y a quelque chose d’extrêmement vivant, de responsable et c’est peut-être la seule manière d’être réellement libre

Le don de la Torah ou des 613 commandements ?

La civilisation hébraïque est-elle fondée sur le récit de la sortie d’Égypte ou bien sur celui du don de la Torah ? "Probablement les deux, répond Stéphane Encel, peut-être que chaque rabbin et chaque juif aura son propre avis." Chavouot raconte l’histoire d’un peuple qui fuit l’esclavage. Les Hébreux "sortent mais ils ne sont pas encore libres, il faut un long chemin pour se libérer de l’esprit d’esclave. Ça en dit beaucoup sur tous les peuples sur le rapport à la démocratie, le rapport au pouvoir…"

L’épisode du don de la Torah, raconté au Livre de l’Exode, est aussi celui de l’adoration du veau d’or, au pied du mont Sinaï : une scène qui dit "la peur de l’absence d’incarnation", commente Stéphane Encel. "Et c’est la volonté d’avoir sous les yeux et sous la main quelque chose à quoi se référer. Ça en dit énormément sur tout notre rapport à la liberté, au pouvoir et au libre-arbitre."

La Torah, avec ses fameux 613 commandements, a-t-elle été donnée ou imposée par Dieu au peuple hébreu ? "On pourrait se dire que les Hébreux n’avaient pas le choix, que Dieu leur a imposé la sortie d’Égypte, la Torah, convient Stéphane Encel, mais dans le judaïsme il y a vraiment ce rapport très particulier à Dieu, où on peut le questionner, le bousculer. Il y a quelque chose d’extrêmement vivant, de responsable et c’est peut-être la seule manière d’être réellement libre, c’est d’avoir conscience de cette liberté et évidemment de ses limites."

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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