La fête de Pessah, la Pâque juive, a lieu du 12 au 20 avril 2025. Le temps fort de la fête, c'est le séder, qui est un repas familial très ritualisé. Comme dans les banquets de l'Antiquité, on se prête au jeu des questions-réponses. L'objectif étant d'arriver "à une émancipation spirituelle". Explications.
Du 12 au 20 avril, les juifs célèbrent Pessah, la Pâque juive. Le moment le plus important est le repas du soir, ou séder. Il a lieu deux soirs de suite en diaspora, un seul en Israël. Il s'agit d'un repas ritualisé hérité des banquets de l'Antiquité, où les mets posés sur la table ont une signification symbolique et doivent susciter un jeu de questions-réponses.
Le repas de Pessah correspond à "un rite familial domestique", décrit le rabbin Rivon Krygier, de la communauté massorti Adath Shalom (Paris), auteur de La Haggada aux quatre visages (éd. In Press, 2019) et Fondamentalisme et humanisme dans le judaïsme (2024). "Tout le monde est réuni autour de la table. On ouvre la Haggada, on lit les textes. Il y a une sorte de symposium, de repas très ritualisé, autour duquel il y a des symboles sur la tables."
Les mets disposés sur la table lors du séder de Pessah ont une signification symbolique. Parmi eux, la matsa, le pain azyme, qui renvoie à la sortie d’Égypte elle-même puisqu’il est dit au Livre de l’Exode que les Hébreux se sont enfuis précipitamment sans avoir le temps de laisser la pâte monter. On place aussi un os sur la table du séder, en souvenir de l’agneau pascal.
Depuis la destruction du Temple de Jérusalem, en effet, les juifs ne consomment pas d’agneau à Pessah. Le Temple était en effet le lieu des sacrifices. "On a estimé qu’on ne pouvait plus faire de sacrifices sans le Temple, explique Rivon Krygier. C’est aujourd’hui le pain azyme lui-même qui remplace symboliquement l’agneau pascal. Sur la table, on rappelle que, jadis, c’était un véritable agneau qui était consommé."
Le sens spirituel du séder de Pessah est de renouveler l’Alliance avec Dieu. "On mange un aliment, on le partage, on fait communion, on entre dans la communauté d’Israël ou plutôt on renouvelle l’Alliance de la communauté d’Israël en consommant une partie de cet agneau et désormais du pain azyme."
Lors du repas, ou séder, de la Pâque juive, on lit la Haggada. Il s’agit d’un recueil rabbinique, écrit aux premiers siècles de notre ère. Si au cours de Pessah, les juifs célèbrent la sortie d’Égypte, racontée au Livre de l’Exode, la Haggada n’est pas le récit de cette libération. Comme le précise le rabbin Rivon Krygier, la Haggada est un "commentaire sur la sortie d’Égypte, non pas d’une répétition du récit – l’Exode y suffit largement – mais un regard, une mise en perspective de ce récit".
Le principe de la Haggada est d’encourager les convives à poser des questions, dans la tradition des banquets de l’Antiquité. Il s’agit d’un rituel avec ses ablutions et les quatre coupes de vin que l’on boit à des moments précis. Rituel "qui s’est cristallisé à l’époque gréco-romaine", décrit Rivon Krygier. Comme dans Le Banquet de Platon, on commence avec des questions – "Qu’est-ce que l’amour ?", disent les philosophes grecs.
Dans la tradition rabbinique, "on pose des questions sur l’étrangeté des aliments - leur caractère insolite, inhabituel – qui se trouvent sur la table et qui interrogent. On part des choses les plus concrètes", explique le rabbin. Il compare les aliments du séder de Pessah à des madeleines de Proust "qui se trouvent sur la table pour éveiller la mémoire du peuple" et "remonter au texte, essayer de le relire et d’en tirer toutes les significations".
Arriver à une émancipation spirituelle, à une maturité. C’est tout l’enjeu, qui consiste à se transformer
Attribuer une signification symbolique à des mets est une pratique ancienne dans le judaïsme. "Les Judéens étaient habitués à l’idée que c’était un repas symbolique et que les aliments étaient chargés de significations autre que simplement de servir d’alimentation", rappelle Rivon Krygier.
C’est aussi une pratique dont la religion chrétienne a hérité. "Je crois que les auditeurs chrétiens doivent être très, très familiers à l’idée de prendre un aliment et de dire, 'Cela a une signification autre que la nourriture'", nous dit le rabbin Rivon Krygier. Ce pain azyme, c’est-à-dire "sans levain", les catholiques le retrouvent en effet dans l'hostie. "Il est indéniable que le rite eucharistique est en réalité greffé sur le rite pascal et que Jésus vient superposer une nouvelle signification aux aliments."
Attribuer un sens symbolique à des aliments, c’est faire entrer le spirituel dans le concret de nos vies. L’aliment, avec son rituel prévu par la Haggada, suscite des questions "et ce jeu-là de questions-réponses, il est essentiel pour toute recherche et la recherche spirituelle en particulier". L’objectif étant "d’arriver à une émancipation spirituelle, à une maturité. C’est tout l’enjeu, qui consiste à se transformer."
Comment comprendre les rites, les fêtes qui rythment le calendrier hébraïque ? Comment lire la Bible à la lumière de la tradition juive ? Qu’apporte la lecture du Talmud ou les textes de Maïmonide à un croyant juif... ? Chaque semaine, dans un dialogue avec un fin connaisseur du monde juif, Odile Riffaud nous fait entrer dans la richesse de cette tradition religieuse qui est à la racine du christianisme et de l’islam.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !