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Claire Daudin, la foi catholique d'une femme de lettres

Claire Daudin, la foi catholique d'une femme de lettres

Un article rédigé par Odile Riffaud - RCF - le 17 juin 2025 - Modifié le 20 juin 2025
TémoinClaire Daudin, la foi catholique d'une femme de lettres

Péguy et Bernanos ont forgé sa conscience et marqué sa vie de foi. Femme de lettres, normalienne et catholique, Claire Daudin nous livre une réflexion intime et personnelle sur l'appartenance à l'Église catholique. Elle exprime aussi son inquiétude à l'égard des tentatives de récupérations politiques de l'Évangile.

"Grâce à Etty Hillesum ou Simone Weil, je trouve que l’Église peut progresser, peut sortir de ses limites." ©Claire Daudin"Grâce à Etty Hillesum ou Simone Weil, je trouve que l’Église peut progresser, peut sortir de ses limites." ©Claire Daudin

Femme de lettres, normalienne et catholique, Claire Daudin se confie sur sa vie de foi marquée par la littérature. Spécialiste de la vie et de l'œuvre de Charles Péguy, elle a présidé l'Amitié Charles-Péguy et dirigé la publication de ses "Œuvres poétiques et dramatiques" dans la Bibliothèque de la Pléiade. Mais Claire Daudin est aussi l'auteure de nombreux ouvrages, essais, romans et récits personnels. Et elle fait partie de ces chrétiens qui, à la faveur de la découverte de la Shoah, se sont d’une part intéressés au judaïsme et se sont aussi engagés dans un renouvellement de leur foi. "Ma conscience et ma foi ont été forgées au creuset de la Shoah”, écrit-elle dans "Le Rendez-vous de Moissac" (coll. Le Souffle de l'esprit, éd. Actes Sud, 2011). Rencontre.

La conscience formée par Péguy et Bernanos

Chez Claire Daudin la foi catholique est "un vrai trésor" reçu de sa famille et de ses lointains ancêtres. Une foi que l’amour de la littérature a rendue "intellectuelle et sensible". Baptisée dans l’abbatiale, célèbre, de Moissac - "Je considère qu’on ne peut pas faire mieux !" dit-elle avec un mélange d’humour et de reconnaissance - Claire Daudin considère qu’elle est "pleinement dans" l’Église catholique. 

Mais justement qu’est-ce qu’être catholique ? Est-ce appartenir à une famille, un club, "une patrie" ? La question se pose à tout lecteur de Péguy ou de Bernanos, ces deux grands écrivains catholiques du début du XXe siècle. Deux hommes qui ont étroitement lié "leur conception du statut d’écrivain" à "leur conscience". "Qu’il y ait donc cette dimension éthique qui soit intrinsèque à leur vocation d’écrivain et qui soit si présente dans leurs œuvres, ça, ça m’éblouissait !" décrit Claire Daudin. Normalienne, elle a consacré sa thèse de doctorat à ces deux écrivains "dans le monde moderne".

Ce sont deux "hommes libres" qui ont séduit Claire Daudin. Péguy et Bernanos ont été "libres et seuls" car ils ont assumé "une posture de courage contre les appareils" et "n’ont pas eu peur de rompre avec leurs familles idéologiques de départ". Ils incarnent aussi la liberté de l’homme croyant vis-à-vis de son Église. Ce qui "leur a donné une justesse de vue", considère Claire Daudin. Ainsi, Bernanos a-t-il dénoncé la collusion entre le pouvoir franquiste et l’Église catholique lors de la guerre d’Espagne. Après quoi, lui qui avait "rompu avec l’Action française, la droite nationaliste", s’est "retrouvé tout seul à parler avec sa conscience, avec sa foi".

Ce refus d’une récupération politique de l’Évangile résonne fortement aujourd’hui, pour Claire Daudin. "Dans des périodes comme ça, les tentatives de récupération existent. Et c’est vrai que je suis très, très, très choquée par le vice-président des États-Unis, Monsieur Vance… Cette façon de se revendiquer catholique tout en servant une action politique, qui, qu’on adhère ou pas, il faut reconnaître qu’elle est aux antipodes de l’Évangile." La conscience "formée" par Péguy et Bernanos, Claire Daudin constate combien la foi chrétienne est aujourd’hui "mise à l’épreuve de multiples façons". Et notamment par ce "contre témoignage".

 

Un cheminement spirituel marqué par le judaïsme

Le "choc terrible" de la découverte de la Shoah a été pour Claire Daudin le début d’un cheminement spirituel. Lauréate du concours départemental de la Résistance et de la déportation, lorsqu’elle était au collège, elle avait reçu, en guise de prix, plusieurs livres. Et notamment des ouvrages illustrés sur les camps de concentration. "C’était mon entrée dans une réalité historique, et bien plus que ça : mon entrée dans une humanité qui a reçu et compris ce qui s’était passé. Une fois que l’on a franchi cette porte, on n’est plus pareil. Ça j’en suis vraiment convaincue."

Marquée à vie, Claire Daudin l’a été, "mais ça m’a marquée aussi très positivement, dans le sens où ça m’a engagée dans un chemin. Et j’ai très tôt senti que j’étais appelée à avancer dans ce chemin." Claire Daudin fait partie de ces croyants catholiques qui, à la faveur de la découverte de la Shoah, se sont intéressés au judaïsme. La collégienne passionnée de lecture a donc découvert, "éblouie", les romans d’Isaac Bashevis Singer. "Je suis entrée si l’on peut dire, par la porte des camps de concentration mais le chemin que j’ai suivi était un chemin qui m’a menée vers des découvertes magnifiques de culture mais de foi surtout."

Et puis il y a eu ce moment où, grâce au livre de Catherine Lewertowski, "Les enfants de Moissac" (2009), elle a su que des enfants juifs avaient été hébergés, durant la Seconde Guerre mondiale, non loin de la maison de ses ancêtres. Or, personne n’en avait jamais rien su dans sa famille. "Comment nous chrétiens, comment avons-nous pu tellement ignorer ce que vivaient les Juifs ?" Le journal de guerre de son grand-oncle, prêtre de son état, le montrait bien, "deux mondes n’avaient pas du tout communiqué". D’où le titre de son ouvrage, "Le rendez-vous de Moissac", pour "honorer un rendez-vous manqué".

 

Etty Hillesum et Simone Weil, "des figures prophétiques"

S’intéresser au judaïsme et ne pas "s’enfermer dans l’Église". Aujourd'hui, dans l’établissement où elle intervient, Claire Daudin étudie avec ses élèves les textes d’Etty Hillesum ou de Simone Weil. "Deux femmes juives, non chrétiennes et pourtant si proches, si proches du christianisme." Et justement, "je n’ai pas envie du tout de les faire rentrer dans l’Église ! Grâce à elles, je trouve que l’Église peut progresser, peut sortir de ses limites. Et je pense qu’il est bon qu’il y ait comme ça des figures prophétiques qui soient un peu ailleurs, certainement devant, et qui nous rappellent qu’on n’est pas là pour uniquement se reconnaître entre nous parce qu’on a la même sociologie."

Claire Daudin retient que si Simone Weil a refusé le baptême, c’est entre autres parce qu’elle reprochait "à l’Église catholique d’être une patrie pour trop de ses fidèles, d’être une institution sociale à laquelle on adhère, qu’on défend, où on se sent à l’aise avec d’autres comme dans une patrie..." À l’heure où l’on parle de plus en plus de repli communautaire ou d’approche identitaire de la religion, il n’est pas inutile d’aborder la question avec subtilité. "La sociabilité catholique elle n’est pas condamnable en soi, estime Claire Daudin, mais elle ne doit pas du tout se substituer à autre chose qui fait que en tant que chrétien on doit regarder vers dehors et pas dedans."

C’est à Charles Péguy, qui avait de nombreux amis juifs, que l’on doit d’avoir compris très tôt, dès avant l’affaire Dreyfus, "l’importance de l’enracinement juif du christianisme", rappelle Claire Daudin. "Je voudrais qu’il y ait plus de Juifs qui connaissent ces textes-là, qui se rendent compte qu’il y a des chrétiens qui vraiment leur sont reconnaissants de leur avoir donné le Christ même si, pour des raisons historiques et métaphysiques, ils ne le reconnaissent pas pour leur messie… c’était peut-être le Messie pour nous qui étions des païens."

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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