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Maladies professionnelles : des risques trop souvent ignorés

Maladies professionnelles : des risques trop souvent ignorés

Un article rédigé par Marius Segura--Gattuso, Melchior Gormand - RCF, le 15 mai 2025 - Modifié le 23 mai 2025
Je pense donc j'agisMaladies professionnelles : des risques trop souvent ignorés

Chaque année, de nombreux salariés tombent malades à cause de leur travail, souvent sans le savoir. Contrairement aux accidents du travail qui sont visibles, les maladies professionnelles progressent lentement et passent fréquemment inaperçues. Douleurs musculaires, problèmes respiratoires, stress. Comment s'en rendre compte et comment tirer la sonnette d'alarme ? Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand.

© Freepik© Freepik

Lorsque l’on imagine une maladie professionnelle, on pense généralement à une blessure grave, physique qui immobilise complètement le travailleur. Pourtant, les maladies professionnelles sont beaucoup plus variées et tout aussi dangereuses. Effondrement psychologique, “burnout” et tant d'autres, qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?

Le Dr Christian Expert, médecin du travail et président du Comité Technique National I de la CNAM (Caisse nationale de l’Assurance Maladie) définit ce type de maladie : “c'est une maladie qui est liée directement à l'exposition à un risque professionnel. Il peut être physique, chimique, biologique ou psychique". Il poursuit en expliquant les conditions de reconnaissance : "il y a des maladies professionnelles officiellement reconnues, avec des tableaux ; si vous avez une maladie strictement définie et que vous remplissez les conditions d'exposition, on va vous reconnaître en maladie professionnelle".

Quelle est l’ampleur des maladies professionnelles ?

Au cours des 10 dernières années, Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet Technologia explique que “les maladies professionnelles reconnues sont de l'ordre de 45.000 chaque année”. Le Dr Christian Expert souligne un fossé de reconnaissance des maladies professionnelles psychiques. “Un peu moins de 2.000 maladies professionnelles psychiques reconnues en France, et autour de 20.000 accidents psychiques reconnus."

On a trop de morts chaque année en France liés aux accidents du travail

Pour le directeur du cabinet Technologia, ce chiffre est susceptible d’augmenter. “Il y a une inflation énorme de pathologies psychiques au travail non reconnues. Il y en a plus de 100.000 liées au travail.”

Parmi les milieux les plus touchés, le BTP est loin devant. “Les accidents mortels, notamment dans le BTP, restent fréquents, avec un peu moins de 200 accidents mortels par an”, constate Dr Christian Expert. “On a trop de morts chaque année en France liées aux accidents du travail ou aux accidents de trajet (environ 250 morts chaque année)”, déplore Jean-Claude Delgènes.
 

L’impact phénoménal du burn-out

Le report de l'âge de départ à la retraite, associé à l'intensification du rythme de travail, joue un rôle non négligeable dans l'émergence des burn-out. Pour Jean-Claude Delgènes, il ne faut pas prendre ce problème à la légère. “Un burn-out, c'est en moyenne neuf mois d'arrêt maladie.”

Lucie, une auditrice travaillant dans la région parisienne, fait état de sa situation dans son précédent emploi. “J'étais au fond du gouffre. J'ai alerté, j'appelais à plusieurs reprises mon employeur. Il savait que la situation n'allait pas.” Elle accuse le coup d’une négligence de ses supérieurs. “J'y croyais, je faisais confiance à mes supérieurs. On me disait : “Vous êtes consciente de la situation, vous ne ferez pas de burn-out”. Jusqu'au jour où j'ai tout mis dans un placard et je suis rentrée chez moi.”

Un burn-out, c'est en moyenne neuf mois d'arrêt maladie

Samir, un autre auditeur, a aussi atteint le point de rupture. “Le point d’origine, c’est que j’ai fait des semaines de 70 h pendant plus d'un an. On m’a dit : “Tu prends les missions.” J’ai eu une accélération cardiaque avec des larmes, des malaises, et j’ai perdu connaissance. J’étais complètement en burn-out.” 

Le Dr Christian Expert explique que "le médecin du travail peut faire un diagnostic de la personne malade pour l'aider à visualiser et à comprendre ce qui lui arrive". Il sert à aider "à trouver les indicateurs pour prévenir les effondrements des travailleurs".

Faire reconnaître une maladie professionnelle

D’un employeur à un autre, la reconnaissance d’une maladie professionnelle n’est pas uniforme. Le patron de Technologia déplore que ”les personnes victimes d’épuisement professionnel ou de harcèlement moral ont un vrai parcours du combattant”. Il explique que la maladie professionnelle représente 25 % d’IPP, soit une incapacité permanente partielle à travailler (IPP) évaluée par le médecin conseil de la Sécurité sociale causé par le travail à hauteur de 25 %. À titre de comparaison “une dépression d’épuisement, c’est 12 à 15 % d’IPP.” Ce pourcentage d'IPP, traduit le seuil d'acceptabilité.

Il y a un gros travail à faire pour baisser le seuil d'acceptabilité

Pour faire valoir ces droits, il faut parfois employer des méthodes démesurées, comme l’explique Lucie. “J’ai obtenu une reconnaissance de maladie professionnelle après deux ans. C’est passé en jugement au tribunal administratif.” Et ce, alors que l’on est malade. “Heureusement, je n’en ai pas fait [de tentative de suicide], mais j’étais au fond du gouffre”, explique l’auditrice.

"Il est plus facile de reconnaître un accident du travail qu'une maladie professionnelle au niveau de l'instruction", précise le Dr Expert. Jean-Claude Delgènes soutient “qu'il y a un gros travail à faire pour baisser le seuil d'acceptabilité. La commission parlementaire de 2017 recommandait de baisser le seuil de 25 à 10". Le chef d’entreprise plaide “pour une comptabilité analytique de l’ensemble des conséquences d’un management souvent trop vertical.” Pour lui, cette maltraitance des employeurs aurait d'importants “coûts cachés.”

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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