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Le mot de la semaine : Anticiper

Le mot de la semaine : Anticiper

Un article rédigé par Jean Pruvost - RCF, le 22 septembre 2025 - Modifié le 22 septembre 2025
Le mot de la semaineLe mot de la semaine : Anticiper

LE MOT DE LA SEMAINE - En ce moment, chaque semaine est, en termes d’actualité, Jean Pruvost réussit depuis la rentrée à proposer des mots qui élèvent le débat sans choquer qui que ce soit, « politique » et « dette » par exemple. Pour cette semaine, qui s’annonce également riche en rebondissements, Jean Pruvost a décidé de prendre les devants avec un des mots proposés par la « Délégation générale à la langue française et aux langues de France » dans l’opération annuelle intitulée « dis-moi dix mots ». Et le mot qu'il a choisi s’adapte encore une fois à tous les partenaires du moment : c’est le mot « anticipation ». 

Jean Pruvost © Pascal HausherrJean Pruvost © Pascal Hausherr

J’ai consulté la liste des mots choisis par la Délégation à la langue française et aux langues de France, disponible sur son site, des mots qui, il est vrai, évoquent prioritairement la planète à préserver. 

Quels sont ces mots ? 

Les voici dans l’ordre alphabétique : alunir, anticipation, continuum, dystopique, humanoïde, particule, programmer, sidéral, théorie, transmuter. Et donc sans hésiter j’ai choisi l’« anticipation », parce que, quel que soit le point de vue que l’on ait, le vrai talent reste de savoir anticiper. Je n’ai pas choisi le premier mot de la liste, « alunir », parce qu’il ne m’a pas paru en effet être la priorité de la semaine, on a suffisamment à faire sur terre, même si évidemment c’est une anticipation formidable de Jules Verne. 

Alors tout d’abord, première interrogation, tournons-nous vers le passé du mot « anticipation » – ce qui est presque à contre-temps pour un tel mot ! Signalons donc sans anticiper sur la suite la date de sa première attestation écrite en langue française, fixée en 1437. Et j’ai souhaité retrouver l’une des premières phrases françaises où le mot était utilisé, flambant neuf, hélas, j’ai été édifié en lisant cet extrait tiré de La Complainte de Grèce par Jean Molinet publiée en 1464 : « Par subtille usance de guerre et anticipation [ils] desfirent et tuèrent jus [en bas] les Ganthois qui [eux] mesme les pensoient subjuguer et desfaire ». « Défaire l’ennemi », c’était jadis le « vaincre ». Inutile de dire que pratiquer l’anticipation pour mieux tuer, n’était pas exactement ce que je souhaitais lire. 

Des exemples plus réconfortants.

Certes, mais en consultant nos dictionnaires je n’ai pas été pleinement rassuré quant à l’usage de ce mot. Par exemple Littré donne dans la partie historique l’exemple suivant, extrait de l’œuvre de notre tout premier chirurgien, Ambroise Paré, qui rappelons-le fut au XVIe siècle parmi les premiers savants à écrire en français et non en : « Le troisième jour, écrit-il la fièvre le prit par anticipation à deux heures du matin ». Ciel, il ne s’agit plus de guerre, mais de maladie, ici d’une fièvre se déclarant plus tôt que prévu. Et je découvre par ailleurs dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française publiée donc en 1694 qu’existaient les « lettres d’anticipation », il s’agissait de faire comparaître en justice quelqu’un plus tôt que prévu ce qui ne présageait rien de bon.

Heureusement, Jules Verne, tel Zorro, est arrivé avec ses romans dits « d’anticipation », De la Terre et la lune, en 1865, puis Autour de la lune, en 1870, avec des héros revenant sur Terre, riches de nouvelles observations scientifiques pour le progrès de l’humanité. Enfin une belle anticipation ! Finalement, Pierre-Hugues, j’aurais pu prendre le premier mot de la liste, « alunir » en anticipant sur ce qu’auraient pu faire les héros de Jules Verne. Mais il faut atterrir, et anticiper en imaginant le meilleur. Par exemple, le croissant que vous allez m’offrir. 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le mot de la semaine
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