L'Ukraine a lancé ce week-end une opération massive de bombardements contre l'aviation russe qui restera en partie clouée au sol. En parallèle, une énième rencontre en Turquie entre des représentants russes et ukrainiens se prépare. À Gaza la situation humanitaire empire de jour en jour et laisse l'Occident pantois. Dans un contexte international plus que musclé, l'ONU élit le nouveau président de son Assemblée. Pour autant, celui ou celle-ci parviendra-t-il à faire entendre la voix de l'instance internationale ? Eléments de réponse avec le général Dominique Trinquand.
L’Ukraine a lancé ce week-end une opération spectaculaire sur le territoire russe, visant des bases aériennes jusqu'en Sibérie. Selon le général Trinquand, l’impact militaire est considérable : “Un peu plus de quarante avions stratégiques russes ont été détruits, y compris des appareils qui ne peuvent plus être remplacés. Cela va limiter la capacité de frappe dans la profondeur russe.”
Cette manœuvre, surnommée “Toile d’araignée”, a été méticuleusement planifiée, reposant sur un ingénieux dispositif de drones dissimulés dans des camions. Mais au-delà de la prouesse technologique, elle s’inscrit dans un contexte diplomatique brûlant : “C'est une façon de montrer aux Russes qu’eux sont vulnérables aussi", analyse le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU. Une attaque lancée juste avant les discussions à Istanbul entre Russes et Ukrainiens, et qui permet à l’Ukraine de refuser le rapport de force imposé par la Russie, estime l'invité de la matinale.
Face à une Russie qui cherche à se positionner en force, cette démonstration sert aussi à rappeler que “la Russie occupe aujourd’hui moins de territoire ukrainien qu’en octobre 2022”, nuance le général Trinquand. L’idée d’une victoire russe imminente serait donc “totalement fausse” : "Pour reprendre Koursk, ils ont concentré l'essentiel de leur force sur une direction et ils ont réussi à reprendre la poche ukrainienne. Pas tout à fait, mais quasiment complètement", rappelle-t-il. Quant à la possibilité d’une offensive estivale russe, elle est jugée limitée dans son ampleur : "La Russie peut monter des opérations ponctuelles, mais elle n’a pas les moyens d’une grande campagne."
Ainsi, un accord de paix est-il envisageable ? Non, estime-t-il, avançant deux raisons majeures. La première, c’est que Vladimir Poutine a besoin d'une "pression extérieure pour tenir sa population". "Les 600 000 soldats envoyés au front sont payés cinq fois plus que les ouvriers russes. Que se passera-t-il quand ils seront renvoyés chez eux, sans être payés de la même façon ? C’est impensable." Pour Dominique Trinquand, la deuxième raison est américaine : "Donald Trump ne fait pas la pression qu'il devrait faire sur les Russes. Et donc les Russes s’imaginent qu’ils sont face à l’Ukraine, et donc en position de force. Donc ils vont continuer, ils en reviennent aux clés de leur opération, c’est-à-dire à leur propagande."
Sur l'autre grand front de l'actualité internationale, Gaza reste le théâtre d'une tragédie humanitaire. L'Organisation des Nations unies alerte sur le risque de famine généralisée sans parvenir à infléchir la stratégie militaire israélienne. La France et l'Arabie saoudite tentent une médiation indirecte et veulent proposer à l'ONU la reconnaissance de la Palestine par plusieurs pays, dont la France, et la reconnaissance d'Israël par les pays arabes. Une situation délicate pour le Premier ministre israélien. “C’est une manœuvre habile : si les pays arabes reconnaissent Israël, alors ils pourront exiger la reconnaissance de la Palestine. Ce serait un désaveu pour Netanyahou.” explique le général Trinquand.
Mais le rôle de l’ONU dans ce processus reste marginal. Le général rappelle que l’organisation ne peut agir que si ses membres le veulent : “Le secrétaire général donne un point de vue, mais il ne décide rien." Ainsi, l’élection d’un nouveau président de l’Assemblée générale reste symbolique, ce poste étant avant tout honorifique. L’organe décisionnel comprend les membres permanents (Chine, Russie, France, États-Unis et Royaume-Uni), qui "ne s’entendent pas ", rappelant la situation d’avant les années 1990. Une situation aggravée par le mépris de Donald Trump, estime l'invité de la matinale, envers l’ONU, affaiblissant ainsi l’organisation. Les États-Unis représentent 25 % du budget, et leur désaffection entraîne la suppression de 20 % des effectifs. Dominique Trinquand insiste sur le fait qu’il n’existe pas d’alternative durable à cette institution supranationale. En effet, son rôle principal reste de fournir un centre de dialogue. Il considère que le véritable problème réside dans le processus décisionnel, souvent bloqué par les intérêts divergents au sein du Conseil de sécurité.
Enfin, Dominique Trinquand estime que le rôle du Vatican est encore sous-estimé et qu'il n'est pas assez perçu comme un lieu de négociation et de dialogue international. Il a souligné que lors d’événements symboliques comme l’intronisation de Léon XIV ou les funérailles du pape François, le Saint-Siège déploie un "soft power" magistral. Avec un statut d’observateur à l’ONU, le Vatican exerce une influence unique grâce à l'existence d'une hiérarchie centralisée autour du pape et à son réseau diplomatique. Le Vatican peut ainsi peser lors des débats de l’Assemblée générale des Nations unies.
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