Scandale Nestlé : un rapport sénatorial accable l’État et le groupe suisse sur la fraude aux eaux minérales
Hier, les sénateurs ont rendu public un rapport accablant après six mois d’enquête sur la fraude aux eaux minérales de Nestlé. Le document révèle la porosité entre les services de l’État et le groupe suisse.
Perrier, Vittel, Contrex et Hépar en sursis après la mise en demeure adressée à Nestlé de retirer ses filtres illicites RCF/EGAprès six mois d’enquête et plus de 70 auditions, la commission d’enquête sénatoriale, dont le rapporteur est Alexandre Ouizille (socialiste, Oise), a rendu public lundi 19 mai un rapport accablant sur la fraude aux eaux minérales de Nestlé Waters. Ce rapport fait suite à la révélation, début 2024, de l’utilisation de traitements interdits (ultraviolets, charbon actif, microfiltration fine) sur les eaux Perrier, Vittel, Hépar et Contrex. Alors même que ces produits continuent d’être commercialisés sous le label « eau minérale naturelle », un label strictement encadré par le Code de la santé publique.
Des pratiques illicites couvertes au sommet de l’État
Le rapport détaille la « porosité » entre les services de l’État et Nestlé, mettant en lumière une « stratégie délibérée de dissimulation ». Plusieurs ministres, hauts fonctionnaires et membres de l’Élysée sont mis en cause pour avoir couvert ou facilité le maintien des traitements interdits, malgré les risques sanitaires et la réglementation. Selon Alexandre Ouizille, « l’État ne s’est pas comporté comme le garant de l’intérêt général. Il est rentré dans une logique transactionnelle et a dissimulé au grand public cette fraude ».
Le document fait état d’échanges de mails et de réunions interministérielles. Des interventions directes auprès des agences régionales de santé (ARS) ont aussi été recensées. Résultat : des rapports officiels ont été modifiés. À la demande de Nestlé, les mentions de contamination par des bactéries ou des pesticides ont été supprimées et des paragraphes favorables au groupe industriel ont été ajoutés. « C’est très grave ce qu’il s’est passé », insiste Alexandre Ouizille chez Radio France. « Il y a des paragraphes entiers laudateurs pour Nestlé qui sont rajoutés à la demande de l’industriel et, à l’inverse, les mentions des bactéries, des traces de polluants sont biffées ».
Certains fonctionnaires ont même demandé à retirer leur signature de ces rapports modifiés.
Un système de pression et d’influence
Nestlé Waters est accusé d’avoir assumé la fraude et multiplié les pressions pour éviter tout contrôle ou sanction. Le groupe a conditionné l’arrêt des traitements interdits à l’autorisation d’une microfiltration fine. Elle-même contestée car susceptible d’altérer la composition de l’eau, ce qui va toujours à l’encontre du cahier des charges du label « eau minérale naturelle ». La commission dénonce une « inversion de la relation entre l’État et les industriels », l’État ayant cédé face aux exigences de Nestlé, jusqu’à autoriser des pratiques pourtant non conformes à la réglementation.
Quelles suites après la commission d’enquête ?
La commission sénatoriale formule 28 recommandations, dont un meilleur contrôle des prélèvements, un suivi qualitatif renforcé des nappes et une amélioration de l’étiquetage pour garantir la transparence auprès des consommateurs.
La préfecture du Gard doit désormais se prononcer sur le renouvellement de l’autorisation d’exploiter la source Perrier comme « eau minérale naturelle ». L’avis des hydrogéologues mandatés par l’État est défavorable, et la préfecture a donné deux mois à Nestlé pour retirer son système de microfiltration, estimant qu’il modifie le microbisme de l’eau en contradiction avec la réglementation. Par ailleurs, une procédure judiciaire est en cours à Paris, après des plaintes d’associations de consommateurs pour « tromperie » visant Nestlé Waters et Sources Alma.


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