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Fin de vie : comment en débattre sereinement ?

Fin de vie : comment en débattre sereinement ?

Un article rédigé par Aurore Ployer - RCF, le 8 décembre 2022  -  Modifié le 9 décembre 2022
Je pense donc j'agis Fin de vie : comment en débattre sereinement ?

La Convention citoyenne sur la fin de vie débute ses travaux ce 9 décembre jusqu’en mars 2023. 150 Français ont été tirés au sort et se pencheront sur la délicate question d’une éventuelle modification de la loi Claeys-Leonetti. Le défi : écouter le désir d’autonomie des patients sans pour autant abandonner l’amélioration des soins palliatifs.

Des militants pro-euthanasie assistent a une réunion publique à Toulouse, le 05/11/2022 ©Victor Bouchentouf / Hans Lucas Des militants pro-euthanasie assistent a une réunion publique à Toulouse, le 05/11/2022 ©Victor Bouchentouf / Hans Lucas

La fin de vie, une réalité mal connue

 

La sédation longue et continue, l’euthanasie et le suicide assisté ne sont pas la même chose, insiste Dominique Quinio, membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) : "La sédation longue et continue qui consiste à endormir les patients qui vont mourir et qui souffrent énormément, est prévue par la Loi Claeys-Leonetti", rappelle-t-elle. Votée en 2016, elle garantit le droit d’accès aux soins palliatifs et à l’accompagnement de la fin de vie. "L’euthanasie permet de donner la mort par des moyens médicaux à une personne consentante qui souffre d’une maladie incurable en phase terminale. C’est l’équipe médicale qui pratique l’action létale. Dans le cas du suicide assisté, le délai change : la personne n’est pas nécessairement en fin de vie et c’est elle qui se donne la mort avec les moyens que l’équipe médicale lui fournit", explique-t-elle. 

 

Rendue le 13 septembre dernier, la recommandation du CCNE sur l’aide active à mourir encadre beaucoup le dispositif : "Le CCNE ne demande pas une modification de la loi actuelle. Cependant si l’aide active à mourir devait être autorisée, nous avons posé des cadres précis. La demande doit être faite par une personne majeure, autonome et dont le pronostic vital est engagé à moyen terme. L’équipe médicale devra par le dialogue s’assurer que la décision résulte bien d’une volonté propre et non d’une influence extérieure”, expose Alain Claeys, membre du CCNE et co-auteur de la loi bioéthique Claeys-Leonetti.

 

Le rapport du CCNE pointe avant tout que la loi Claeys-Leonetti reste insuffisamment appliquée. "Quasiment toutes les situations de fin de vie insupportables et indignes sont dues à une mise en œuvre insuffisante des règlements qui existent", pointe Alain Claeys. Elsa Walter, bénévole d’accompagnement auprès des personnes malades et en fin de vie, le constate sur le terrain : "J’observe dans le service oncologie dans lequel je travaille une non application de la loi actuelle. Les malades n’ont jamais entendu parler des directives anticipées pour préciser leurs souhaits sur leur fin de vie. Il n’y a pas d’obligation d’information pour les médecins, ce qui laisse les patients démunis". Les soins palliatifs sont encore trop inégalement répartis sur le territoire : 26 départements français manquent d’une unité de soins palliatifs. 

 

Contrairement aux idées reçues, 80% des décès à l’hôpital ont lieu dans les services de soins curatifs et non palliatifs. Pourtant, ce sont bien les services de soins palliatifs qui sont là pour accompagner un temps le patient dans sa maladie, parfois vers la fin de vie. "Il faut développer les soins d’accompagnements au sein de l’hôpital, dès l’admission dans un service de soins curatifs", insiste Alain Claeys. 


L’accompagnement précoce des patients, un élément prioritaire

 

Les bénévoles au chevet des personnes en fin de vie dénoncent le manque d’écoute des patients, à l’image d’Elsa Walter. "Avec la science, les dispositifs d’accompagnement vers la fin de vie sont de plus en plus techniques, mais la dimension humaine des échanges s’est peu à peu effacée chez les médecins", regrette-t-elle. Face au manque de disponibilité du personnel médical, les bénévoles comme Elsa Walter prennent le relais : "Je suis une oreille attentive au chevet des malades. La maladie prime trop souvent au détriment de l’expression de l’identité des patients. Je leur permets de la retrouver en échangeant avec eux, parfois sur leur souffrance et leur culpabilité”. Pour les malades, il est parfois plus facile de se confier à un inconnu plutôt qu’à un proche : "Avec un proche, il y a beaucoup d’émotionnel à cause de la douleur de la séparation à venir. La verbalisation est plus aisée avec un inconnu car ils ne se sentent pas jugés".

 

Un des principaux enjeux reste la formation des médecins dans les soins d’accompagnement et la médecine de la personne, défend Alain Claeys : "Dans le débat sur l’euthanasie, la question de l’autonomie est importante mais les autres mots clefs sont la fraternité et la solidarité. La formation des professionnels et la recherche sur ce point doivent être renforcées, c’est d'ailleurs un des objets de l’avis rendu par le CCNE". Une conviction partagée par Elsa Walter : "Il faut légitimer la parole des patients et ne pas les infantiliser. Parfois, les médecins font preuve d’un manque extrême de considération pour leur identité". Monique, une auditrice, le déplore également avec émotion : "Je dénonce l'acharnement thérapeutique des médecins qui veulent guérir à tout prix. Il ne veulent parfois même pas voir les patients et ne se préoccupent pas de leur douleur". 

 

Un débat loin de faire l’unanimité

 

Huit membres du CCNE ont émis une réserve sur la recommandation du comité concernant la mise en place d’une aide active à mourir, dont Dominique Quinio : "Il y a un problème de chronologie. Il faudrait d’abord travailler la culture palliative et les moyens donnés à l’hôpital. La légalisation de l’euthanasie sonne comme un renoncement, comme si on ne pouvait plus faire mieux en termes d’accompagnement". Elle dénonce également, le message que cela pourrait envoyer aux patients : "Si on vote une loi qui reconnaît que la fin de vie peut être indigne, les malades peuvent penser qu’ils sont un poids pour leurs proches et la société, cela pourrait altérer la volonté de ceux qui veulent vivre jusqu’au bout". Enfin, elle redoute de futurs élargissements à la loi : "L'expérience des autres pays comme la Belgique ou le Canada montrent que l’on peut passer des pathologies physiques aux pathologies psychologiques, jusqu'à ce qu’on ne se préoccupe plus de la présence d’une pathologie".

 

Alors que la Convention citoyenne sur la fin de vie débute ce vendredi 9 décembre, il ne faut pas oublier d’écouter la parole des premiers concernés, les patients. "Réfléchir à l’aide active à mourir permet d’ouvrir un cadre pour l’expression de toutes les volontés. Les demandes des patients sont légitimes et doivent être écoutées pour prendre en compte leur identité. Si des personnes veulent en finir car leurs souffrances sont extrêmes, il faut réagir avec beaucoup d’humilité car il est impossible de se mettre à leur place. La première chose à faire reste néanmoins de développer la culture palliative car son insuffisance est la première cause du pourquoi on meurt mal en France. 3% des personnes gravement malades expriment leur souhait de recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté", conclut Elsa Walter.

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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