Les magistrats s’inquiètent des multiples attaques contre l’institution judiciaire, depuis la condamnation, lundi 31 mars, de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics. Accusés par la droite et l'extrême droite d'avoir rendu un jugement "politique", les magistrats se défendent et dénoncent des atteintes à l’État de droit.
Après la condamnation de Marine Le Pen, lundi 31 mars, pour détournement de fonds, Bénédicte de Perthuis, qui a prononcé la peine d'inéligibilité immédiate de cinq ans, a été placée sous protection policière. La présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a subi des menaces après le jugement dans l'affaire des assistants parlementaires du FN.
"On met une cible, dans le dos des collègues", dénonce Ludovic Friat, président de l'Union syndicale des magistrats, le syndicat majoritaire dans la profession. Le tir nourri d’élus du RN ou de la droite irrite les magistrats. "À force d'instiller, d'affaires en affaires, l'idée qu'il y aurait un prétendu gouvernement des juges, des gens l'entendent, y croient, et se sentent autorisés, eux aussi, à aller dans des menaces physiques", estime Ludovic Friat, qui déplore "une stratégie pour faire du juge un ennemi politique".
Les critiques et attaques contre les juges ne sont pas nouvelles. Les affaires politico-financières ont toujours fait réagir les premiers concernés, quelque soit la couleur politique des personnes mise en cause. C’est fut le cas des différentes procédures concernant Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac ou bien le financement du Parti socialiste dans les années 90 avec la petite musique d’un choix orienté des juges.
"La rhétorique du gouvernement des juges est ancienne. Il s'agit par là d'induire l'idée que les magistrats auraient un projet politique occulte. Or, ce ne sont que des fantasmes. Cette accusation est à géométrie variable. Et elle ne sert en réalité qu'à discréditer le travail juridictionnel", souligne Judith Albrecht, présidente du Syndicat de la magistrature.
Dans le dossier Marine Le Pen, comme d’autres affaires, les magistrats réfutent donc toute "instrumentalisation politique" de l’institution judiciaire."Les magistrats ne tirent leur prérogative que de la loi qui est votée par le législateur, c’est-à-dire le Parlement. Donc, non seulement, ils appliquent les lois, mais surtout, ils ont le droit de le faire parce qu'il y a des lois qui le prévoient. Ils sont absolument encadrés. Ils ne peuvent octroyer aucune prérogative et aucune liberté avec leur office juridictionnel", rappelle Judith Albrecht.
Pour Ludovic Friat, le dossier des assistants parlementaires du FN ne fait pas exception : "La décision collégiale a été rendue à l'issue d'un très long débat judiciaire où chacun puisait ses arguments et il y a également eu plusieurs semaines de délibérés". Les magistrats doivent aussi motiver leurs décisions, dans le cas de Marine Le Pen, le jugement comporte 150 pages.
Ces attaques fragilisent toute une profession, mais elle inquiète aussi au delà dans le monde judiciaire, notamment certains avocats, attentifs à la montée d’un climat illibéral vis-à-vis de la justice, comme en Hongrie, en Israël ou aux États-Unis. "La décrédibilisation de l'institution judiciaire représente un danger", analyse Alexandre Lazaregue, avocat au barreau de Paris. "La justice garantit l'égalité des droits et lorsque vous martelez un discours sapant la confiance dans l'institution judiciaire, c’est toute la société et la démocratie qui deviennent vulnérables."
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