Clergé divisé en Alsace : “je ne pourrai jamais me résoudre à ces mots”
Interrogé dans le cadre de sa participation mensuelle à l’émission “Chrétiens à la Une” sur RCF, l’archevêque de Strasbourg Mgr Pascal Delannoy revient sur les tensions traversées dans le diocèse et les mesures qu’il a exprimées dans une lettre adressée aux fidèles alsaciens mi-octobre.
Le diocèse de Strasbourg compte 311 prêtres diocésains parmi lesquels 186 prêtres de moins de 75 ans (chiffres au 1er décembre 2024).Messe Chrismale à la cathédrale de Strasbourg en 2025 / @ Diocèse de Strasbourg - DRRCF : Le 16 octobre dernier, vous écriviez une lettre aux fidèles catholiques d'Alsace. Vous y affirmiez que "le diocèse est en mouvement", tout en rappelant que vous étiez conscient des blessures passées et des défis qui demeuraient. Vous avez également annoncé de nouveaux chantiers pour cette année, qui concernent la formation, la démarche synodale ou encore l'accompagnement des agents pastoraux. Pourquoi cela ?
Mgr Pascal Delannoy : Lors de mes visites pastorales l’an dernier, j’ai souvent entendu le désir des fidèles d'avoir une formation accessible et de proximité afin d'approfondir le contenu de leur foi. J’ai donc demandé à une petite équipe de travailler ces questions de formation, et notamment une formation de base, en quelque sorte structurante de la foi. Cela me paraît indispensable dans un monde qui est aujourd'hui multireligieux. Il est indispensable que nous approfondissions notre foi et l'originalité de celle-ci afin d'en rendre compte. Je crois que toute formation a finalement un double objectif. Elle rend heureux celui qui se forme en lui permettant de mieux comprendre sa foi, de mieux comprendre ce en quoi il croit, ceux en qui il croit. Elle donne ce bonheur de pouvoir trouver les mots pour témoigner de notre foi lorsque nous sommes interrogés.
RCF Alsace : Vous souhaitez également pérenniser une démarche synodale dans le diocèse, démarche qui engendre parfois des tensions relevées à Rome notamment lors du jubilé des équipes synodales organisé par le cardinal Grzegorz Ryś. Une source d’inspiration pour vous ?
Mgr P.D. : Dans le compte-rendu du jubilé qui m'est parvenu, j'ai pu lire que le cardinal Ryś nous invitait évidemment à une conversion, d'abord relationnelle. Aujourd'hui nous sommes très préoccupés par l'individu, par le “moi”. Et la synodalité nous invite constamment à passer au “nous”. La synodalité, c'est prendre le temps de s'écouter les uns les autres, conscient que l'Esprit-Saint travaille chacun. C'est donc avoir pleine conscience que, à moi tout seul, je n'ai pas la solution pour annoncer l'Évangile et faire grandir ma foi, j’ai besoin des autres. Le cardinal soulignait aussi le danger de faire une église qui ne soit plus communion, mais une église uniforme. Dans l’Eglise subsiste cette tentation que tout le monde ait la même attitude, tout le monde pense exactement la même chose. Or, la communion est, avant tout, diversité.
La communion est avant tout diversité.
RCF Alsace : Ces diversités comme obstacles à la communion existent également dans le diocèse…
Mgr P.D : Bien sûr, c'est toujours là, c'est toujours la tentation de vouloir imposer mon point de vue et de ne pas écouter ce que d'autres sont en train de vivre. Si saint Paul compare l'Eglise à un corps où chacun a sa place, c'est bien que déjà dans l'Église primitive, certains étaient tentés de prendre toute la place en étouffant les autres. Donc, méfions-nous de ceux de ce schéma ecclésial qui consisterait à étouffer les autres pour prendre toute la place. Chacun y a sa place.
RCF Alsace : Cette volonté que vous exprimez de valoriser cette démarche synodale dans le diocèse, est-ce aussi pour retrouver ou tenter de retrouver un esprit de communion? Ces dernières semaines, on a vu notamment des prêtres écrire dans des tribunes que le clergé était "divisé" en Alsace. Partagez-vous ce constat ?
Mgr P.D: Je n’aime pas cette expression parce qu'elle me paraît contre-nature en quelque sorte. Je pense que dans le clergé, il peut y avoir des sensibilités différentes, évidemment liées à la culture liée à la spiritualité, liée à l'ecclésiologie. Mais on est appelé à se parler, à se dire des choses, à s'écouter, à se respecter. En tout cas, je ne pourrai jamais me résoudre à ce mot de division.
RCF Alsace : Autre chantier rapporté dans votre lettre : vous souhaitez continuer l'épineux travail de lutte contre les abus dont le diocèse de Strasbourg a été, avant le rapport de la CIASE un des fers de lance en France. Vous annoncez la création d’une nouvelle cellule d'accueil et d'écoute des victimes, avec une ligne téléphonique et une adresse de contact (01 41 83 42 17 / paroledevictime@archeveche-strasbourg.fr) qui vient compléter le travail de l'antenne indépendante alsacienne de France Victime qui, elle, n'a pas cessé son travail d'écoute. Qui fait partie de cette équipe diocésaine ?
Mgr P.D : Elle est composée de 3 laïcs bénévoles, baptisés, qui ont une réelle compétence d’écoute et qui peuvent déjà recevoir toute personne qui se signalerait via cette adresse courriel.
RCF Alsace : L’équipe aura-t-elle un lieu fixe pour recevoir des personnes victimes ?
Mgr P.D. : le lieu d'accueil n’est pas le problème. Une fois qu'une personne demande à être reçue, on trouvera toujours un lieu pour l'accueillir. L’accueil n’est pas lié à un lieu donné.


Chaque semaine, les représentants des églises chrétiennes en Alsace (anglicans, catholiques, évangéliques, orthodoxes et protestants luthériens et réformés ) portent un regard sur l'actualité.
Emission diffusée le jeudi à 13h15 et 18h15, samedi à 9h et 17h45.


