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Gouvernement Meloni : un modèle pour l'Europe ?

Gouvernement Meloni : un modèle pour l'Europe ?

Un article rédigé par Julien Bal - 1RCF Belgique, le 28 octobre 2025 - Modifié le 3 novembre 2025
L'actualité en débat3 ans du gouvernement Meloni : un modèle pour l'Europe ?

Le 22 octobre dernier, le président de la République italienne Sergio Mattarella achevait sa visite officielle en Belgique. Le même jour, le gouvernement Meloni fêtait ses trois ans d’existence. Retour sur le bilan du gouvernement libéral-conservateur italien.

Giorgia Meloni (D. R.)Giorgia Meloni (D. R.)

Ce qu'il faut retenir :

  • Le gouvernement Meloni a fêté ses 3 ans d'existence le 22 octobre dernier
  • Les mesures prises par l'exécutif italien sont-elles exportables ailleurs en Europe ?
  • La crainte de voir ressurgir le fascisme italien déguisé en conservatisme soft est-elle fondée ?

Après la victoire de Giorgia Meloni aux élections législatives italiennes de 2022, certains observateurs criaient au retour du fascisme par le sud de l’Europe quand d’autres se félicitaient que le conservatisme revienne en force au sein du vieux continent. Trois ans plus tard, une question s’impose avec force dans le débat public : Le melonisme est-il exportable et souhaitable au-delà des frontières italiennes ? Pour en parler dans l’émission d’actualité internationale de RCF Belgique, le journaliste Julien Bal recevait Philippe Hensmans, ancien directeur d’Amnesty international Belgique francophone et Arthur Martin, président des jeunes MR de Uccle.

En préambule de cet entretien, Philippe Hensmans invite à prendre du recul par rapport à certaines mesures apparemment anodines prises en trois ans par le gouvernement Meloni : « On a affaire à un projet de transformation globale de la société qui se traduit par différents piliers : immigration, traditions, famille, darwinisme social, remise en question de l’état social. Tout ça mis ensemble se traduit par des mesures qui prises isolément n’ont pas l’air très graves, elles peuvent même sembler nécessaires. Mais quand on les analyse globalement, on remarque qu’elles émanent d’une tendance lourde : le trumpisme ».

Immigration

La gestion de la migration par le gouvernement Meloni suscite de nombreux commentaires. Concrètement, les propositions meloniennes d’exporter la gestion des demandeurs d’asile au-delà des frontières européennes a fini par faire florès. Au Royaume-Uni, de tels plans de gestion de la migration ont été mis en place, l’Union Européenne se penche sur la possibilité de créer des centres au-delà des frontières de l’UE tandis qu’en France certains politiques se revendiquant du melonisme ont proposé de rouvrir les bagnes d’Outre-mer pour les délinquants interdits de territoire français.

Sur les questions migratoires, nos invités étaient en désaccord. Selon le jeune MR Arthur Martin « Madame Meloni a été fortement critiquée au début. Moi-même j’ai cru aux fake news à son sujet. J’ai par exemple longtemps cru qu’elle était contre toute forme d’immigration. Or, c’est faux, c’est plus complexe que cela. L’immigration est un sujet si complexe qu’on ne peut pas se positionner aujourd’hui comme totalement pour ou totalement contre. En diminuant l’immigration illégale, ces gens qui mouraient en mer sont moins tentés d’arriver en Italie. C’est une réussite. Ceux qui arrivent ont ainsi plus de chances d’avoir un salaire, même bas, à leur arrivée. Pour les autres, ce qu’il faut faire c’est améliorer leur conditions de vie dans leurs pays d’origine et ne pas réagir qu’après coup, une fois qu’ils sont arrivés en Europe ».

Un pays qui se forgerait la réputation d’avoir une politique migratoire stricte, dissuaderait donc les migrants de s’y rendre. Philippe Hensmans s’inscrit en faux contre cette idée : « Ça ne marche pas. Ce sont des gens pour qui la vie est tellement difficile là d’où ils viennent qu’ils sont prêts à prendre tous les risques. Il y en a presque autant qui meurent en Méditerranée aujourd’hui qu’avant. Il y en a moins qui arrivent sur le territoire italien, peut-être. Ça ne veut pas dire qu’il y en a moins qui essaient d’arriver. Lorsque l’on dit au capitaine d’un bateau qui a secouru des migrants en détresse qu’il ne peut pas s’arrêter dans le port le plus proche si c’est un port italien, c’est contraire au droit maritime. Le gouvernement Meloni, c’est cela aussi ».

Le Règlement de Dublin à l’épreuve des faits

L’Italie a longtemps été délaissée au sujet de la gestion de la migration. L’Europe quant à elle a longtemps traité ce dossier avec une prudence qui a fini par exaspérer de nombreux italiens. Une exaspération qui explique en partie le succès de Meloni aujourd’hui : « Il est vrai que l’Italie, pas seulement ces trois dernières années, est aux avant-postes en ce qui concerne l’arrivée de migrants et de réfugiés sur le territoire européen – concède Philippe Hensmans. Le principe du Règlement de Dublin fait qu’on renvoie les demandeurs d’asile dans le pays européen par lequel ils sont arrivés en Europe. Bien souvent ce pays c’est l’Italie. Tout cela est vrai. Mais cela ne justifie pas les amendes infligées aux ONG qui viennent en aide aux migrants aujourd’hui. Et les violations du droit maritime par l’Italie ne sont pas acceptables. Par ailleurs oui, de moins en moins de migrants débarquent en Italie, mais n’oublions pas que les gardes côtes libyens ont été formés par l’Italie et que les migrants qui n’embarquent pas se retrouvent dans des camps en Lybie où la torture, l’esclavage et les violations de droits humains sont la norme ».

Économie

Pour Arthur Martin « Giorgia Meloni est surtout parvenue à redresser son pays économiquement parlant. C’est loin d’être le cas pour d’autres pays de l’UE – à part l’Espagne et les Pays-Bas. Il y a quelques années, la situation budgétaire de l’Italie était pire que celle de la Belgique. Ça n’est plus le cas, et on s’attend encore à une amélioration pour les prochains budgets 2026 et 2027. Giorgia Meloni par ailleurs n’attend pas que l’Union européenne négocie pour elle auprès de Trump, elle va elle-même négocier ses droits de douane. C’est une réussite. Se fier à l’Europe à cet égard, cela joue trop souvent des tours à nos dirigeants. On assiste en direct au naufrage de l’Europe, en termes économiques ».

C’était certainement l’objectif de Donald Trump en fomentant le psychodrame des droits de douane infligés à l’Europe : fragmenter la solidarité économique européenne. Avec Meloni, son alliée, il est parvenu à ses fins. Pour l’ex-directeur d’Amnesty en Belgique, la question économique est loin d’être réglée en Italie « Oui, la rigueur budgétaire porte ses fruits mais on constate aussi une augmentation de la pauvreté. Le déficit est un instrument politique qui peut servir à l’amélioration des conditions de vie d’une population. En Italie, le flexi-travail qui devient la norme empêche les travailleurs de s’opposer à la dégradation de leurs conditions de travail. La situation est devenue extrêmement délicate pour une grande partie des travailleurs italiens ».

La Rai se meurt

Les effets du melonisme commencent aussi à se faire sentir en termes de liberté de la presse et des médias audiovisuels. Depuis 2015, sous l’impulsion des sociaux-démocrates à l’époque, il est d’usage qu’après les élections le parti vainqueur nomme à sa guise les principaux dirigeants de la radio-télévision publique italienne. Arrivée en tête aux élections législatives de 2022, Giorgia Meloni ne s’est pas privée de ce privilège en nommant des personnalités inféodées à son parti aux postes stratégiques de la Rai.

Selon les syndicats de journalistes de la Rai qui s’expriment régulièrement depuis deux ans à ce sujet, le parti Fratelli d’Italia exercerait une pression constante sur les rédactions des chaînes Rai1, Rai2, Rai3 et RaiNews24 qui afficheraient désormais des lacunes journalistiques caractéristiques d’un média de propagande. Absence de débat contradictoire, longues interviews complaisantes de la cheffe du gouvernement et de ses alliés, traitement partiel des faits, hiérarchie de l’information biaisée, censure d’émissions historiques sont déplorées par de nombreux observateurs.

Un constat qui fait dire à Philippe Hensmans que « le contrôle de l’information et des médias tel qu’il se déploie aujourd’hui en Italie est catastrophique. Les procédures-bâillon s’ajoutent aux lois liberticides : vous risquez sept ans de prison aujourd’hui en Italie si vous bloquez un chantier avec lequel vous êtes en désaccord. C’est vraiment grave. Il y a une volonté de faire taire l’opposition et une volonté de l’empêcher de s’exprimer, une volonté par ailleurs de droitiser complètement la Rai. Il y a un énorme souci ».

Une inquiétude que le jeune libéral Arthur Martin ne partage pas : « Le vrai problème pour les personnes au sein de ces médias, traditionnellement de centre gauche, c’est simplement que Meloni est de droite. C’est de cela dont ils se plaignent. La représentation du pouvoir en place au sein de la Rai est la norme depuis 2015 et avoir des gens d’un certain bord politique dans le conseil d’administration d’un média public, parce que ce bord a remporté les élections, ça ne me choque pas ». Philippe Hensmans tient à nuancer ce point : « C’est vrai, mais la traduction en actes de cette loi de 2015 a été très différente d’un gouvernement à l’autre, passer d’un média public démocrate à un média d’extrême droite, c’est quelque chose qui doit interpeller ».

Julien Bal (1RCF Belgique)

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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