Aimer la paix, par Vianney LecointreDevant les maires de France réunis en congrès le 18 novembre dernier, le chef d’état-major des armées, le général Fabien Mandon, a prononcé un discours de plus de 30 minutes où il a mis l’accent sur le moment grave que nous vivons, face à la montée des comportements de prédation de grandes puissances comme la Chine et la Russie, à la déstabilisation de
l’Afrique notamment du fait du terrorisme djihadiste et au désengagement des Etats-Unis qui ne tiennent plus à assurer la sécurité de l’Europe.
Il pense que nous avons les moyens
collectifs en Europe de faire nous-mêmes face à ces menaces. Mais il s’est inquiété que nos
pays aient la force d’âme pour accepter de se faire mal pour protéger ce que nous sommes. Et
il a averti : « Si notre pays flanche, parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, (…)
de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production de défense par
exemple, si on n’est pas prêt à ça, alors on est en risque. »
Si l’émotion qu’a suscité une telle déclaration est légitime, on voudra bien considérer
qu’elle n’a rien de belliqueux, contrairement à ce que laissent entendre des polémistes de tout
bord, nostalgiques sans doute du régime soviétique et de la division de l’Europe en deux, ou
qui ont montré dans un passé récent leur proximité avec Poutine.
Je cite encore un autre général, Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre : « Le
rôle des armées françaises, aujourd’hui, c’est d’éviter que la guerre survienne. Nous ne sommes
pas en guerre, mais nous ne sommes plus en paix. » Peut-être en avons-nous d’autant moins
conscience que, face à l’expansionnisme russe, l’Ukraine fait actuellement rempart. Mais le
soi-disant plan de paix américain l’invite à reconnaître sa défaite. Alors qu’en sera-t-il demain,
si la Russie s’attaque à la Pologne ou aux Pays Baltes, dont l’espace aérien est déjà
régulièrement violé par de mystérieux drones ?
Permettez-moi, pour finir, de produire une nouvelle citation, datant celle-là de 1939, du
fameux philosophe français Raymond Aron, gaulliste de la première heure, éditorialiste au
Figaro du temps de la Guerre froide : « Face à des régimes qui déclarent que la force est la seule
raison, face à des régimes qui affirment qu'ils sont héroïques et que les démocraties sont lâches,
il me paraît dérisoire de parler perpétuellement de pacifisme, ce qui revient à enfoncer
davantage dans l'esprit des dirigeants fascistes l'opinion qu'effectivement les démocraties sont
décadentes. Quand on parle à des gens qui font profession de mépriser la paix, il faut dire que, si
l'on aime la paix, ce n'est pas par lâcheté. »