6 juin 2025
Un projet de loi qui manque à la solidarité envers les plus fragiles
La présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est déclarée satisfaite des débats qui ont permis l’adoption en première lecture par les députés d’un droit à l’« aide à mourir ». Elle les a trouvés extrêmement apaisés. Alors tant mieux si ces débats ont été respectueux des convictions de chacun, mais, pour ma part, je trouve qu’il n’y a pas du tout lieu d’être « apaisé », ce qui fait que je permets d’y revenir encore une fois dans cette chronique A vrai dire.
Notons d’abord que ce projet de loi est loin de faire consensus. Il n’a jamais bénéficié que de 305 voix pour, avec 199 voix contre et 57 abstentions. Alors que, s’agissant d’un tel sujet sur lequel le consensus est réputé difficile, les lois Leonetti avaient respectivement été votées à l'unanimité, ou quasi. Elles représentaient le meilleur équilibre possible, mettant l'accent sur l'accompagnement et le soulagement des personnes, s’opposant à tout acharnement thérapeutique. Il aurait fallu déjà les appliquer correctement. Alors que l’accès aux soins, notamment palliatifs et anti-douleurs, reste difficile, retardé, voire impossible dans beaucoup de régions, le risque est immense, si le processus législatif en cours allait à son terme, que des patients soient suicidés ou euthanasiés faute de soins appropriés.
Ce projet de loi met à mal au moins trois fondements essentiels de la vie en société : la solidarité vis-à-vis des plus fragiles, la prévention universelle du suicide et la confiance entre les soignants, les soignés et leurs proches. On peut noter qu’il ne s’agit plus du tout de fin de vie. Pour être éligibles, il suffit de présenter, je cite : une souffrance physique ou psychologique constante et d’être atteint d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, celle-ci se caractérisant par une aggravation de l’état de santé de la personne malade affectant sa qualité de vie. Ce sont des notions qui demeurent floues, mais en tout cas, il ne s'agit pas, ou plus, de fin de vie et des centaines de milliers de personnes seraient ainsi éligibles à la mort administrée. Le message qui leur est adressé est d'une violence insigne : « Votre vie ne vaut pas bien la peine d'être vécue et, dans votre cas, l'euthanasie peut être une option. Y avez-vous pensé ? » De plus, la décision finale reviendrait à un seul médecin et le délai est particulièrement expéditif. Enfin, les amendements proposant de pénaliser l'incitation à l’aide à mourir ont été rejetés, alors que l'on a au contraire instauré un délit d'entrave qui va à l’encontre de l’éthique des soignants et pourrait peser sur ceux qui voudraient dissuader leur proche d’y recourir.
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