L’ASBL Historia vient de déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour tenter de s’opposer à la destruction programmée d’une église dans le Hainaut. Pour quelles raisons détruit-on des églises ? La réaffectation résout-elle tous les problèmes ?
Cette semaine L’ASBL Historia a déposé un recours devant le Conseil d’Etat pour tenter de s’opposer à la destruction programmée d’une église dans le Hainaut. L’église Saint-Basile à Charleroi.
Cette démolition a été décidée récemment par la Ville de Charleroi. Les raisons sont avant tout financières : trop cher, pas de repreneur, trop compliqué de remettre en l’état cet édifice délabré.
Mais les raisons sont aussi urbanistiques : une volonté de réaménager la ville et de rendre les places publiques plus vivables, sans églises si besoin ; et avec des parkings à perte de vue si possible.
Et ça n’est pas une première dans le Pays noir. Il y a quelques semaines déjà, l’ASBL Historia avait mené une action similaire pour tenter de sauver une autre église carolo : l’église Saint-Eloi, désacralisée en 2019 et dont la destruction avait également été actée par la ville de Charleroi.
Et puis, si on remonte encore un peu plus loin dans le temps, en 2022 déjà, cette même association de défense du patrimoine avait tout fait pour annuler la destruction de l’église des Récollets en plein centre de Binche, une église dont la toiture avait été endommagée par le feu.
Dans ce cas-ci comme dans les autres, la population locale s’est évidemment opposée à tout projet de démolition.
Mais dans le chef des élus, des travaux coûtent de l’argent, les rénovations sont complexes et si on a une vision comptable des choses, alors on préfère démolir, c’est moins cher et ça permet d’imprimer plus facilement sa propre marque sur le territoire.
L’église Saint-Basile qui risque d’être rasée est une église néogothique de la fin du 19e siècle caractéristique de l’héritage industriel de Charleroi. Son clocher culmine à 65 mètres de hauteur et à l’intérieur on trouve un orgue qui a été classé en 2009.
Classé mais menacé de destruction… Cherchez l’erreur…
J’imagine que parmi les auditeurs et auditrices de RCF, personne n’est favorable à de tels projets de destruction.
Mais si on parle de réaffectation des édifices religieux à des fins culturelles ou même commerciales, là certains croyants sont tout aussi frileux.
Comment ne pas y voir un pas de plus vers la sécularisation et vers l’oubli des valeurs chrétiennes (se disent-ils) ? Et c’est un point de vue qui peut se comprendre…
Mais il faut quand même ouvrir le débat, car la préservation d’un bâtiment religieux, même commerciale, n’en est pas moins une préservation. Malgré tout… C’est une trace discrète, oui, mais une trace quand même laissée dans le présent.
En ces temps de disette budgétaire, parlons franchement, il y aura de moins en moins d’argent pour tout, y compris pour la préservation du patrimoine en Belgique.
Parfois, la seconde vie qui est offerte aux bâtiments religieux est tout à fait honorable, et l’âme des lieux est parfois préservée ; elle bénéficie même un peu à la nouvelle activité commerciale où culturelle qui lui est conférée.
On peut dresser une liste non exhaustive de transformations plutôt réussies :
_A Charleroi justement, l’ancien carmel néo-gothique de Mont-sur-Marchienne transformé en musée de la photographie.
_En France la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon transformée en lieu d’écriture et de recherche théâtrale.
_Ou encore l’IMEC, dans la banlieue de Caen, en Normandie, où les fonds d’archive les plus prestigieux de la littérature française sont conservés.
On peut aussi dresser, évidemment, une liste interminable de réaffectations beaucoup moins réussies :
_Des restaurants, des friteries, des bars ou des gites bling bling – notamment aux Pays-Bas –.
Mais il faut peut-être éviter là encore de trop s’armer de préjugés…
La réaffectation d’une église vaudra toujours mieux que sa démolition comme le prévoit la ville de Charleroi pour - selon le scénario du pire imaginé par l’asbl Historia - construire des parkings à perte de vue…
Accepter une affectation commerciale des églises en ruine n’empêche pas du tout de se battre pour qu’elles soient réaffectés intelligemment : dans le respect de leur histoire si leur préservation par les pouvoirs publics est trop chère et qu’un achat privé est la seule solution pour éviter la démolition.
Se battre pour que des églises ne soient jamais rasées, en Belgique comme ailleurs, c’est ça l’enjeu principal.
Qu’elles soient ou non transformées en musée, en théâtre, en fritkot ou en banque est un débat important, mais un débat secondaire…
J. B.
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