"L'or de la nuit" Irène Frain
Femme de Lettres, romancière et journaliste, Irène Frain
est née dans une famille proche du dénuement. Plus
jeune agrégée de lettres classiques de France, prix
Interallié 2020, elle est depuis son origine, jurée du prix
Louis Nucéra.
"L'or de la nuit" Irène Frain

Chronique de Jacques Plaine
IRÈNE FRAIN
L’Or de la nuit
Julliard
Femme de Lettres, romancière et journaliste, Irène Frain
est née dans une famille proche du dénuement. Plus
jeune agrégée de lettres classiques de France, prix
Interallié 2020, elle est depuis son origine, jurée du prix
Louis Nucéra.
Né en 1646 dans une famille de petits paysans picards, il
n’en avait pas moins fait de brillantes études au Collège
royal, appris le grec ancien, le latin et l’hébreu. Devenu
ambassadeur de France, il avait alors beaucoup voyagé -
Constantinople, la Macédoine, l’Asie mineure, la Syrie, la
Palestine, puis Smyrne. Deux fois Smyrne. Il avait fait
l’acquisition de manuscrits anciens, de médailles et d’objets
d’art, appris d’autres langues, le turc, le persan et l’arabe et
puis, à plus de cinquante cinq ans, s’était senti naître
traducteur.
« Il » c’est Antoine Galland. Ses traductions ? Des contes et
récits découverts à Alep. « Sauf que traduire n’était pas le
mot exact. Il traduisait-brodait. Traduisait-ornementait.
Traduisait-inventait. Coupait ici, allongeait là. Sans scrupule…».
Ainsi naquirent « Les Mille et une Nuit » sans s, devenues aujourd’hui « Les contes de Mille
et Une Nuits ». Des histoires que Schéhérazade racontait à son sultan de mari - lui qui
n’avait jamais digéré découvrir sa première épouse dans les bras d’un esclave – et ne lui en
dévoilait jamais la fin avant que la nuit s’achève pour qu’avide d’en connaître l’épilogue, le
voyou lui laisse la vie sauve.
Et c’est ainsi que « Les Mille et Une nuit » connurent un succès immense. « Galland
Galland-feignant-la-suite-vite-qu’est-ce-que-tu-attends-on-t’attend »
criaient
sous ses
fenêtres les lecteurs impatients, sauf qu’Antoine Galland - même s’il avait un peu inventé
Sindbad le marin, Ali Baba et les quarante voleurs, Aladin et la lampe merveilleuse et cette
mirifique carpette de tapis volant - s’inquiétait de manquer de textes et d’imagination pour
faire tourner « sa machine à raconter » et être en mesure de proposer de nouvelles
« Nuits » à la veuve Barbin sa libraire éditrice.
Arriva alors, alors et enfin, le Grand hiver. L’hiver 1709 où l’enfer est fait de glace. L’hiver où
les curés n’osent faire sonner les cloches de peur qu’elles se brisent et où certains matins
l’encre gèle au bout des plumes. L’hiver à la fin duquel Galland fera parler Hanna. Hanna
« l’Oriental », Hanna « le chrétien maronite », Hanna « le porteur de cage », Hanna « le
jeune homme », Hanna le valet de Lucas. Paul Lucas, un explorateur protégé de Madame.
« Le maître est muet, mais le valet bavarde » dit le proverbe. Galland en « bon alchimiste
de la plume, savait comment il changerait les récits d’Hanna en or des nuits ».


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