"Le secret des mères" Sophie de Baere
Une mère dans le coma. Une fille en quête de vérité. Des secrets de famille enfouis depuis des décennies. Sophie de Baere nous plonge dans une saga familiale poignante où les non-dits façonnent les destins.
"Le secret des mères" Sophie de Baere


Chronique de Jacques Plaine
Sophie de Baere – Le secret des mères – JC Lattès 21€50
Professeur de Lettres à Nice et écrivain, Sophie de Baere est lauréate du Prix des Maisons de Presse 2022 avec « Les Ailes collées ». Son dernier roman « Le Secret des mères » est un des trois finalistes du Prix Exbrayat 2025.
« Il y a des années que je n’ai pas posé les pieds dans cette gare. Je soupire. Il va encore falloir attendre un car, l’attendre longtemps, parce que dans ce trou paumé il y en a un toutes les morts d’évêque ».
C’est son frère - « la seule personne qui lui écrive encore » - qui l’a informée que leur mère était au plus mal « c’est une question de jours maintenant ». Et c’est pour ça qu’elle est là, dans « ce trou paumé » au cœur du Morvan.
Elle en était partie à dix-huit ans. Pour fuir, courir le monde, oublier. Oublier la ferme - la ferme du Maudit, oui du Maudit - les vaches, les chèvres, ce village où tous les regardaient d’un drôle d’air, son père, sa mère, son grand frère et elle, la petite dernière. Elle avait eu une sœur, Marthe, qui une nuit de 1969 avait disparu sans qu’elle en sache plus. Et elle lui en voulait encore à cette grande soeur, pensant toujours à ses deux vies, « cette vie vécue ici avec toi. Et puis sans toi ».
Ensuite, elle avait fait « toutes les bêtises possibles et imaginables » puis elle aussi était allée voir ailleurs. L’école normale de Dijon. Rome, deux lycées athéniens et aujourd’hui Aix-en-Provence où elle enseigne dans un collège.
Elle n’est pas là depuis trois jours qu’arrive ce qu’avait prédit son grand frère. Le coma a eu raison de sa mère. Cette mort les laisse désemparés. Tous les trois. Toilette mortuaire, mise en bière, enterrement « dans une fin de matinée blafarde » puis le soir tout le village se retrouve à la ferme pour un dernier adieu. « Un copain de papa a ramené son accordéon », on boit un coup, puis deux, puis un de trop et papa dit au maire « Me r’garde pas avec ces yeux-là » et l’autre lui lance alors, plus fort que nécessaire « Ton père, il ferait mieux de dire la vérité à Colette au lieu de remuer la merde de autres ».
Depuis, Colette veut savoir. Savoir pourquoi son père et son frère se défilent quand elle pose des questions, savoir pourquoi son nom est gravé sur le caveau familial depuis 1943, savoir où est enterrée la petite Ada, qui était ce « Petit Paris » qui jadis couchait avec les cochons, savoir aussi ce qui s’est passé dans ce maudit Maudit un 21 juillet 1969 à l’heure où Armstrong faisait le cake sur la Lune. Elle veut savoir, Colette, elle veut savoir et elle saura. Et elle saura tout et même le reste.


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