Aujourd’hui, Guillaume Goubert revient sur la façon dont le pouvoir nazi s’est attaqué aux artistes.
Il y a une semaine, à ce micro, Simon de Monicault vous parlait d’une exposition consacrée à des artistes qui ont combattu le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce matin, je vais vous parler de la manière dont le pouvoir nazi s’est attaqué aux artistes dix ans plus tôt. Le musée Picasso à Paris y consacre une passionnante exposition intitulée : « L’art dégénéré – le procès de l’art moderne sous le nazisme ».
Art dégénéré, en allemand Entartete Kunst, c’est ainsi qu’Hitler ou son ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, désignaient la peinture de Vincent Van Gogh, Pablo Picasso, Marc Chagall, Vassili Kandinsky, Paul Klee et, bien sûr, les peintres expressionnistes allemands et autrichiens : Oskar Kokoschka, George Grosz, Otto Dix, Emil Nolde. Ce sont des œuvres de tous ces peintres que l’on peut voir sur les murs du musée Picasso. On éprouve à la fois un fort sentiment esthétique et quelque chose comme de la colère ou de la consternation en repensant à la manière dont ces œuvres ont été traitées entre l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 et la chute du nazisme en 1945.
Le but des nazis était de promouvoir un art conforme à une certaine idée de la race allemande et donc d’éliminer tout ce qui pourrait menacer sa pureté. D’où l’hostilité aux œuvres d’artistes désignés comme malades mentaux, juifs ou bolcheviques, accessoirement aussi comme des voleurs. Il y a, dans l’exposition, un impressionnant tableau de Chagall qui avait été acquis en 1928 par un musée allemand. En 1933, la toile fut promenée dans les rues de la ville avec ce panneau : « Vous qui payez des impôts, vous devriez savoir où votre argent est dépensé. »
J’utilisais tout à l’heure le terme malades mentaux. Ce terme, les nazis l’entendaient au sens le plus strict. L’exposition montre des dessins d’une artiste, Elfriede Lohse-Wächtler, qui fut internée à la suite d’une dépression nerveuse. Elle a été stérilisée puis euthanasiée dans le cadre du programme Aktion T4, visant à exterminer les handicapés physiques et mentaux.
Au passage, un regret : l’exposition ne montre aucun exemple d’art nazi. La comparaison aurait sans doute été éclairante.
L’ampleur de cette politique contre les artistes est considérable ! D’abord sur le terrain de la propagande. Des expositions, qui se voulaient humiliantes pour les artistes désignés comme dégénérés, ont été organisées à travers toute l’Allemagne. Celle de Munich, en 1937, aurait reçu environ deux millions de visiteurs.
Plus de 1 400 artistes ont été stigmatisés, privés de leurs postes d’enseignants, interdits d’exposer, contraints à l’exil. Plusieurs sont morts dans les camps. Une vingtaine de milliers d’œuvres ont été retirées d’une centaine de musées allemands. Beaucoup ont été vendues, d’autres ont tout simplement disparu. Des recherches se poursuivent encore aujourd’hui pour en retrouver la trace.
Cela arrive parfois de manière très inattendue. L’exposition s’ouvre sur la présentation de quatre fragments de statues très endommagées mais bien identifiables. Ces morceaux ont été retrouvés en 2010 lors du percement d’une ligne de métro à Berlin.
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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