Gérard Georges - Les soeurs Chazelle
Gérard Georges
" Les sœurs Chazelle " (Éditions des Monts d'Auvergne)
Ambert, première moitié du 20e siècle. Les Chazelle survivent dans leur ferme où Emma, la mère, vient de mourir.
Auprès du père, la sœur ainée prend en mains les rênes de l'exploitation, et la timide Myette s'engage dans une usine de fabrication de chapelets et devient une « patenôtrière ».
Alors que la Seconde Guerre mondiale se termine, Ambert, célèbre dans le monde entier pour ses chapelets prendra une importance croissante dans la société.
Gérard Georges - Les soeurs Chazelle
La chronique de Jacques Plaine
Gérard Georges – Les sœurs Chazelle – Editions des Monts d’Auvergne 19 €
Né à Montbrison, ancien professeur de Lettres puis Principal de collège à Ambert, Gérard Georges
est aujourd’hui journaliste de radio et écrivain. Auteur de plus de quarante ouvrages, membre de
l’Ecole Romanesque d’Auvergne, il a créé en 1993 le Prix Lucien Gachon.
Une ferme à Ambert après la Der des Ders.
Trois sœurs : Léontine, vingt ans, au four et au moulin, aux écuries et à la cuisine, chef de famille
depuis que maman est morte, Thérèse, huit ans, dont la mise au monde a causé ce décès et Myette
qui aujourd’hui - et pour la première fois de sa jeune vie - prend le chemin de l’usine. A la ferme le
père est encore là, toujours entre deux vins, sinon trois - c’est sa façon de faire son deuil - quant au
petit frère, pourquoi en parler puisque lui-même n’ouvre jamais la bouche, si ce n’est pour se rendre
insupportable.
Une ferme à Ambert. Ambert, capitale du papier du même nom, papier fabriqué dans quatre cents
moulins et aussi capitale de la fourme depuis qu’un certain Jules César s’en est payé une tranche
devant Gergovie. Ambert, ville de naissance d’Henri Pourrat, d’Alexandre Vialatte et de notre ami
Jean Claude Mourlevat. Ambert, où les copains de Jules Romains ont tourné en rond comme des
derviches autour de la mairie elle aussi ronde comme la plus ronde des fourmes. Ambert, où les
femmes, toutes ou presque, passaient et passent encore leurs soirées à enfiler des perles.
En c’est justement dans une manufacture de chapelets et de scapulaires que la petite Myette aussi
discrète que timide fait aujourd’hui son entrée. A quatorze ans et comme petite, toute petite main.
Le temps passera, il passe toujours le temps, elle prendra de l’assurance et le grand patron lui
proposera de sauter le Rubicon, de passer de simple ouvrière à directrice des ventes.
Une promotion qui la fera grandir, prendre de l’assurance, mais tomber amoureuse du pire salopard
de la commune. Premier baiser suivi le même jour – tout va très vite par là-haut - par le grand frisson
entre deux draps. Avec, un mois plus tard, la découverte - mais comment pouvait-il en être
autrement - d’un problème difficile à gérer pour une gente demoiselle, directrice d’une entreprise
qui vend partout dans le monde, Vatican compris, le Bon Dieu en grains et ou boucles, en rosaires et
en chapelets, en perles de bois, d’os, d’ivoire, d’ambre et de jais.
Ensuite on en verra de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres. On verra même le bon
docteur épouser une trayeuse de vaches, et comme Thiers – autre sous-préfecture du département -
est à deux pas, la plus sorcière des Ambertoises remplacer son chapelet par un couteau de cuisine.


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