Parents : vers qui se tourner quand ça ne va plus avec ses enfants ?

"Je les sens un peu déboussolés !" C’est ainsi que le Pr Duverger qualifie les parents venant en consultation. "Ils sont à la fois plus avertis, peut-être même surinformés et plus ouverts, mais en même temps, un peu perdus et anxieux, avec plein de questions et de doutes." Pourquoi cette instabilité ? Pour le pédopsychiatre, la réponse tient en deux mots : la peur du conflit. "Comme si le danger, c’était de ne plus être aimés. Or dire non, ce n’est pas le soumettre à une forme de pouvoir, mais le protéger." Surtout pour le praticien, en matière d’éducation, "On est passé ces dernières années de l’enfant bien élevé, poli, à l’être épanoui, que tout soit fait dès sa naissance pour qu’il soit heureux."  Et donc ne pas le contrarier. "Mais est-ce que c’est celui qui achète tout à son enfant qui va le rendre heureux ou est-ce que c’est simplement une question d’amour. Il faut trouver un équilibre."

Une violence inexpliquée

Des parents désorientés, mais des enfants aussi en perte de repères, déconnectés de la réalité et qui, pour certains, n’arrivent pas eux-mêmes à expliquer leur comportement. En témoigne le drame de Nogent, le 10 juin dernier où un ado de 14 a poignardé à mort une jeune surveillante lors d’un contrôle des sacs mené par la gendarmerie. Un élève qui pourtant "ne présentait pas de troubles mentaux particuliers."  d’après la Ministre de l’Education Elisabeth Borne, rendue sur place. Une déconnexion de la réalité, renforcée par les écrans et les réseaux sociaux, "qui concerne de plus en plus de jeunes." constate le Pr Duverger "et qui vont passer à l’acte de façon imprévisible." Une incompréhension bien mise en évidence dans la série anglaise "Adolescence" diffusée sur Netflix, portant sur un collégien ayant tué une camarade à coups de couteaux, sans prendre conscience de la gravité de son acte. Un programme qui pourrait d’ailleurs servir de support pédagogique en France dans les classes de 4e.

Une ligne d'écoute, mais pas seulement

Mais sans aller aussi loin, vers qui se tourner quand on se sent dépassé en tant que parent ? Une première piste : contacter "Allo parent en crise". Mise en service en mars 2020 au moment du Covid, cette ligne téléphonique anonyme et gratuite se veut à la fois une écoute, une information et une orientation. Au bout du fil, 25 professionnels, dont dix psychologues, répondent aux appels. Les motifs sont divers : "Les conflits parents- enfants reviennent très régulièrement." détaille sa responsable Carole Wiart, "suivis par les situations de mal-être des enfants ou adolescents pour lesquels les parents s’inquiètent. Egalement les relations intra familiales, notamment dans le cas de familles recomposées et puis les questions éducatives plus légères, comme cette mère s’inquiétant pour son nourrisson ayant de la fièvre à cause de ses dents : qu’est-ce que je peux faire pour le calmer ?"  Pour autant, pas de jugement, ni de conseils tout faits, mais explique-t-elle, "un accueil des émotions, une aide à prioriser ses actions en cas de problèmes multiples et orienter vers une structure ou service adapté."

La médiation familiale pour renouer le lien

Parmi ces orientations, la médiation familiale. Un espace neutre pour rétablir le lien et la communication en cas de conflits. Mais là aussi, pas question de jouer les arbitres. "On ne donne pas de conseils parce que les personnes sont expertes de leur situation, donc ce sont elles qui ont les compétences pour trouver des solutions." précise Cécile Chamard, l’une des médiatrices dans son service d’Ille et Vilaine. "Nous, on est là pour faire circuler la parole et que chacun puisse exprimer son vécu, son ressenti de la situation." Si la demande provient généralement des parents, les enfants peuvent aussi initier le processus. Et Cécile Chamard de citer l’exemple de ces trois garçons qui ont convié leurs parents en pleine rupture conjugale, "avec le sentiment qu’ils devaient choisir entre leur père ou leur mère, que cela avait des effets sur leurs vies d’adolescents et donc chercher des solutions pour établir un nouvel équilibre."

Une aide pas toujours facile à demander

Cela dit, demander de l’aide quand ça ne va plus, la démarche n’est pas aussi évidente. "Quand on est en difficulté, on vit dans un sentiment de honte, de culpabilité, de dévalorisation et d’échec et une grande solitude." analyse le Pr Duverger. Un soutien qui peut être aussi être différé, selon Carole Wiart, responsable d'Allo parents en crise : "Il y a des parents qui ont pris notre numéro à un moment de crise aiguë et qui l’ont mis de côté quand les choses se sont apaisée. Mais mettre en mots des situations difficiles, douloureuses, comme tout travail sur soi, ça nécessite d’être disponible, disposé à…  et ça peut prendre du temps."

Reste la tentation de baisser les bras. "Il faut au contraire en tant que parents résister aux attaques, aux moments difficiles." soutient le pédopsychiatre "Et se faire accompagner quand on n’y arrive pas, face à des jeunes qui ont des qualités, des ressources et leur faire confiance." Enfin, oublier le mythe du parent idéal. Comme le soulignait l’écrivaine et influenceuse Sandrine Fillassier, "Les parents parfaits existent. Mais ils n’ont pas encore d’enfants !"

Pour aller plus loin : 

"Qui commande ici : conseils aux parents d’enfants tyrans" par Philippe Duverger et Marcel Rufo. Editions Anne Carrière- 2018

"Allo parents en crise " 0805 382 300 Ligne téléphonique d’écoute, d’information et d’orientation. Numéro vert gratuit joignable de 10h à 13h et de 14h à 17h du lundi au mercredi et le jeudi et vendredi de 10h à 13h

APMF site de l’association pour la promotion de la médiation familiale : https://www.apmf.fr/

Et le hors série de l’Ecole des Parents et des Educateurs consacré aux "Parentalités abîmées" suite au colloque organisé en Octobre 2024 par la Fédération Nationale des Ecoles des Parents et Educateurs. https://ecoledesparents-federation.org