Si les mères sont souvent célébrées avec affection, il n’en est pas toujours de même pour les belles-mères. Mais d’où vient cette image encore négative ? Quelles sont les sources de conflits, plus particulièrement avec les belles-filles ? Et surtout, comment enterrer la hache de guerre et retrouver un peu de sérénité ? Des clés pour comprendre et réagir avec Virginie Megglé, psychanalyste, auteure de "Entre mère et fils" aux éditions Eyrolles et Stéphanie Broch-Martens, écrivaine conférencière, auteure du guide "Belle-mère belle-fille : comment bâtir une relation épanouie"
"Intrusive, omniprésente, envahissante, jalouse, possessive " ... Autant d'adjectifs plus ou moins aimables qui collent encore aux belles-mères. Mais d’où vient cette mauvaise réputation ? "Ce sont les gendres qui ont commencé." explique Stéphanie Broch Martens. "Il était coutumier pendant longtemps que les hommes s’installent chez les beaux-parents avec leurs épouses. Du coup, la proximité était énorme et ils devaient faire avec au quotidien." Mais suite à Mai 68 et à la libération de la parole, les belles-filles ont pris le relais, dans un climat beaucoup moins bienveillant. Et pourtant, des super belles-mères, ça existe aussi. "Mais c’est comme les avis google" souligne avec malice l’écrivaine. "On est beaucoup plus dithyrambique quand ça ne va pas !"
Mais comment naissent les tensions, côté belle-mère ? Souvent, par un sentiment de dépossession, à savoir le fameux "Elle m’a volé mon fils" attribuée à la nouvelle venue, considérée comme une rivale. Un ressenti d’autant plus fort si la mère a tout misé sur la relation avec son fils au détriment de son propre couple et n’a donc pas envie de partager l’enfant chéri. "C’est ma propriété," analyse la psychanalyste Virginie Megglé. "Mais en jouant sur les mots, voler signifie aussi n’être pas capable de le voir voler de ses propres ailes. Alors qu’en tant que mère, il s’agit vraiment d’accepter de le perdre pour ne pas le perdre. Et un fils qui se sentira libre d’aller aimer en dehors de sa mère, il lui reviendra avec bonheur parce qu’une mère, c’est éternel."
Une concurrence affective qui peut aussi être mal vécue par la belle-fille. Or, si le fils est l’objet d’amour pour les deux femmes, la nature de cet amour n'est pas la même : maternelle d’un côté et conjugal de l’autre. Une différence à bien saisir. "Avant, quand je n’en pouvais plus, je disais à mon mari : c’est elle ou moi." confie Stéphanie. "Or ce lien maternel est d’abord beaucoup plus ancien, il est inconditionnel et éternel et on n’est pas du tout sur le même terrain. Et c’est vraiment lorsque j’ai été maman à mon tour que j’ai pu le comprendre." Ce que confirme une auditrice : "Ce n’est pas la même histoire : j’ai toujours été respectueuse du choix de mes fils et n’ai jamais eu envie de diriger leur vie. Il faut que les belles-filles le comprennent aussi."
Le fils, justement : quelle position adopter entre les deux femmes de sa vie ? On le considère toujours entre le marteau et l’enclume, déchiré par un conflit de loyauté. Une position de victime que refuse Virginie Megglé : "Ce n’est plus un petit garçon !" s’insurge la psychanalyste. "Et j’invite ces garçons qui vont devenir mari ou père à assumer leurs nouvelles responsabilités. Et de ne plus avoir peur de perdre sa maman, à s’inventer dans un devenir différent." Avec la priorité de protéger son couple. D’où ces trois règles édictées par Stéphanie dans son guide à partir de sa propre expérience : ne jamais revenir avec sa mère sur une décision prise en commun dans son couple, ne tolérer aucune critique de sa part devant son épouse et éviter de lui parler de ses problèmes conjugaux !
Reste que si les ouvrages sont nombreux pour apprendre à être parents, très peu expliquent comment se préparer à être belle-mère ou belle-fille. Et l’incompréhension peut provenir d’une différence de milieu, d’éducation, de culture. Stéphanie en a fait les frais en se voyant offrir un jour un cadeau non emballé, avec le prix dessus et "soldé en prime", alors qu’elle était habituée enfant à tout le contraire. Une façon différente de fonctionner, qui n’était pas du mépris ou de l’impolitesse. D’où ce conseil de préparation : observer, s’adapter sans juger pour éviter les futurs malentendus. Et de bien garder en tête "qu'une belle-mère ne sera jamais votre maman tout comme votre belle-fille ne sera jamais votre fille."
Mais comment retrouver des relations plus apaisées en cas de conflit ? La solution tient en un mot : "communication", à savoir "créer des espaces d’échange, de paroles, où on ne soit pas dans le règlement de compte ou l’émotion et ouvrir le dialogue." estime Virginie Megglé. Une démarche que Stéphanie Broch Martens entend bien suivre pour ses futures belles-filles : "Proposer des rendez-vous ponctuels où on n’est que toutes les deux, sans les enfants, ni dans la préparation d’une réunion de fête de famille et de formuler nos besoins pour se sentir bien."
Et si l’intéressée refuse ces rencontres ? "On peut insister une fois" déclare la conférencière "Et sinon, faire un chemin de deuil. Nos besoins sont incompatibles, diamétralement opposés et donc finir par l’accepter. Elle est qui elle est, je suis comme je suis et au fond, ce n’est pas grave. ». En bref, belle-mère et belle fille, une page blanche à écrire ensemble, en espérant ne pas la tourner trop vite !
Pour aller plus loin :
"Entre mère et fils : comprendre ce lien si particulier et le réinventer à chaque étape de la vie" par Virginie Megglé, psychanalyste spécialisée dans les relations familiales et les dépendances affectives. Un livre qui passe en revue les moments forts qui marquent cette relation, du désir d'enfant au mariage, enrichi par de nombreux témoignages. Editions Eyrolles Poche - 2024
"Belle-mère belle- fille : Comment bâtir une relation épanouie avec la femme de mon fils ou la maman de mon chéri! " par Stéphanie Broch-Martens, écrivaine et conférencière. un guide pratique conçu à partir des 29 ans d'expérience de l'auteure en tant que belle-fille et pour mieux comprendre ce qui se joue entre le trio, avec de nombreuses fiches pratiques en fin d'ouvrage. A commander directement sur Amazon ou dans les librairies Siloë de Nantes et Angers. Podcasts à retrouver aussi sur le site : https://bmbf.fr/
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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