Tik Tok, Instagram, les jeunes ont abandonné les médias traditionnels pour s'informer
Sera-ce le grand chantier de la fin de quinquennat d'Emmanuel Macron ? Mardi 28 octobre, en présence de 200 experts et acteurs de terrain réunis à l'Élysée, le chef de l'Etat a sonné l'alarme contre les réseaux sociaux et leur toute puissance, notamment auprès de la jeunesse. Entretien avec Stéphane Blocquaux, docteur en sciences de l'information et de la communication, et intervenant auprès des établissements scolaires catholiques de Savoie et de Haute-Savoie.
©WikipédiaD'abord, un paradoxe. Comment est-ce qu’un président de la République peut appeler à l’urgence d’agir contre ces réseaux sociaux qui se développent "sans contre pouvoir", et en même temps, promouvoir l’IA, et annoncer, en février 2025, la levée de 109 milliards d’euros d’investissements pour développer l’intelligence artificielle ?
Stéphane Blocquaux : Cet appel à sauver la démocratie est étrange de la part d'Emmanuel Macron. Il faut avant tout sauver nos enfants des réseaux sociaux, et protéger les mineurs des algorithmes destructeurs. Il ne s'agit pas de résistance, mais d'éducation. Installer des contre algorithmes aux algorithmes des réseaux sociaux, pose la question de la censure.
Vous appelez les députés à faire preuve de courage, en interdisant l'achat et l'utilisation d'un smartphone à tout mineur de moins de 15 ans...
S.B : Bien sûr ! On s'attaque souvent au contenu, mais jamais au contenant. On s'est posé la question pour savoir si un mineur de 14 ans pouvait conduire un scooter. La réponse a été non. Je demande la même chose pour l'usage du smartphone. Un enfant de 7, 8 ans ne peut pas s'informer seul, surtout quand les parents ont perdu le contrôle, comme c'est souvent le cas. C'est une question qui mériterait d'être étudiée sérieusement. A la place, on dit il faut réguler les plateformes. Ca ne fonctionne pas !
Là où les réseaux sociaux sont dangereux, c’est quand des organisations terroristes s’infiltrent sur TikTok ou Instagram. Il existe des vidéos provenant de la mafia italienne, des cartels de drogue mexicains, qui génèrent des millions de vues et des revenus publicitaires, et qui sont un véritable outil de recrutement. D’où ma question : qu’est ce que la République a à offrir à cette jeunesse désœuvrée tentée par de l’argent facile ?
S.B : Il faut que les jeunes bénéficient d'une véritable éducation aux ravages de la désinformation. L'IA est omniprésente sur les réseaux sociaux. Au sein de l'Education Nationale, il y a déjà de l'éducation aux médias. Mais le nombre de médias a explosé, les canaux d'informations ne sont plus les mêmes. Le programme d'éducation aux médias n'est plus adapté aujourd'hui. Il faut donc renforcer ces programmes, former les enseignants, et aider l'Education Nationale à mettre en place des programmes adaptés. Les documentalistes ont un vrai rôle à jouer. C'est compliqué de faire lire un livre aux jeunes d'aujourd'hui.
Les jeunes n'ont plus confiance aux médias traditionnels
Il faut reconquérir le terrain ?
S.B : Bien sûr ! Les radios, les chaines de télévision, les médias traditionnels doivent reprendre de la crédibilité, et cesser d'être des outils instrumentalisés soit par des gouvernements, soit par des industriels. Les jeunes ne sont pas idiots. Ils voient bien que cette démocratie n'a plus rien de démocratique, à partir du moment où l'appareil médiatique n'appartient plus qu'à des intérêts personnels, et ne sert plus qu'à des intérêts personnels.
Stéphane Blocquaux est l'auteur de "Le Biberon Numérique : le défi éducatif à l'heure des enfants hyperconnectés" et "Le cybersexe : ce virus qui tue dès l'enfance" aux éditions Artège.


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