Après les Républicains il y a moins d'un mois, c'est au tour du parti socialiste d'élire leur premier secrétaire. Deux candidats, Olivier Faure et Nicolas Mayer Rossignol. Le gagnant aura fort à faire pour relever le parti et affronter les sujets politiques du moment : scrutin à la proportionnelle poussé par François Bayrou et référendum agité par Emmanuel Macron. A droite, l'agenda est chargé aussi pour Bruno Retailleau qui s'oppose à François Bayrou sur le sujet de la proportionnelle. Pour parler de ces sujets, Benjamin Morel analyse la situation politique en France.
Benjamin Morel, constitutionnaliste et maitre de conférences à Panthéon-Assas, décrypte les tensions politiques françaises. Pour l’auteur du Parlement, temple de la République, ce ne sont pas que des divisions partisanes mais le fonctionnement de la démocratie qui est en jeu.
Ce jeudi 5 juin, les adhérents au parti socialiste élisent leur nouveau premier secrétaire. Nicolas Mayer, maire de Rouen, candidate contre Oliver Faure, l’actuel secrétaire. Il entend restaurer l’influence d’antan du PS qui ne comprend plus que 40 000 adhérents. Benjamin Morel décrypte la perte d’influence d’un parti autrefois central en compétition avec Les Républicains, dans une Assemblée Nationale bipartisane. C’était des « partis qui attrapent tout, » explique-t-il. Il décrit ces identités politiques comme maintenant « relativement minoritaires et décorrélées des habitudes de vote ».
Ainsi, l’électorat serait recomposé autour de deux clivages plus thématisés: à gauche autour des sujets économiques et politiques tandis que à droite concernant l’immigration, selon l’enquête Toluna Harris effectuée pour La France Insoumise en 2024. « Les identités politiques sont réduites à un strict minimum » affirme-t-il. Les alliances électorales illustrent la fragilité des blocs politiques. « Ces coalitions, estime-t-il sont devenues structurelles et structurantes » mais ne mènent pas à des majorités solides. Ainsi Benjamin Morel affirme qu’un socialiste élu sous la coalition du Nouveau Front Populaire serait « mort » s'il candidatait contre un représentant de LFI.
Nous sommes en crise politique.
La situation est révélatrice d’une crise plus large. Le constitutionnaliste constate que le Parlement ne peut voter que « quelques petites propositions de loi » et n’arrive pas à voter un budget. « Dans ce cas-là, nous sommes en crise politique, » conclut-il. Le gouvernement est ainsi vulnérable, en « incapacité à mener des politiques publiques ».
Face à cette instabilité, le retour de la proportionnelle est régulièrement évoqué comme solution. Mais Benjamin Morel met en garde : les modes de scrutin doivent être analysés comme des « instruments », ils ne sont pas forcément la source de blocage ou la solution miracle. Il estime que l’introduction d’une dose de proportionnelle doit être équilibrée afin de balancer représentativité et gouvernabilité. « Il y a 50 à 80 formes de proportionnelle », rappelle-t-il. Le seuil électoral représente un outil crucial pour choisir parmi elles. Aux Pays-Bas, il est de 1 %, contre 5 % en Allemagne ou au Parlement européen. Paradoxalement, le Parlement français, sous scrutin majoritaire, est plus fragmentée avec 11 groupes à l’Assemblée, contre 6 dans les institutions européennes. Benjamin Morel constate que la durée de vie des gouvernements est similaire entre les pays. La fragmentation politique française n’est pas qu’une affaire de scrutin mais aussi de culture politique et électorale. « On vit une crise de la démocratie qui est beaucoup plus profonde, » explique-t-il.
Il y a 50 à 80 formes de proportionnelle.
Les partis politiques au sein du Parlement sont divisés sur la question. Chez les Républicains, il y a une division au sujet de l'utilisation de la proportionnelle : alors que cela favoriserait les LR en nombre, cela impacterait les députés candidats des départements de faible démographie qui n’aurait que peu de chances d’être élus. « On a des jeux de calcul », explique Benjamin Morel.
Quant au référendum il suscite tout autant de divisions. Sous la présidence d’Emmanuel Macron, il est marginal car l'article 11 est « mal rédigé » estime Benjamin Morel. Il permet de consulter les électeurs sur de nombreux sujets mais élargi en 1995, il exclue les possibilités liées au pénal et au civil, en lien avec les motivations politiques de la gauche sur la peine de mort et de la droite sur l’immigration à l’époque.
Selon le professeur de Panthéon-Assas, le Président de la République « bute sur l’instrument » car « les textes qu’il aurait voulus sont soit constitutionnels soit sortent du champ du referendum », comme l’idée d’une régulation des écrans. Benjamin Morel estime que le chef de l’état est persuadé que le « referendum est forcément un plébiscite contre le chef de l’Etat ». Ce que le constitutionaliste dément en se basant sur le référendum de Chirac en 2005 où les Français ont voté sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe et non contre le Président. « Hantise qu’il n’a pas lieu d’être », affirme-t-il.
La Constitution n'est pas parfaite mais on peut l'améliorer.
Benjamin Morel reconnait que la Constitution « n’est pas parfaite ». Il affirme qu’il n’y a « pas besoin de passer à la VIe, on n’a pas besoin de grande révolution » mais « on peut l’améliorer. »
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