En cette période particulièrement éprouvante de l’actualité où les conflits ne cessent de se développer, hier dimanche restait pourtant un moment d’affection à ne pas rater, il s’agissait bien sûr de la Fête des pères. « Père », quel joli mot ! Jean Pruvost nous raconte d’où il vient.
Il ne faut pas en effet oublier ce mot si simple pas plus que ses hypocoristiques. Que sont les hypocoristiques ? Ce sont depuis 1893, les mots exprimant une intention affectueuse comme « mon petit poulet », « mon fifils » ou « ma fifille à moi… » Et pour le père, le papa, existe le « papounet ». Pas question bien sûr d’évoquer la « fête des papounets ». Construit sur papa avec le diminutif « -oune, », on retrouve assez souvent
« papounet » en littérature, et notamment dans la littérature de jeunesse, par exemple avec Guido Van Genechten, auteur en 1998 de « Mon papounet » où je lis « Mon papounet c’est le plus gentil des papounets de
la terre. C’est mon papa. » Tout est dit. Alors revenons au mot « père », comme pour beaucoup de mots intenses, on peut ici remonter à une racine indo-européenne il y a sept mille ans ayant donc précédé le latin et le grec et on retrouve pater comme en latin. En fait, à mieux y regarder, par exemple Jupiter, signifie « père des dieux », construit sur piter, pater, père, et deiew, dieu, en indoeuropéen. C’est toujours cette racine indoeuropéenne et le latin « pater » qu’on retrouve dans vater, en allemand, father en anglais, fader, en suédois. L’orthographe française, en partant du latin « pater » ne s’en fixera pas tout de suite et c’est d’abord le « paire gloriae », glorieux, écrit alors p a i r e qui fait son apparition au X e siècle, avec une orthographe qui surprend. En 1100, on retrouvera Dieu perre, p e r r e dans la Chanson de Roland, et ce ne sera qu’au XII e siècle que se fixera l’orthographe actuelle, toute simple du père, dans ses quatre syllabes. Pour l’heure, il s’agit du père divin, dans le droit fil du latin chrétien qui avait ajouté ce sens religieux au latin classique pater, « celui qui engendre », « le fondateur », ou encore « l’homme âgé ». Au XIII e siècle, c’est Adam qui est mis en scène, mais cette fois-ci, en évoquant « nostre premier père » et il est donc bien ici question d’un homme ayant une descendance.
Et puis il y a un moment où le mot « père » rentre dans les dictionnaires et c’est parfois amusant. Un père a des devoirs, avertit César de Rochefort, juriste qui a fait ses études à Rome, et qui rédigea un Dictionnaire général, publié en 1685. Que nous dit-il ? Qu’« il y a plusieurs peres & meres qui ressemblent aux Austruches », insiste-t-il. Pourquoi ? Parce qu’ils « jettent leurs œufs sur le chemin sans les couver ». Belle leçon de morale ! Au passage, constatons alors l’absence d’accent sur le e de pere. Littré le rappelle en effet : au XVII e siècle « on prononçait pére ».
Et puis il y a le mot « papa » ? Eh bien oui, il est attesté pour la première fois en 1256. Et voici en 1680 la définition donnée dans le Dictionnaire de Richelet : « Papa. Terme d’enfant qui veut dire père. Papa mignon. » Exemple délicieux ! Et puis il y a aussi es définitions de mots croisés,
nombreuses. Par exemple : « un homme à la mère. » Ou, inélégant mais drôle : « mâle de mère ». Et en forme de devinette : « Beau avant d’être grand », on est en général beau-père avant d’être grand-père. Et voici la dernière définition : « Peut être gâteau », eh bien oui c’est notre papa gâteau. A qui on a pensé bien fort hier.
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !
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