Ce mercredi 11 juin s’ouvre la phase complémentaire de Parcoursup, la plateforme d’accès à l’enseignement supérieur. Partout en France, des milliers de lycéens encore sans affectation attendent toujours une réponse, souvent dans l’inquiétude. Face aux critiques, le recteur de l’académie de Grenoble défend un accompagnement individualisé, tandis que le syndicat étudiant UNEF dénonce une sélection sociale croissante.
Devant le portail de la cité scolaire Stendhal, dans le centre-ville de Grenoble, Safwane discute avec ses amis. Comme beaucoup de lycéen de terminal, il a vécu la première phase de Parcoursup dans l’attente, l’incompréhension, et une certaine résignation :
J’ai mis 11 vœux, mais il n’y en a que 7 qui ont été pris en compte. Trois ont été acceptés, mais franchement, j’en ai rien à faire… La langue arabe à Toulouse ? C’est pas fou.
Lui, qui espérait une école de cinéma, se retrouve classé 1378e en liste d’attente. Bien qu’en s’accrochant à la phase complémentaire, Safwane plaisante : « Cet été, il faut que je perce sur YouTube… sinon je ne vais rien faire de l’année prochaine. »
Face à ces situations, le recteur de l’académie de Grenoble, Philippe Dulbecco, défend un dispositif perfectible mais réactif. En déplacement au lycée Stendhal, il assure que les équipes pédagogiques restent mobilisées jusqu’à mi-juillet.
« Ce qu’il faut dire aux élèves, c’est que ça va bien se passer. Comme l’année dernière. »
Devant une quarantaine d’élèves, il répond aux questions et rappelle l’existence de commissions académiques personnalisées, réunies en dernier recours si un ou une candidate se retrouve sans affectation à l'issue des phases complémentaires : « Élève par élève, on regarde les choix initiaux et on trouve une formation cohérente. » Pour lui, la plateforme n’a rien d’un entonnoir algorithmique : « Je ne connais aucun responsable de formation qui se base uniquement sur un algorithme. Ce n’est dans l’intérêt de personne. »
Une vision qui contraste parfois avec les ressentis. Car si certains élèves s’y retrouvent, un tiers des candidats, selon un rapport du ministère de l’enseignement supérieur, sont encore sans réponse après la phase principale.
Pour Basile Prico, étudiant en philosophie et trésorier du syndicat étudiant UNEF Grenoble, Parcoursup est bien plus qu’un outil d’orientation : c’est un système de sélection sociale. Il évoque des propositions de formation lointaines, coûteuses, parfois absurdes : « On te propose socio à Rennes alors que tu vis à Grenoble. Tu n’as pas les moyens, tu n’en as pas envie. »
Et selon l’UNEF, ces difficultés touchent toujours les mêmes : les étudiants précaires, les étrangers, les jeunes issus de quartiers populaires.
Les sans-fac, ce ne sont pas que ceux qui n’ont rien. Ce sont ceux qui n’ont que des vœux poubelles. Il y a un vrai travail à faire dans les lycées pour dire aux jeunes : tu es légitime, tu peux faire ces études.
Chaque année, le nombre de candidats augmente… mais pas le nombre de places. Pour l’UNEF, les difficultés d’affectation sont le reflet de choix politiques : « Moins de budget pour l’université, c’est plus de sélection. Et derrière, le patronat récupère cette main d’œuvre. »
Depuis ce 11 juin, les candidats peuvent formuler jusqu’à 10 nouveaux vœux sur des formations où il reste des places. Une seconde chance, parfois vécue comme un plan B par défaut. Philippe Dulbecco y voit, lui, une forme d’ouverture : « Ce qu’on ne voulait pas forcément au départ peut devenir un choix motivant. L’orientation s’affine avec le temps. »
En 2023, près de 500 élèves ont été accompagnés via les commissions de recours dans l’académie de Grenoble. Un chiffre “faible” selon le rectorat, mais pas anecdotique pour ceux laissés pour compte.
Pour Safwane, comme pour des milliers d’élèves, l’été sera déterminant. Et si Parcoursup ne débouche sur rien ? « J’espère qu’on peut faire une année sabbatique », confie-t-il. Un vœu qui en dit beaucoup sur le besoin d’écoute et d’équité dans le parcours post-bac.
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