Le livre de la semaine : Les Deux Royaumes
Les Deux Royaumes est le cinquième volume de l’audacieuse traversée
des temps que vous poursuivez Eric-Emmanuel Schmitt. Quatre autres
volumes sont à paraître ou à écrire.
Couverture de "Les Deux Royaumes" d'Eric-Emmanuel Schmitt © DRJe ne veux pas désespérer l’auditeur qui n’aurait pas commencé à suivre cette Traversée des temps : on peut lire les ouvrages dans le désordre, comme les Tintins, et pour quoi pas commencer par Les Deux Royaumes qui nous concerne aujourd’hui.
De quoi s’agit-il ?
Les deux Royaumes opposent le royaume terrestre et le royaume
qu’annonce Jésus de Nazareth. Quand deux royaumes s’opposent, ils s’affrontent et l’un des deux doit disparaître. Or, cette logique là ne prévaut pas ici par la nature même du second. On retrouve les quatre personnages principaux, ils forment la boussole
de l’épopée : Noam, Noura, Derek, Tibor. Noam est le narrateur ; Noura est son grand amour, la femme qui l’obsède dont il se sépare et qu’il retrouve toujours. Tibor est le père de Noura. Derek enfin est le personnage sombre, maléfique, le demi-frère maudit de Noam, l’acteur du Mal.
Tout commence ici par le mystère de l’enfant, la parole, l’amour
Nous traversons la Gaule, Athènes et Rome, Jérusalem. Le récit est plein de rebondissements, nous sommes bien dans le cœur du romanesque. Et bien des thèmes sont abordés : l’enfant, l’amour, le clou, la chaîne, la France, le coq, la crucifixion, l’infertilité et l’éternité, le progrès, le christianisme enfin. Les rapports homme-femme, l’égalité des sexes, serait-il étouffé par le patriarcat ecclésial ? Sainte Thècle en est l’exemple parfait, nous allons y
venir. De même l’oralité et l’écriture au lieu de se compléter semblent s’affronter : les druides refusent l’écriture car elle empêche la diffusion du savoir. La foi se transmet dans l’oralité. Les druides interdisent l’écriture. « Attention ! La mémoire retient, l’écriture oublie », serinait Tibor. En allégeant la mémoire, l’écriture la fragilisait, voire la dégradait. Et dans une longue note en bas de page, vous précisez que la parole est une présence vivante, un enseignement souple ; elle est un lien, un moteur de mémoire ; elle est formatrice, acte et rare. « L’Oralité en ce sens offre une forme en renouvellement constant ». Or, Noam écrit ses mémoires et
participe ainsi à la grande aventure de l’écriture dans l’histoire. N’est-ce pas contradictoire ? « L’écriture raconte, la parole transforme ».
Le Monde est-il au bord d’un abîme ?
Il faudra attendre le neuvième tome annoncé sous le titre
« Révolutions » pour le savoir. Mais la question se pose d’ores et déjà, pour Eric-Emmanuel Schmitt, écrivain du bonheur, elle se fait cruciale. Tableau de notre monde ? Pessimisme ? Vos intermèdes nous placent à notre époque. Vous avez la recherche du bonheur. Il n’y a rien de plus urgent que d’être heureux, je le répète tous les jours et il l’écrit : le bonheur se trouve toujours à la Traversée des temps ? Encore faut-il savoir le déchiffrer.


Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
