Guillaume Goubert | L’art minimal, œuvre de contemplation
L’art minimal est particulièrement abstrait et donc difficile à évoquer avec des mots. Il appelle avant tout à la contemplation.
Lee Ufan, From Line, 1978, Pinault Collection © Lee Ufan / Adagp, Paris, 2025L’art minimal, un art particulièrement abstrait et donc difficile à évoquer par les mots. Second défi, convaincre que cet art du presque rien mérite leur attention et qu’il ne s’agit pas d’une arnaque pour des gogos. L’exposition présentée par la collection Pinault à la Bourse de commerce de Paris est certainement la meilleure manière de découvrir ce courant artistique. D’abord parce que François Pinault est lui-même un passionné d’art minimal. Sa collection est une des plus riches du monde sur le sujet. Ensuite parce que l’architecture de la Bourse de commerce, retravaillée par le grand maître japonais Tadao Ando, se prête merveilleusement bien aux œuvres d’art minimal, en particulier sa rotonde centrale, ceinturée par des murs d’un ciment parfait.
Quelle est la particularité de cet art ?
C’est un courant qui est apparu au début des années 1960 et qui s’est développé simultanément sur plusieurs continents. Aux États-Unis, au Japon, en Allemagne… Pour faire simple, on pourrait dire qu’après l’art figuratif puis l’art abstrait apparu dans la première moitié du XXe siècle, des artistes se sont demandés comment aller plus loin. Comment atteindre un plus grand dépouillement, comment fixer notre attention non pas sur des images mais sur des matières comme le bois, la terre, le métal ou la lumière. L’art
minimal illustre la célèbre formule de l’architecte Ludwig Mies van der Rohe : « Less is more ». Moins c’est plus. Selon Emma Lavigne, directrice de la Collection Pinault, ce courant artistique est donc « un antidote à la saturation du monde » et « une ouverture au
silence de la beauté ».
Abstraction et contemplation
Prenons les œuvres de Robert Ryman, l’un des artistes minimalistes les plus célèbres. Il peint des tableaux tout blancs. Dit comme cela cela peut paraître ridicule. Et pourtant, ses tableaux sont tous différents les uns des autres. D’abord parce que très souvent, il laisse apparaître un fond d’une autre couleur, bleu, vert ou ocre. Ensuite parce que sa peinture n’est pas du tout lisse, son pinceau produit une surface agitée comme celle de la mer. Autre artiste remarquable, la Canadienne Agnès Martin. Sa peinture est faite de grilles rectangulaires délicatement tracées à main levée dans des teintes légères. Elle disait de son travail : « Mes tableaux sont faits de lumière, de luminosité. Cela signifie accepter la nécessité d’entrer simplement et directement dans le champ visuel comme si l’on traversait une plage déserte pour contempler l’océan. » Il faudrait également parler du mouvement japonais dénommé Mono-Ha, c’est-à-dire « l’école des choses ». L’artiste de ce courant le plus connu en France est Lee Ufan qui, par exemple, juxtapose sur une toile de simples traits bleus verticaux qui laissent apparaître le toucher du pinceau. Dernier exemple, Dan Flavin qui travaille avec tubes de néon colorés. Sa démarche a un jour retenu l’intérêt d’un curé de Milan qui lui a demandé de transformer par le seul effet de la lumière une banale église des années 1930, Santa Maria Annunciata. Alors, il y a d’autres choses dans cette exposition qui m’ont laissé indifférent ou parfois agacé. Mais j’ai aimé dans cet art ce qui appelle avant tout à la contemplation.
Bourse de Commerce, Paris, jusqu’au 19 janvier



