Amandine Demore, maire d'Echirolles, réagit à l'adoption de la loi narcotrafic
Face à une explosion du trafic de drogue en France, le Parlement a adopté, mardi 29 avril, une loi transpartisane pour renforcer la lutte. À Échirolles, commune fortement touchée par le narcotrafic, sa maire Amandine Demore (PCF) accueille ce texte avec circonspection. Elle reconnaît certaines avancées tout en alertant sur le manque de moyens pour les appliquer localement.
image maillet jugeLe trafic de drogue en France atteint des niveaux inédits. En 2024, les autorités ont saisi 54 tonnes de cocaïne sur l’ensemble du territoire national, soit une hausse de 130 % par rapport à l’année précédente. Face à cette flambée, le gouvernement a fait de la lutte contre le narcotrafic une priorité nationale, culminant dans l’adoption d’une nouvelle loi le 29 avril dernier.
Porté par les sénateurs Étienne Blanc (LR) et Jérôme Durain (PS), le texte prévoit plusieurs mesures fortes : création d’un parquet spécialisé, mise en place d’un « dossier coffre » pour les enquêtes sensibles, ou encore fermetures administratives de commerces soupçonnés de blanchiment. Une loi transpartisane saluée pour son consensus politique, mais qui suscite des réserves du côté des élus de terrain.
À Échirolles, un constat d’écart entre discours et réalité
Echirolles est durement touchée par le narcotrafic, “comme 80 % des communes françaises” selon sa maire PCF Amandine Demore. Elle accueille le texte avec prudence : « Il y a de très bonnes choses dans cette loi », citant le nouveau parquet national ou la lutte contre les commerces liés au blanchiment. Mais elle éprouve également de la frustration quant à l’absence de moyens pour mettre en œuvre ces dispositions.
Amandine Demore dit ne pas être seule à ressentir un manque de personnel : “J’ai des témoignages de personnes travaillant au parquet me disant : on a un océan à vider avec la petite cuillère qu’on nous a fournie”. Un manque qui desservirait à terme les enquêtes de fond et de terrain, accentué par les sous-effectifs de la police nationale et des forces de l'ordre locales où plus d’une centaine de postes sont à pourvoir. « On a posé des principes, mais on n’aborde pas la question des moyens humains, que ce soit au parquet, à la police nationale, ou dans la prévention. C’est dommage » déplore la maire.
Des réponses locales limitées sans soutien du gouvernement
Pour Mme Demore, l’absence de commissariat de plein exercice dans la ville en est le symbole : « Sur la zone de Grenoble, nous n’avons qu’un seul commissariat pour plusieurs communes ». À l’entendre, en construire de nouveaux permettrait de meilleures investigations, notamment financières et patrimoniales ; deux aspects négligés lors des enquêtes policières.
Sur cette question, la maire a adressé au ministre de l’Intérieur un courrier faisant état de la situation. Mais dans la réponse de trois pages de Bruno Retailleau, le mot commissariat ne serait pas cité une seule fois. “On voit bien le décalage qu'il y a entre un discours de très grande fermeté, et concrètement ce qu’il se produit sur les territoires. On ne s’y retrouve pas.”
Elle se dit toutefois satisfaite de la collaboration actuelle avec la préfecture de l’Isère, dans un équilibre qu’elle juge « suffisant » en termes de pouvoir local.
Libertés fondamentales : la vigilance reste de mise
La loi narcotrafic résulte en partie de la transplantation de la méthode italienne et son parquet anti-mafia au modèle français. Un parallèle qu’affirme François Touret-de-Coucy, procureur adjoint à Grenoble reçu dans l’avant-dernier épisode de Microcité : “Ce sont les mêmes indices, la même loi du silence, le même sentiment pour les habitants du quartier d'être prisonniers du trafic”.
Si la maire salue les inspirations étrangères, elle reste attachée à la défense des droits fondamentaux. Elle partage les réticences d’une partie de la gauche sur les atteintes potentielles aux libertés. Une menace liberticide que représenterait le “dossier coffre”, une mesure limitant l’accès pour l’avocat de la défense à certains éléments de l'enquête, et la fermeture de commerces sur décision du préfet, sans décision judiciaire. « La question des libertés, c’est essentiel. Il faut être très attentif à ça », prévient-elle.
“Il n’y a pas que le volet répressif”
Une autre limite du texte soulignée par Amandine Demore, c’est l’abandon des mesures préventives. Elle regrette la fin du financement des bataillons de la prévention, un dispositif expérimental que l'État vient de suspendre. « La lutte contre le narcotrafic, ça s’appuie sur plein de sujets différents. Il n’y a pas que le volet répressif », rappelle-t-elle.
La maire d’Échirolles émet sa crainte de voir finalement la loi se révéler inefficace, si la question du manque de moyens humains et financiers n’est pas résolue. Une demande qui résonne pour les élus locaux confrontés au sentiment d’impuissance face à un trafic de drogue de plus en plus structuré en France.


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