Le trafic de drogue représente l'une des plus grandes menaces pour la sécurité et la santé publique à travers le monde. En France, il pèserait chaque année près de 3 milliards d’euros. Son influence s'étend, alimentée par un réseau complexe d'acteurs, de marchés clandestins et de flux financiers illicites. Malgré les efforts déployés par les gouvernements, les organismes internationaux et les forces de l'ordre, la question demeure : le trafic de drogue est-il un combat sans fin ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
Trois milliards d’euros : c’est le chiffre d’affaires annuel du marché de la drogue en France selon l’OFDT, l'Office français des drogues et toxicomanies. Des chiffres importants qui illustrent l’influence de ce trafic : chaque jour, de tristes actualités se succèdent à cause de la drogue. Le mardi 20 février, un homme a été tué par balles devant un enfant de 8 ans, près d’un point de deal à Nîmes.
Le trafic de drogue est partout : des rues des métropoles jusqu’aux coins les plus reculés des régions rurales. En France, il y aurait cinq millions de consommateurs réguliers de cannabis et 600.000 de cocaïne, selon l'OFDT. En raison de cette influence, les chiffres inquiétants se succèdent : il y a eu 450 victimes d’actes liés au trafic de stupéfiants en 2023 selon la police nationale. Plus troublant encore : 30 % d’entre elles ont moins de 20 ans. On observe un rajeunissement des acteurs du trafic de stupéfiants, "en raison du recrutement qui se fait de plus en plus jeune", indique le docteur Nicolas Prisse, président de la MILDECA, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
Plus il y a d’argent, plus il y a d’intérêts et la violence finit par augmenter aussi.
Les chiffres démontrent aussi la montée en puissance de la violence et l’essor inexorable du trafic de drogue. Le réseau s’étend également : des points de deal commencent à s’implanter durablement dans les petites communes. Jean-Baptiste Perrier, professeur de droit pénal et de sciences criminelles à l’Université d’Aix-Marseille, fait le parallèle avec le commerce légal : "Il y a plein de similitudes. Le trafic se dissémine en points de deal de plus en plus petits et ce pour être moins vulnérables en cas d’opération policière". Les trafiquants s’adaptent à la lutte, ce qui peut expliquer également la progression du trafic et tout l’argent qui s’y trouve. "Plus il y a d’argent, plus il y a d’intérêts et la violence finit par augmenter aussi", constate Jean-Baptiste Perrier. Les plus jeunes voient dans cette hausse d'intérêt un potentiel ascenseur social, une représentation qu’il faut absolument déconstruire selon Nicolas Prisse : "lorsqu’on intervient dans des missions de sensibilisation, on essaye d’expliquer à ces jeunes ce qui pourrait leur arriver. Très souvent, les jeunes recrues se font exploiter et finissent par devenir endettées."
Le trafic de drogue se professionnalise et c’est très inquiétant.
Comment en est-on arrivé à une telle évolution ? Jean-Baptiste Perrier revient sur sa comparaison avec le commerce légal et parle de réelles stratégies marketing pour rechercher le consommateur avec des produits plus innovants. Selon lui, "le trafic de drogue se professionnalise et c’est très inquiétant". Une professionnalisation qui a tendance à transformer les trafics en véritables cartels, notamment aux Pays-Bas et en Belgique. "C'est une forme de cartelisation mais qui ne tombe pas dans les clichés des séries télévisées", analyse Nicolas Prisse. Dans ce type de trafic, l’acheteur a donc un rôle de plus en plus important, représentant une manne financière forte. Si l’offre est aussi élaborée, on peut se poser la question sur l’état de la demande. Nicolas Prisse rappelle que le cannabis a très longtemps été considéré banal, notamment chez les plus jeunes et dans les lycées.
Les pistes pour lutter contre le trafic de drogue sont nombreuses. La sensibilisation et les programmes de prévention restent très efficaces et il faut continuer de les mettre en place selon Nicolas Prisse : "Il faut travailler sur les ressorts qui conduisent une personne à consommer et axer nos programmes sur ça." Claude, auditeur de RCF, souhaite également développer des actions de prévention plus précises car "on ne parle pas assez des consommateurs". Si la plupart des programmes sont orientés sur l’addiction, Nicolas Prisse voudrait davantage de sensibilisation sur ce qui amène à la consommation et des programmes de renforcement des compétences psychosociales. Le président de la MILDECA voudrait amener les consommateurs à réfléchir à "d’où vient la drogue" et ce qu’elle a généré comme problèmes humains et environnementaux.
On ne parle pas assez des consommateurs.
Un nouvel outil du gouvernement est aussi mis en place par Emmanuel Macron : les opérations “Place Nette", des actions coup de poing qui visent les points de deal. Le président de la République a annoncé début janvier son intention de conduire 10 opérations de ce type par semaine. L’objectif est de viser les voies publiques comme les halls d’immeubles et les magasins, et de redonner une présence plus visible des policiers locaux, qui connaissent bien les points de deal dans leur secteur. Un tel dispositif a cependant des limites selon l'analyse de Jean-Baptiste Perrier : "ça ne fonctionne qu'à court terme. On démantèle un point de deal et pas le trafic, ça ne fait que le déplacer."
Ne plus utiliser un volet répressif pourrait-il régler le problème ? C'est une "voie à explorer" pour Jean-Baptiste Perrier, qui prend l'exemple du Portugal. "Le pays a fait un choix de santé publique : leur nombre de morts par overdose était effrayant et ils ont soigné les consommateurs au lieu de les arrêter. Le résultat ? Ils ont été divisés par 10 en dix ans." Une solution qui ne réglerait pas le problème de la présence du trafic malgré des effets positifs sur la consommation.
Parmi les 11-75 ans en France, 1,9 million de personnes sur les 18 millions de consommateurs de cannabis, seraient des "réguliers", selon des chiffres de l'OFDT publiés en 2022. Si le cannabis est la drogue la plus consommée en France (hors tabac et alcool), la cocaïne, l'héroïne et les substances psychoactives inquiètent aussi les professionnels de santé. Les addictions naissent lorsque les usagers consomment en dehors du cercle festif ou amical auquel ils appartiennent. Comment en parler ? Écoutez la seconde partie de l'émission Je pense donc j'agis :
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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