Vers un grand débat sur l'euthanasie?Vianney Lecointre revient sur la volonté du président de la République de rouvrir le débat sur l'euthanasie.
"Le Président de la République nous l’a promis pendant la campagne électorale : il devrait bientôt y avoir une « convention citoyenne » ou un « grand débat » sur l’euthanasie. La manière dont les choses s’enclenchent n’est toutefois pas de nature à rassurer : ainsi, récemment, alors qu’il décorait Line Renaud, qui a publié dans la presse une tribune avec le député Olivier Falorni intitulée « Il est temps de légaliser l’aide active à mourir », Emmanuel Macron a cru bon de déclarer : « Votre combat pour le droit à mourir dans la dignité nous oblige ». Est-ce une manière d’annoncer déjà, avant qu’elle ait eu lieu, le résultat souhaité de la consultation ? Nous ne sommes quand même en rien « obligés » par l’opinion de Line Renaud, quel que soit le respect qu’on peut avoir pour elle.
De plus, cette manière qu’ont eu les partisans de l’euthanasie de s’approprier la notion de mort dans la dignité est plutôt malaisante. Comme si les personnes perdaient leur dignité si elles ne mourraient pas « à temps ». Je note que, récemment, au congrès de la Mutualité française, le président de la MGEN s’est prononcé aussi pour l’aide active à mourir. Certains paraissent bien pressés de faire quelques économies !
C’est que, en matière de grand débat, nous avons connu un précédent fâcheux. J’ai participé personnellement, en Normandie, aux Etats Généraux de la Bioéthique en 2018.
Ils ont été passionnants. La majorité des participants manifestaient déjà une certaine inquiétude vis-à-vis d’un ultra-libéralisme où domineraient les seuls désirs individuels aux risques d’une instrumentalisation de la médecine. Mais, j’en témoigne, les organisateurs émettaient d’emblée des doutes sur l’intérêt même de débattre, sur notre capacité à élaborer un bien commun basé sur des valeurs en partage, sur l’intérêt de poser des limites. Et, au moment de légiférer sur la PMA pour toutes ou sur l’assouplissement de l’interdiction de création d’embryons chimériques pour la recherche, il n’a guère était tenu compte de la teneur des échanges aux cours des dits Etats Généraux.
On aimerait pourtant que ces sujets ne soient pas traités à la légère par un simulacre de consultation populaire. Légaliser l’euthanasie, lever l’interdiction de tuer aurait de multiples implications sur le corps social et, en particulier sur les plus fragiles, ces personnes malades ou âgées à qui on pourrait faire comprendre qu’elles sont un poids pour les autres…
La démocratie française s’est honorée par le passé avec des débats de grand
standing à l’Assemblée Nationale qui ont permis le vote de la loi Leonetti en 2005 à l’unanimité et le renforcement de la lutte contre l’acharnement thérapeutique par la loi Claeys-Leonetti en 2016. Il y a sans doute encore beaucoup à faire, même dans le cadre de ces lois, pour développer les soins palliatifs et soulager les souffrances."