Figure du XXe siècle, bientôt canonisé, Pier Giorgio Frassati incarne une jeunesse qui prie, agit et s'engage. A 20 ans, il milite, manifeste, refuse le fascisme et sert les pauvres avec une audace peu commune. Un modèle pour celles et ceux qui veulent croire et construire un monde plus juste, cohérent, ici et maintenant. Il vous invite à grimper les sommets avec lui.
Le préfet du dicastère pour les Causes des saints, le cardinal Marcello Semeraro, a signé le 25 novembre 2024 un décret attribuant un miracle à l’intercession du bienheureux Pier Giorgio Frassati, qui sera canonisé le 3 août 2025 par le pape Léon XIV à l’occasion du Jubilé des jeunes à Rome.
Pietro Giorgio Michelangelo Frassati est né à Turin le samedi Saint 6 avril 1901. Comme la naissance a été difficile, il reçoit le baptême le jour de Pâques. Mais le sacrement est aussi célébré officiellement le 5 septembre 1901.
La famille de Pier Giorgio fait partie de la haute bourgeoisie turinoise.
Alfredo, le père, est avocat et se déclare agnostique. Il fonde le célèbre journal « La Stampa » (ce qui signifie la presse), un journal qui existe toujours aujourd’hui. Il en est le fondateur et le rédacteur en chef. En 1913, il est élu sénateur. C’est le plus jeune sénateur du pays. Il est nommé ambassadeur d’Italie à Berlin de 1920 à 1922.
Adélaïde Ametis, la maman de Pier Giorgio, est artiste-peintre. C’est une femme ferme, rigoureuse et exigeante. Elle est catholique pratiquante, mais par convention. Plus tard, elle ne comprendra pas la ferveur religieuse de son fils.
Alfredo et Adélaïde ont trois enfants : Elda, née deux ans avant Pier Giorgio, est morte à 8 mois. Luciana naît en 1902 et entretient une grande complicité avec son grand frère. Elle mourra à l’âge de 105 après avoir consacré une grande partie de sa vie à faire connaître la sainteté de son frère.
Rien ne prédispose donc Pier Giorgio à une rencontre forte avec le Seigneur. Sa famille n’est pas un milieu qui paraît propice. Mais il est envoyé dans l’école des Jésuites et c’est là qu’il va découvrir et approfondir la foi. Je vous ai souvent parlé des écoles catholiques et de leurs fondateurs qui avaient en ligne de mire l’évangélisation de la jeunesse. Pensons à Don Bosco, Jean-Baptiste de la Salle, Julie Billiart ou Madeleine Sophie Barat… Cette intuition se révèle payante avec Pier Giorgio. Il a même un directeur spirituel, un père jésuite qui lui suggère de participer tous les jours à l’eucharistie et de communier fréquemment. C’est ce que Pier Giorgio va faire à partir de l’âge de 12 ans. À partir de 17 ans, il communie tous les jours. Il prend 15 minutes d’action de grâce après chaque communion. Il est d’une fidélité à toute épreuve. En semaine, lorsqu’il est à Turin, il va à l’église paroissiale Notre-Dame des Grâces (Beata Vergine delle Grazie en Italien) dans le quartier de la Crocetta. Lorsque la famille est dans la maison de campagne à Pollone, il se rend à l’insu de sa famille dans le sanctuaire alpin Notre Dame d’Oropa pour la messe. Cela l’oblige à se lever très tôt le matin. Pour être sûr de se réveiller, il se met d’accord avec le jardinier de la propriété. Il s’attache un fil au bras et le jardinier tire sur le fil pour le réveiller. Il se lève et fait rapidement à pied les 6 km qui le séparent du sanctuaire, franchissant en passant une dénivellation de 600 m. Il revient comme si de rien n’était pour participer au petit déjeuner en famille.
Pier Giorgio ne contente pas de la communion quotidienne. Il aime rester pour adorer le Saint Sacrement, et il le fait souvent la nuit. Il a aussi une grande dévotion pour la Vierge Marie et récite souvent le chapelet. Mais il ne se contente pas de prier. Il aide les pauvres autant qu’il le peut. Les histoires concernant sa charité abondent.
Son premier geste de charité est resté célèbre, car il s’est déroulé avant même que Pier Giorgio ne soit entré à l’école. Une maman et son jeune enfant sonnent à la porte pour demander la charité. Pier Giorgio qui ouvre n’a évidemment pas d’argent à donner, mais il remarque que les pieds du jeune enfant sont nus. Il est ému de compassion. Il enlève alors ses chaussettes et ses souliers et donne le tout à la pauvre maman. Ce geste va être renouvelé de nombreuses fois : soit il donne sa veste à un pauvre qui a froid, soit il donne son titre de transport en tramway à un pauvre et rentre à pied dans la pluie. Il adhère en 1918 (il a 17 ans) à la Société St-Vincent de Paul pour mieux exercer la charité, en la rendre de manière anonyme : ce n’est plus le fils du sénateur Frassati qui donne, c’est la société. Avec la société, il visite les familles pauvres et rassemble du matériel chez les gens bien nantis pour les donner aux nécessiteux. Il distribue ainsi de la nourriture, des meubles, des médicaments, des vêtements… Il aide les sans-abris à trouver un logement, les chômeurs à se remettre au travail… Il fréquente comme bénévole la Casa della Piccola Provvidenza de saint Benoît Joseph Cottolengo.
Il y a une habitude de Pier Giorgio qui me touche beaucoup. Tous les matins, après la messe, il va visiter une famille pauvre. Il explique qu’il s’agit en fait d'un échange de bons procédés :
Jésus me rend visite chaque jour dans l’eucharistie et moi, je Lui rends humblement la visite en visitant les pauvres.
Il met en pratique à la lettre ce que Jésus a annoncé dans la parabole du jugement dernier en Matthieu 25 : « Ce que vous faîtes au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ! »
Il a un véritable amour de prédilection pour les pauvres :
Autour des pauvres, écrit-il, je vois une lumière que nous n’avons pas.
Il vit dans une région montagneuse et il s’adonne régulièrement à l’alpinisme, un sport qu’il a découvert avec sa maman dès l’âge de 8 ans. Il veut aller toujours plus haut, dans la vie spirituelle comme dans la pratique de son sport favori. Il franchit des sommets de plus en plus hauts, mais sans être pour autant téméraire. Il aime relever des défis en respectant toutes les règles de prudence dans un sport où une petite erreur peut vite être fatale. Mais, même les jours d’escalade, il ne rate pas la messe ! Il garde aussi une attention à l’autre très délicate, toujours prêt à porter le sac de celui qui est fatigué. Un jour, constatant qu’un de ses amis est fatigué, il demande à tout le groupe de s’arrêter parce qu’il ne se sent pas bien, évitant ainsi à son ami l’humiliation de manifester sa faiblesse. Pier Giorgio pratique aussi d’autres sports : vélo, voile, randonnée, escrime, équitation. Il participe même à une compétition de ski à Sauze d’Oulx. Ce n’est donc pas par hasard que Jean-Paul II l’a nommé patron des sportifs !
Il milite pour le nouveau parti démocrate-chrétien qui se lance, le PPI. Il écrit dans le journal du parti, le « Momento ». Au cours d’une manifestation à Rome, il est arrêté par la police avec ses compagnons. Interrogé sans ménagement par les policiers, ceux-ci apprennent qu’il est le fils de l’ambassadeur d’Italie en Allemagne. Ils veulent le relâcher, mais Pier Giorgio refuse de sortir de prison si on ne libère pas aussi ses amis. Ils sont tous libérés immédiatement ! L’arrivée de Mussolini et du fascisme attriste profondément Pier Giorgio. De Berlin où il est avec sa famille, il écrit à un ami :
J'ai donné un coup d'œil au discours de Mussolini et tout mon sang bouillait dans mes veines. Je suis vraiment déçu par l'attitude des Populaires ! Où est la foi de nos hommes ?
Il termine en disant que l’Italie est tombée, je cite, « entre les mains d'une bande de fripouilles. » Il démissionne finalement en octobre 1923 du cercle auquel appartient le journal Momento parce qu’il se met à soutenir le Duce. Dans sa lettre de démission, il écrit au président du cercle : « Je suis vraiment révolté d'apprendre que ce drapeau, que j'ai tant de fois porté dans les cortèges religieux, tu l'aies exposé au balcon pour rendre hommage à cet homme (entendez ici Mussolini) qui détruit les œuvres pieuses, ne met aucun frein aux fascistes, laisse assassiner les ministres de Dieu comme Don Minzoni, permet que l'on commette d'autres vilenies et cherche à couvrir ces méfaits en rétablissant le crucifix dans les écoles […] Je prends toute la responsabilité de mon acte ; j'ai enlevé le drapeau et je t'adresse mon irrévocable démission. »
Il ne faut pas croire que Pier Giorgio soit un chrétien triste. Bien au contraire ! Il est bien d’accord avec saint François de Sales qui affirme qu’un saint triste est un triste saint. Tout le monde aime sa joie de vivre, ses rires, et même ses blagues jamais méchantes. Il fonde même avec son ami Beltramo un groupe qu’il appelle « La Société des types louches » dont les objectifs mélangent l’amitié spirituelle, faire des blagues, partir en excursions dans les Alpes et servir les pauvres. Pier Giorgio chante tout le temps, même s’il chante faux… Sa joie est connue dans tout Turin. On le surnomme parfois fracassati tant il est boute-en-train et dynamique.
Dans l’adolescence, Pier Giorgio ressent l’appel au sacerdoce, mais sa mère s’y oppose formellement. Il y renonce en décidant d’être prêtre dans son cœur. Il entre dans le tiers-ordre dominicain en 1922. À l’école polytechnique de Turin, il étudie pour devenir ingénieur des mines. Il espère que ce métier lui permettra de côtoyer les ouvriers. En 1923, il tombe amoureux d’une jeune fille, Laura Hidalgo, mais n’ose pas la présenter à sa famille car elle n’est pas du même milieu. Il comprend que cet amour est impossible et il y renonce. À un ami à qui il se confie, il écrit :
Je te demande de prier afin que Dieu me donne la force de supporter sereinement ma peine — tandis qu'à elle, soient réservés tous les bonheurs de cette terre — et la force d'accomplir ma destinée.
En juin 1925, Pier Giorgio finit ses études. Il obtient son diplôme d’ingénieur des mines. Mais le 29 de ce mois, il ressent différentes douleurs musculaires. Personne de sa famille ne fait attention à lui parce que sa grand-mère est à l’agonie. Elle meurt le 1er juillet 1925 et tout le monde croit qu’il a seulement une petite grippe. Quand on commence à s’inquiéter, le 3 juillet, soit plus de 5 jours après le début de ses symptômes, on fait venir le médecin. Le diagnostic ne tarde pas : c’est une poliomyélite fulgurante qu’il a contractée en visitant l’une ou l’autre famille pauvre. Le dernier écrit que laisse Pier Giorgio est un billet presque indéchiffrable car les spasmes et la paralysie grandissante l’empêchent de bien écrire. Il demande à un ami de tenir sa promesse auprès d’un pauvre qui attend un médicament. Sa famille ne lui révèle pas la gravité de son état. Son directeur spirituel appelé à son chevet lui annonce qu’il se pourrait bien qu’il voie bientôt sa grand-mère. Il meurt le 4 juillet 1925. Il avait annoncé : « Le jour de ma mort sera le plus beau jour de ma vie. »
La nouvelle de la mort de Pier Giorgio se répand dans la ville comme une traînée de poudre. Les gens disent :
le Saint de Turin est mort.
ou encore
Il est mort celui qui chantait toujours.
Lorsque les funérailles sont célébrées, la famille de Pier Giorgio n’en revient pas. Des milliers de personnes s’amassent au passage du cortège funèbre. Tous les pauvres de la ville viennent rendre un dernier hommage à celui qui les a servis en secret, à l’insu de ses parents qui découvrent après sa mort, l’immense rayonnement de leur fils qu’ils considéraient comme un raté et un doux rêveur parce qu’il était croyant.
L’histoire de Pier Giorgio Frassati n’est pas sans points communs avec celle d’autre saint jeune plus récent, le futur saint Carlo Acutis qui pourrait bien être canonisé avec lui puisque sa canonisation a été reportée à la suite de la mort du pape François.
Tous les deux sont nés dans un famille non croyante ou pas très pratiquante. Rien ne le prédisposait à première vue à devenir des saints – sauf leur baptême qui, je vous le rappelle, est le sacrement qui fait les saints. La Providence a mis sur leur chemin des personnes qui les ont ouverts à la grâce : pour Pier Giorgio, c’était un père jésuite, pour Carlo, c’était sa nounou polonaise. Nos deux jeunes saints ont vécu de l’eucharistie et la communion quotidiennes avec un grand amour pour la Vierge Marie. Tous les deux ont été passionnés par le service des pauvres et les pauvres le leur ont bien rendu car ils sont venus en masse à leur enterrement au grand étonnement de leurs parents.
À travers ce parallèle, nous voyons des éléments essentiels d’un parcours de sainteté :
La grâce première qui est le baptême : je pense que nous ne sommes pas assez conscients de l’énorme potentiel spirituel de notre baptême. C’est vraiment le sacrement qui nous lance sur la voie de la sainteté !
Il y a ensuite la Providence qui permet des rencontres qui change une vie ; ces rencontres viennent comme révéler les grâces reçues dans le baptême et qui n’attendent que cela pour éclore.
Un troisième point essentiel, c’est l’eucharistie et la communion quotidienne. Carlo Acutis a dit que l’eucharistie était son autoroute pour le ciel. Les autoroutes n’existaient pas du temps de Pier Giorgio Frassati, mais il aurait sans aucun doute confirmé cette affirmation de Carlo.
Un quatrième point marquant, c’est l’amour des pauvres. Nos deux jeunes bienheureux ont tout fait pour aider les pauvres. Ils ont profité de la richesse de leur famille pour la partager avec les plus démunis. Ils étaient convaincus de servir Jésus lui-même dans chaque pauvre rencontré, comme le manifeste clairement cette phrase de Pier Giorgio : Jésus, je t’ai reçu dans l’eucharistie, maintenant je viens te visiter dans le pauvre. Carlo et Pier Giorgio illustrent magnifiquement cette parole de Dante que Pier Giorgio aimait tant et qu’il citait souvent en récitant des passages entiers de la Divine Comédie : « Notre rayonnement se mesure à notre charité. ».
Je vous dis souvent que les saints sont des paroles de Dieu pour nous. Ils ne sont pas béatifiés ou canonisés pour eux-mêmes : ils sont déjà au ciel et cela ne change rien pour eux. Ils sont béatifiés ou canonisés pour nous montrer le chemin du ciel, un chemin qui est accessible à tous, et même aux jeunes. Leurs vies sont des messages d’espérance pour nous et particulièrement pour les jeunes. On peut devenir un saint en quelques années !
Pourquoi saint Jean-Paul II, qui a béatifié Pier Giorgio Frassati le 20 mai 1990, a parlé de lui comme l’homme des 8 béatitudes. En fait, ce n’est pas Jean-Paul II qui a donné ce titre, mais bien Karol Wojtyla alors qu’il était encore archevêque de Cracovie et qu’on lui avait demandé de clôturer en 1977 une retraite des pères dominicains sur les Béatitudes. Il y avait aussi une exposition des photographies de Pier Giorgio Frassati qui je vous le rappelle est tertiaire dominicain, et le cardinal Wojtyla a dit ceci :
Observez bien ces photographies. Regardez comment apparaît l’homme des huit béatitudes qui porte en lui la grâce de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle. Regardez la joie du Salut qui nous a été offert par le Christ …
Je vous propose donc de parcourir les 8 béatitudes (ce sera une bonne manière de les revoir) et pour chacune d’elles, montrer comment Pier Giorgio l’a vécue.
J’ai déjà beaucoup parlé de l’amour de Pier Giorgio pour les pauvres. Cet amour a commencé très tôt, dans sa tendre enfance, au plus grand étonnement de ses parents. Un jour, par exemple, un pauvre sonne à la porte de la famille Frassati. C’est le père qui va ouvrir avec son fils à côté de lui. C’est un pauvre qui demande l’aumône. Il sent l’alcool à plein nez ! Le père le renvoie sans rien lui donner. Le petit Pier Giorgio se met à pleurer. « Pourquoi pleures-tu », demande le père. « Parce que c’est peut-être Jésus que nous avons chassé ! »
Pier Giorgio a un cœur attentif aux autres. Lorsqu’il voit qu’au cours d’une excursion en montagne, une des marcheuses montre des signes de fatigue, lui le sportif aguerri commence à se plaindre de toutes sortes de choses jusqu’à ce que le groupe décide de s’arrêter pour lui. Il réussit ainsi avec délicatesse à obtenir un temps de repos pour la jeune fille en difficulté, mais sans l’humilier aucunement, en prenant tout sur lui.
Vous imaginez bien aussi combien Pier Giorgio aime la terre, la nature et surtout la montagne qui est pour lui un lieu de silence et de rencontre avec le Seigneur. Sa sœur Luciana témoigne : « Ce qu'il aimait dans la montagne, c'était la vie rude : la préparation des sacs, les fatigues de la montée, le ravitaillement porté à dos, le casse-croûte dans la neige, les buvettes inexistantes, la glace dans les cuvettes le matin, l'absence de tout confort, la vie en équipe, la découverte de la montagne … Sur un plan plus élevé, c'était l'ascèse, la purification, le silence, le voisinage de Dieu. »
Pier Giorgio a rencontré la contradiction, d’abord dans sa propre famille. Ses parents l’ont considéré toute sa vie comme un raté. On n’imagine pas la souffrance que cela a dû provoquer dans le cœur de leur fils. Mais l’épreuve la plus lourde a sans conteste été l’obligation qu’il s’est imposée d’arrêter sa relation avec Laura Hidalgo, l’amour de sa vie. Il savait que ses parents n’accepteraient pas cette relation et que cela ferait du tort aux relations dans sa famille. Il écrit donc à un ami : « Je prendrai sur moi le sacrifice, si Dieu le veut ainsi, que sa sainte volonté soit faite ! Ce serait absurde de détruire un foyer pour en édifier un nouveau. À côté du droit, il y a le devoir. » Mais le sacrifice est rude et la douleur est vive. Il en parle à un ami : « Je te demande de prier afin que Dieu me donne la force de supporter sereinement ma peine et la force d'accomplir ma destinée, tandis qu'à elle [Laura], soient réservés tous les bonheurs de cette terre. »
Finalement, il sublime la douleur de son sacrifice. Voici sa confidence à un autre ami : « Les douleurs humaines peuvent nous atteindre, mais pour peu qu'on les considère à la lumière de la religion et qu'on les accepte, elles ne sont plus nocives mais salutaires, car elles purifient l'âme des inévitables souillures que, du fait de notre nature viciée, il nous arrive parfois de contracter ».
Un des aspects très intéressant, me semble-t-il, de la vie de Pier Giorgio Frassati, c’est son engagement politique, clairement vécu au nom de sa foi et pour le service des pauvres et plus de justice.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de la désaffection de la population à l’égard de la politique, voire de la méfiance pour le monde politique. On peut avoir l’impression, avec les scandales à répétition qui éclaboussent les politiciens, qu’il n’est pas possible de faire de la politique sans compromission… et donc beaucoup de chrétiens, et de jeunes chrétiens, refusent de s’engager par peur de devoir, un jour ou l’autre, agir contre leur conscience.
Pier Giorgio n’a pas eu ces peurs. C’est clairement au nom de sa foi qu’il s’est engagé en politique. Il est entré dans la FUCI (Fédération des Universitaires Catholiques Italiens) – dont je vous rappelle que Jean-Baptiste Montini, le futur saint Paul VI a été l’aumônier général – et c’est là qu’il a découvert la doctrine sociale de l’Église avec l’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII. Il a lutté pour plus de justice dans la répartition des terres qui, dans l’Italie de l’époque, était majoritairement aux mains de quelques grands propriétaires. Il a manifesté pour ses convictions. Il a été arrêté par la police. Il s’est insurgé contre la montée croissante du fascisme et contre le leadership du Duce, Benito Mussolini. Il a été très courageux au nom de sa foi.
Il faut savoir que son père, Alfredo Frassati, sénateur, puis ambassadeur d’Italie, a été lui aussi un grand opposant de Mussolini. Il en a beaucoup souffert aussi parce qu'il a été obligé par le pouvoir fasciste de vendre son journal, la Stampa, pour une bouchée de pain Giovanni Agnelli, le patron de la FIAT.
Il me semble que l’exemple de Pier Giorgio devrait inspirer des jeunes chrétiens à s’engager en politique. Il y a des modèles de saints ou de futurs saints (en tout cas je l’espère) qui se sont sanctifiés dans la politique : saint Thomas More, le vénérable Robert Schuman ou encore l’homme politique Italien Alcide de Gasperi dont le procès de béatification est commencé.
La soif de justice de Pier Giorgio s’est aussi manifestée dans le choix de ses études et de son futur métier. Son père voulait qu’il fasse le droit comme lui et qu’il puisse lui succéder à la tête du journal la Stampa. Mais Pier Giorgio a préféré choisir un métier qui le mettrait en contact direct avec les ouvriers. Il a choisi ingénieur des mines alors qu’il n’aime ni les études, ni les mathématiques, ni l’ingénierie, ni les mines. Mais il aime les mineurs qu’il espère rencontrer et aider. Je vous rappelle que les mineurs sont parmi les plus pauvres travailleurs du début du XXe siècle, et Pier Giorgio veut être solidaire avec les plus pauvres.
Pier Giorgio a un cœur de miséricorde et de compassion. Il est attiré par la misère pour la soulager. Miséricorde – je vous rappelle – c’est le cœur qui se fait proche de la misère.
Les exemples abondent. À un ami qui lui demande comment il fait pour supporter l’odeur immonde qu’il y a dans certaines maisons de pauvres, Pier Giorgio répond : « La maison peut être sordide, mais c'est vers le Christ que nous allons. N'a-t-il pas dit : “ Le bien fait aux pauvres, c'est à moi que vous le faites ?” »
Par compassion, il est prêt à de grands sacrifices. Pour la société Saint Vincent de Paul, il fait du porte-à-porte pour recueillir des fonds. Une démarche assez pénible car on n’est pas toujours bien accueilli et cela nécessite aussi de mettre son respect humain de côté. Pourtant, il explique : « Je préfère, collecter cent fois une lire que cent lires en une fois, parce que, de cette manière, les actes de charité se multiplient… et mes actes d'humilité. »
« La charité seule, écrit-il, peut servir de but à toute une vie, remplir un programme. La charité, voilà la fin à laquelle je veux tendre, avec la grâce de Dieu. »
Pier Giorgio est un garçon lumineux. Son désir est de laisser transparaître la présence de Dieu en lui. Voici sa prière : « Jésus, fais-moi pareil au cristal, afin que ta lumière brille à travers moi ! » Il n’y a pas de dissimulation ni de duplicité en lui.
Il se confesse souvent et fuit les occasions de péché.
Ceux qui l’ont vu prier, par exemple lors d’une adoration eucharistique, sont impressionnés. « Il priait avec un recueillement extraordinaire. Rien ne le distrayait : immobile, les bras croisés, dans une attitude à la fois virile et empreinte de dévotion, il était tout entier prière : âme et corps. »
Il a le désir de voir Dieu. C’est pourquoi il ose dire « Le jour de ma mort sera le plus beau jour de ma vie. »
On a constaté que les mots qui reviennent le plus dans les lettres de Pier Giorgio sont foi, grâce et paix. Une des raisons pour laquelle il n’apprécie pas l’avènement de Mussolini en Italie, est qu’il voit bien que son régime ne cherche pas la paix mais la guerre. Il écrit : « La paix véritable naît de l'amour chrétien pour le prochain et non pas tant de la justice. Or ces gouvernements préparent pour toute l'humanité un avenir fait de nouvelles guerres. La société moderne s'enlise dans les passions humaines et s'éloigne de tout idéal d'amour et de paix. Nous devons, vous et nous qui sommes catholiques, faire souffler l'esprit de bonté qui naît seulement de la Foi dans le Christ. »
Je vous ai déjà raconté que Pier Giorgio a été emprisonné parce qu’il manifeste. En fait, il s'agit d'un abus de la police au cours du premier congrès de la jeunesse catholique italienne. Les jeunes ont reçu la permission de célébrer la messe au Colisée à Rome, mais la police change les règles et interdit la manifestation ainsi que le port d’un quelconque drapeau. Pier Giorgio n’accepte pas de baisser le sien, celui du cercle Cesare Balbo et c’est l’arrestation.
Il a aussi dû résister aux chemises noires, la milice du régime fasciste de Mussolini, qui ont voulu saccager la maison familiale à Turin, en représailles contre les opinions anti fascistes du père de Pier Giorgio.
Mais c’est à l’intérieur de sa propre famille que Pier Giorgio doit faire face à l’incompréhension et à la désapprobation. Son père le considère comme un raté. Voici un extrait de lettre qu’il lui adresse : « Il est nécessaire que tu te persuades, cher Pier Giorgio, que la vie doit être prise au sérieux… J'ai peu d'espoir que tu changes, et pourtant, il est indispensable que tu changes et tout de suite : considérer les choses avec méthode, penser toujours avec sérieux à ce qu'on doit faire, avoir pour deux sous de persévérance. Ne pas vivre au jour le jour, sans pensée, comme un écervelé quelconque. Si tu as un peu d'affection pour tes parents, il faut absolument que tu changes. » Sa mère s’est opposée à sa vocation sacerdotale. Elle a même dit cette parole terrible quand on sait que Pier Giorgio est décédé jeune : « Je préfèrerais que tu sois mort plutôt que prêtre ! »
Pier Giorgio cache une grande partie de ses activités caritatives à sa famille. Quand il arrive en retard au repas familial parce qu’il est allé servir des pauvres, on le rabroue : « Toi qui n'a rien à faire, tu pourrais au moins rentrer à temps. » Mais il reste silencieux.
Imaginez l’immense surprise des parents quand pour l’enterrement de leur fils, ils voient des milliers de personnes se presser pour lui rendre hommage !
Pier Giorgio Frassati a été l’homme des 8 béatitudes parce que qu’il a voulu de toutes ses forces suivre le Christ et le faire aimer autour de lui. Un auteur canadien, Simon Pierre Lessard, a dit que sa vie sur terre a été comparable à celle d’une étoile filante. Je le cite :
Avez-vous déjà vu une étoile filante ?
Les étoiles filantes sont les plus belles et les plus brillantes… mais aussi les plus courtes ! De même est la vie du bienheureux tertiaire dominicain Pier Giorgio Frassati, mort jeune, comme souvent meurent les saints. C'est sans doute parce que son cœur fut si brûlant de charité, qu'il s'est consumé en à peine 24 ans… le temps d'une ascension. Frassati fut une étoile, qui filait vers le ciel où sont immense désir s'est enfin apaisé ; un astre d'en haut qui a illuminé ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort ; une comète dont la poussière n'a pas fini de retomber sur notre terre, n'a pas fini de fertiliser la graine du Royaume semé dans nos cœurs et de conduire nos pas au chemin de la paix.
Une équipe de jeunes discutera des thématiques qui animent leur génération tout en relayant de nombreuses activités et projets destinés à un public adolescent et étudiant.
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