Béatification de Victor Dillard : Des Bourbonnais témoignent
Le Père jésuite Victor Dillard vient d'être béatifié, aux côtés de 49 autres martyrs du STO sous le régime nazi. Le diocèse de Moulins a adopté cette figure qui, "n'a pas craint de donner sa vie, jusqu'à verser son sang".
Quelques membres de la délégation bourbonnaise lors de la béatifcation de Victor DillardLe rite de béatification se déroule entre le Kyrie et le Gloria. L'archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich demande formellement, au nom de la conférence des évêques de France, l'inscription au nombre des bienheureux serviteurs de Dieu les 50 martyrs concernés. Dans une longue litanie, le Père Ardura, postulateur de la cause, égrène lentement leurs noms, en donnant quelques précisions biographiques, notamment leurs lieux de décès. Le cardinal Hollerich, qui préside la célébration, fait ensuite lecture de la lettre apostolique du souverain pontife Léon XIV (voir notre encadré ci-après), qui confirme la béatification. Tous se tournent à présent vers l'image des bienheureux, installée à droite du chœur avant de reprendre le Jubilate Deo pendant la procession et l’encensement des reliques du bienheureux Maurice Rondeau. Le rite se conclut par quelques remerciements et des applaudissements chaleureux, pendant que le prélat luxembourgeois ne distribue un exemplaire de la lettre apostolique aux évêques présents.
Des diocésains de Luçon, des scouts de Paris ou encore des prêtres allemands : Plus de 1500 personnes assistent à la cérémonie. Dans une cathédrale comble, pleine de lumière et de ferveur, une petite délégation du diocèse de Moulins a eu la chance de vivre cette émouvante célébration. Témoignages.
Sœur Christine Lefranc, oblate du cœur de Jésus
Mon oncle, alors adolescent, participait à l’équipe JEC qu’animait Victor Dillard. Il nourrissait pour lui une très grande admiration, comme toute la famille d’ailleurs qui appréciait beaucoup les sermons qu’il donnait le dimanche soir à l’église St Louis. Quelle émotion et quelle joie donc de participer à cette célébration ! J'y assiste juste devant une petite nièce de Victor Dillard. Lors du processionnal d’entrée avec une quarantaine d’évêque, j’ai mesuré l’impact de cette béatification sur l’Église de France. Évidemment ces jeunes étaient originaires de partout. Et quel beau signe de voir une délégation allemande présente à la cérémonie.
Intense moment que cette procession des reliques accompagnée du chant Puissance et gloire de l’Esprit, où l’on sentait évidemment beaucoup de joie mais aussi une très grande gravité en pensant au martyre insoutenable qu’ont vécu chacun des bienheureux. L’homélie du Cardinal Hollerich, centrée sur la force de la foi de ces jeunes hommes, la paix toujours à rechercher et la liberté qu’ils ont défendue jusqu’au don de leur vie ainsi que l’appel fait aux jeunes à mettre le Christ au centre de leur vie, a je crois, touché beaucoup.
Après la messe, grâce au SMS envoyé par Jérémi quelques-uns d’entre nous se sont retrouvés devant l’image des bienheureux pour la photo. Nous sentions l’émotion dans chacun de nos propos…Je crois qu’elle restera encore longtemps.
Stefan Lunte, franco-allemand, conseiller pour la commission des épiscopats de l'union européenne (COMECE)
Une très belle liturgie pleine de sens. Les cinquante martyrs français du STO, dont le Père Victor Dillard qui ont donné leurs vies face à l'idéologie nazie ne sont pas oubliés, au contraire ils sont dorénavant inscrits dans la mémoire officielle de l’Église. J'étais particulièrement touché par l'homélie du Cardinal Jean-Claude Hollerich qui a fait le rapprochement entre les martyrs du STO et l'esprit de réconciliation qui a permis la transformation des relations franco-allemandes et l'émergence d'une Europe occidentale en paix après 1945. Entendre des cantiques chantés en français et en allemand dans la nef de Notre Dame de Paris 80 ans après la fin de la guerre m'a profondément ému.
François Cluzel, fil de Jean Cluzel, ancien président du conseil départemental de l'Allier et membre de l'institut de France, ami de Victor Dillard
Je suis à Notre Dame, au nom de mon père. Dans son souvenir, je m’associe à l’hommage et aux applaudissements qui éclatent, à ce moment même, dans la nef. J’ai alors la sensation d’un temps suspendu. Hier, mon père naissait à l’homme qu’il allait devenir, entre les mains d’un terrible accoucheur d’âme, dur à lui-même, dur aux autres. Hier, Victor Dillard choisissait de quitter secrètement Vichy pour d’autres jeunes, plus oubliés, dont il devinait la solitude morale et les attentes spirituelles. Avait-il le pressentiment du martyre qui l’attendait ?
Cet après-midi à Notre-Dame, résonne dans les paroles du Cardinal Hollerich, un appel à l’engagement. Il cite le Pape François : « La foi doit aller du cerveau au cœur. Mais ce n’est pas suffisant, elle doit ensuite aller du cœur aux bras et aux jambes ». Le message me traverse, comme il traverse les époques. C’est celui des Cinquante béatifiés de ce jour, celui qu’ils nous transmettent sous les fastes de la liturgie et l’intemporel du chant grégorien.
Je comprends : c’est le même message que le « Voir, Juger, Agir » de l’Action Catholique. Mon père l’a appris de Victor Dillard ; il n’a eu de cesse ensuite de le répéter et de vouloir le mettre en pratique. Je suis là, au nom de mon père, dans le souvenir et dans l’hommage. Mais est-ce assez de fidélité ?
Lettre apostolique
Nous, exauçant les vœux du frère Jean Marc S.R.E. Cardinal Aveline, archevêque métropolitain de Marseille, président de la Conférence des évêques de France, ainsi de nombreux autres frères dans l'épiscopat et de nombreux fidèles, après avoir consulté le Dicastère pour les causes des saints, accordons par notre autorité apostolique que les Vénérables Serviteurs de Dieu :
Raymond Cayré, prêtre diocésain, Martin Cendrier, religieux de l'Ordre des Frères Mineurs, Roger Vallé, séminariste. Jean Mestre, laïc, et 46 membres, martyrs qui, pour témoigner de la consolation et du réconfort de l'Évangile, n'ont pas craint de donner leur vie, jusqu'à verser leur sang, soient désormais déclarés Bienheureux et célébrés le cinquième jour de mai, chaque année, aux lieux et selon les rites établis par la loi.
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Donné à Rome, en la basilique Saint-Pierre, le onze novembre, en mémoire de saint Martin de Tours, évêque, en l'an saint deux mille vingt-cinq, la première de notre pontificat.
Léon XIV
